En dehors des incitations fiscales, la réglementation en vigueur est un élément essentiel pour stimuler lintroduction en Bourse des petites et moyennes entreprises. Veillant sur leurs intérêts, les banques semblent cependant ne pas toujours jouer le jeu. Visiblement, la prochaine introduction en Bourse de Dari Couspâte a servi de catalyseur à une question dimportance : la promotion de lintroduction en Bourse des petites et moyennes entreprises. Cest sous cet angle quil faut donc apprécier le séminaire qui a eu lieu le 10 juin 2005, au siège de la Bourse de Casablanca, animé par déminents professionnels et spécialistes marocains et européens du marché des capitaux et de financement des PME. Par cette manifestation, lAssociation professionnelle des sociétés de Bourse (APSB), en collaboration avec linstitution américaine «Financial Services Volonteers Corps» (FSVC), a voulu attirer lattention du CDVM notamment sur la nécessité de doter la réglementation dune grande souplesse, tout en garantissant la transparence et les informations «utiles» aux investisseurs. En gros, ce qui est demandé pour encourager lintroduction en Bourse des PME, est de mettre en place une réglementation appropriée à ces structures. Bref, le message à retenir est simple : le Maroc nest pas obligé dappliquer une réglementation conforme aux standards internationaux, car la question quil faut se poser est de savoir si cette réglementation est compatible avec les spécificités de notre tissu économique. Les animateurs de cet important séminaire navaient pas pour objectif de préconiser un cadre réglementaire précis ou de proposer des solutions «miracles», mais dexposer leurs connaissances professionnelles et faire une comparaison entre les points marquants des réglementations inhérentes à certaines places boursières internationales. La finalité est donc dinspirer une réglementation typiquement marocaine, apte à encourager lintroduction en Bourse des PME. Convaincre les PME En Angleterre, lintroduction en Bourse dune PME fait lobjet dune enquête approfondie visant à déceler les raisons de cette introduction. Lenquête est ensuite publiée à grande échelle et avec tout lintérêt publicitaire quelle mérite, afin de faire de la PME concernée une «vitrine», un outil dencouragement pour les autres sociétés de même taille. Simon Brickles, avocat de formation, diplômé de lUniversité de Cambridge, et actuellement Directeur général de Plus Markets Groupe plc (auparavant Ofex Holdings plc), a précisé que certes ces enquêtes ont concerné des PME anglaises dont la taille dépasse celle des PME marocaines, mais ceci nempêche que les résultats de ces mêmes enquêtes demeurent valables pour toutes les entreprises, quelles que soient leur taille. Pour générer de la valeur et soutenir la croissance (par la réalisation dinvestissements ou de projets dinvestissements), lever des fonds à moindre coût constitue la raison principale dune introduction en Bourse. Mais il y a parallèlement dautres motifs qui ont également leur importance. La Bourse a, à ce titre, la faculté dêtre un miroir qui reflète limage dune bonne gouvernance et dune bonne rentabilité. De ce fait, elle sert à «drainer» la confiance des clients, investisseurs et notamment celle des bailleurs de fonds. De plus, cette introduction permettra à une PME de profiter dune évaluation indépendante de ses performances et de sa valeur. Un point qui facilite lattractivité des capitaux-risqueurs. Ensuite, elle est pour les actionnaires une raison non négligeable pour changer leur politique dimplication dans la vie de lentreprise. Enfin, elle est loutil même du développement de lactionnariat salarial. A ce propos, Simon Brickles précise : «il y a deux ans, le PDG dune grande agence de télécommunications ma expliqué quattirer de brillants étudiants, en leur donnant la possibilité de profiter de stocks options, était la raison principale de son introduction en Bourse». Guerre secrète Certes, la volonté dattirer les PME à la Bourse existe bel et bien. Ce séminaire en est la preuve. Seulement, lintroduction en Bourse passe forcément par une société de Bourse. Cette dernière est en général filiale dune banque. La question est donc : lorsquune entreprise, notamment une PME, demande un crédit, est-ce que la banque lui propose la Bourse comme alternative de financement? De même, est-ce que les avantages dun appel public à lépargne sont explicités clairement à cette entreprise ? Bien entendu, pour avoir des réponses à ces questions, Finances News Hebdo ne sest pas adressé à des banques, encore moins à des sociétés de Bourse filiales, mais plutôt aux personnes directement concernées : les dirigeants de certaines entreprises, de tailles différentes, en premier lieu, et certaines sociétés de Bourse indépendantes, en second lieu. Les réponses à ces interrogations sont sans équivoques : les banques nont jamais préconisé à ces dirigeants lappel public à lépargne bien que leurs entreprises soient bien organisées (elles tiennent une comptabilité régulière et sont, par voie de conséquence, aptes à répondre aux exigences de transparence). «Je vois mal comment une banque peut laisser filer lopportunité de gagner x% dintérêt sur une créance financière à moyen ou à long terme en préconisant un mode de financement, la Bourse, qui garantit une levée régulière de fonds à un coût acceptable», précise lun de ces dirigeants. Mieux encore, le dirigeant dune société de Bourse indépendante nous a assuré que lun de ces clients ne savait pas quil pouvait lever des fonds gratuitement (sans payer des intérêts) tout en bénéficiant dune exonération de 50% de lIS sil opte pour une introduction en Bourse et que les banquiers ont toujours fait en sorte de lui montrer que le financement de la croissance via lendettement est la solution la moins coûteuse ! Ce phénomène (la guerre secrète que les banques mènent contre le marché boursier) nest pas propre uniquement au Maroc, car même les puissances économiques en souffrent. En tout cas, lAngleterre a déjà trouvé la solution : «la réglementation anglaise donne la possibilité à des cabinets daudit et à dautres établissements non financiers la possibilité daccompagner les entreprises dans leur introduction en Bourse», précise Sami Toutounji, associé au sein de léquipe des marchés du cabinet juridique international de «Shearman & Sterling LLP Paris». Non pour une réglementation pléthorique ! Quand on parle du marché financier, on parle forcément de lépargne publique. La réglementation et les mesures répressives sont donc les bienvenues pour protéger cette épargne et donner la crédibilité nécessaire au monde des affaires. Néanmoins, il faut avoir une réglementation, mais il ne faut pas en avoir trop . «Contrairement à ce qui est répandu, ajoute Simon Brickles, les investisseurs naiment pas que la réglementation soit lourde, et ce pour deux raisons. Dabord, une réglementation lourde est facile à digérer quand il est question de marchés seniors, mais elle ne lest pas du tout lorsquil sagit dun marché de PME. Ensuite, linvestisseur juge quil nest pas logique dépuiser une bonne partie de son effort rien que pour se conformer à une réglementation trop exigeante. Un investisseur a pour principal souci la rentabilité de son investissement». Pour sa part, Sami Toutounji a évoqué la souplesse de la réglementation américaine lorsquil a soulevé le principe de «transparence». Un principe qui oblige, pour le cas du Maroc, la communication dinformations financières prévisionnelles avant lintroduction en Bourse ainsi que «toutes» les informations financières inhérentes au déroulement de lactivité après lintroduction. En effet, la réglementation américaine a fixé une quinzaine de cas dont chacun exige la communication dune certaine catégorie dinformations financières. En dautres mots, une entreprise doit savoir dans quelle catégorie elle se trouve pour ne communiquer que quelques informations (celles exigées par ce «cas») qui sont jugées largement suffisantes pour les clients, les investisseurs et les bailleurs de fonds. Bref, il ne faut pas tabler sur la «quantité», mais sur la «qualité» pour mettre en place un cadre réglementaire apte à encourager lintroduction en Bourse des PME. «Ce qui est exigé dans une réglementation, cest dêtre uniquement sévère là où il faut lêtre : le cas dune tentative de manipulation des cours à titre dexemple», tient à préciser Brickles. (Voir aussi page 11)