Le département d'Etat américain a, de nouveau, épinglé l'Algérie sur les graves violations des droits de l'Homme commises en 2020. Dans son rapport annuel sur la situation des droits humains à travers le monde, publié cette semaine, le département d'Etat américain a fait état de "graves restrictions à la liberté d'expression et de la presse". "Les principaux problèmes relatifs aux droits de l'Homme ont compris la détention arbitraire, les prisonniers politiques, le manque d'indépendance et d'impartialité de la justice, l'intrusion illégale dans la vie privée, de graves restrictions à la liberté d'expression et de la presse, y compris les lois pénales sur la diffamation, les arrestations de journalistes et le blocage de sites", énumère le département dans son rapport. Et la liste n'est pas close. Il déploré aussi l'entrave substantielle dans les libertés de réunion et d'association pacifiques, le refoulement de réfugiés vers un pays où ils seraient menacés pour leur vie ou leur liberté, la corruption, l'absence d'enquête et de prise de responsabilité pour la violence faite aux femmes, la traite des personnes, des restrictions importantes à la liberté d'association des travailleurs, ainsi que les pires formes de travail des enfants". "Le gouvernement a pris des mesures pour enquêter, poursuivre ou punir les fonctionnaires qui ont commis des violations, en particulier la corruption", mais l'impunité de la police et des agents de sécurité et la "sur-utilisation" de la détention provisoire demeurent un problème. "Il y a eu des signalements importants d'abus psychologiques et physiques dans les centres de détention qui ont soulevé des problèmes de droits de l'Homme. Les avocats et militants des droits de l'Homme se sont déclarés préoccupés par la gestion du Covid-19 dans les prisons", fait savoir le département, mettant également en lumière l'usage excessif du mandat de dépôt par la justice algérienne. Selon le document, une augmentation de la détention provisoire a coïncidé avec le début du mouvement de protestations populaires en février 2019. Il explique que les forces de sécurité ont arrêté régulièrement des personnes qui participaient à des manifestations, estimant que "bien que la loi interdise les arrestations et détentions arbitraires, les autorités ont utilisé des dispositions au libellé vague telles que -incitation à attroupement non armé- et -outrage à corps constitué- pour arrêter et détenir des individus considérés comme troublant l'ordre public ou critiquant le gouvernement". Le département d'Etat a également mis la lumière sur la situation des détenus et prisonniers politiques en Algérie. Citant le Comité National de libération des détenus (CNLD), le rapport fait savoir que 61 prisonniers politiques associés au mouvement de protestation Hirak étaient détenus par le gouvernement. Ils comprenaient des journalistes, des militants, des avocats, des personnalités de l'opposition et des manifestants du Hirak, explique le rapport. Il rappelle que le 10 juillet dernier, le général à la retraite et ancien candidat à la présidentielle Ali Ghediri a entamé une grève de la faim pour protester contre sa détention, ajoutant que le "gouvernement a arrêté Ghediri en juin 2019 pour -atteinte au moral de l'armée- et l'a emprisonné pour trahison et espionnage". Le 29 juillet, la chambre d'accusation du tribunal d'Alger a abandonné les accusations d'espionnage contre Ghediri qui a affirmé que ses 13 mois de prison avaient été "un confinement politique pour l'éloigner de la scène politique et de l'élection présidentielle", signale le département d'Etat. Concernant les violations des libertés d'expression dont la liberté de la presse, le rapport souligne qu'alors que le débat public et la critique du gouvernement étaient répandus, les journalistes et les militants étaient limités dans leur capacité à critiquer le gouvernement sur des sujets dépassant des "lignes rouges" non définies. Les autorités ont arrêté et détenu des citoyens pour avoir exprimé des opinions jugées préjudiciables aux fonctionnaires et aux institutions de l'Etat, regrette la diplomatie américaine, relevant que les autorités ont soumis certains journalistes au harcèlement et à l'intimidation. Tout faisant état de "poursuites sélectives" qui servaient de mécanisme d'intimidation, il a fait savoir que le gouvernement algérien a intimidé des militants et des journalistes. Les actions du gouvernement comprenaient le harcèlement de certains critiques, l'application arbitraire de lois au libellé vague et des pressions informelles sur les éditeurs, les rédacteurs en chef, les annonceurs et les journalistes, détaille le rapport. Selon toujours le même document, "certains grands médias ont fait face à des représailles directes et indirectes pour avoir critiqué le gouvernement". Les organes de presse font état d'une plus grande prudence avant de publier des articles critiquant le gouvernement ou des responsables gouvernementaux par crainte de perdre des revenus de l'Entreprise nationale de communication d'édition et de publicité (ANEP), souligne en outre le rapport. Le département d'Etat signale aussi le blocage de plusieurs sites d'information en 2020, mettant également en avant le contrôle des autorités sur Internet, notamment les réseaux sociaux. "Les militants ont rapporté que certaines publications sur les réseaux sociaux pouvaient entraîner des arrestations et des interrogatoires, les observateurs ont largement compris que les services de renseignement surveillaient de près les activités des militants politiques et des droits de l'Homme sur les sites de médias sociaux, y compris Facebook", indique le rapport. Il fait état de quelques perturbations des communications avant les manifestations antigouvernementales organisées au cours de l'année, à savoir des coupures d'Internet, le blocage de l'accès à certains sites d'actualité en ligne et des réseaux sociaux, ainsi que la restriction ou la censure du contenu. En mars, certaines parties du pays ont continué de subir des pannes d'Internet lors des manifestations du Hirak, fait savoir le département d'Etat.
* Algérie : D'anciens ministres condamnés à des peines de prison pour corruption