Le marché du travail continue de stagner après des licenciements en masse dans le secteur privé et l'annulation de recrutement au sein du secteur public en 2020. Peut-on aujourd'hui compter sur le privé pour sauver le secteur de l'emploi ? Le professeur universitaire Driss Effina, président de Directoire du Centre indépendant des analyses stratégiques a bien voulu répondre à nos questions lors de l'entretien qu'il nous a accordé. Les experts affirment que l'ampleur de la crise économique induite par la covid-19 n'est pas encore mesurable dans sa totalité. Pourtant, la crise est bel et bien tentaculaire. Baisse du pouvoir d'achat, instabilité financière, chômage, le Haut Commissariat au Plan (HCP) a fait état d'une perte de 589.000 emplois lors du deuxième trimestre de 2020 à cause de l'état d'urgence sanitaire et du confinement imposé par la pandémie. Les perspectives de recrutement se sont naturellement rétrécies avec la crise économique, avec un secteur privé mis à mal et aucun poste budgétaire à prévoir dans le secteur public. Pourtant, le secteur privé a bien le potentiel de sauver le secteur de l'emploi, affirme à 2M.ma le professeur universitaire Driss Effina. “En termes de chiffres, le secteur privé produit plus d'emplois que le secteur public. Nous avons en moyenne 95.000 emplois qui sont créés annuellement, dont un maximum de 25.000 appartiennent au secteur public en moyenne. Les 70.000 emplois restant appartiennent au privé dans toutes ses composantes, que ce soit le formel, l'informel, les auto-entrepreneurs…”, nous confie M. Effina. Cependant, en termes de valeur ajoutée, c'est le secteur public qui produit des emplois de “bonne qualité”, précise M. Effina. Le secteur privé, bien que dynamique, reste volatile et instable. Ambitionner de faire du secteur privé un secteur d'emploi stable et durable pour une population active en croissance constante est tributaire d'un renforcement de l'investissement au sein de ce même secteur, affirme-t-il. Le tissu économique marocain est composé à 93% de petites entreprises selon les dernières données du HCP. Cela en fait un tissu économique très faible en investissement et ainsi volatile. “Le problème d'investissement génère des emplois vulnérables et ainsi de l'instabilité sur le long terme”, explique M. Effina, soulignant que “lorsque l'on analyse le secteur privé au Maroc, nous remarquons qu'il s'agit d'un secteur très segmenté, composé majoritairement du secteur des services”. Ce dernier, surtout composé de métiers limités dans le temps, (maçonnerie, artisanat, tourisme…) peine à garder une stabilité tout au long de l'année. “En 2019, la moyenne d'investissement au Maroc s'est élevée à 3,2 millions de dirhams, relève M. Effina, il s'agit d'un chiffre moyen qui est en réalité rehaussé par des investissements comme les infrastructures”. Ces investissements sont peu nombreux mais ils servent à gonfler considérablement la moyenne des investissements au Maroc. Soustraits de l'équation, il ne reste que des formes d'investissement plus maigres, qui témoignent de la réalité de la situation. A titre de comparaison, la moyenne d'investissement au Maroc est dix fois inférieur à celle de la France, soutient M.Effina. Beaucoup de travail reste à accomplir pour relancer l'employabilité en 2021 sur la base du secteur privé. Si la faiblesse de l'investissement au sein des entreprises est un problème de longue date, la crise économique induite par la covid-19 risque d'exacerber le phénomène. Que les finances des entreprises, mises à mal, ne supportent pas les effets de confinements répétés, aléatoires et soudains, malgré les divers mécanismes de relance, reste une hypothèse plausible.