* Selon le ministère de lIntérieur, le nombre de migrants clandestins oscille entre 10.000 et 12.000 personnes. * Comptant plus de femmes, de mineurs et de personnes instruites, les migrants ont en effet évolué ces dernières années. * Létat des lieux de ce phénomène a fait lobjet dune intéressante étude réalisée par Mohamed Khachani, de la Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales de Rabat. * Résumé de ce travail publié dans les Cahiers du Plan. La migration irrégulière, masculine au départ, est devenue mixte. Puisque de plus en plus de femmes tentent laventure dans les mêmes conditions difficiles pour atteindre lune des destinations privilégiées : LItalie et lEspagne. Les mineurs aussi migrent de plus en plus clandestinement. Les migrants sont de plus en plus instruits ! Au Maroc, à part les migrants marocains dont leffectif est difficile à déterminer et qui sont originaires de pratiquement toutes les régions du Royaume, les migrants irréguliers sont constitués de trois catégories. Il y a dabord les réfugiés, ceux entrés au Maroc de manière irrégulière et provenant de pays en guerre civile où la sécurité des personnes nest pas garantie, mais dont la destination finale est lEurope. Le nombre total des réfugiés demeure relativement faible, 877 cas officiels, selon le HCR, à fin septembre 2008. Ils sont essentiellement originaires de Côte dIvoire, de la République Démocratique du Congo et dIraq. La deuxième catégorie est celle des migrants en transit, qui ne sont pas attirés par des opportunités demploi au Maroc, mais qui considèrent ce pays comme une étape pour accéder à lespace européen. Dans cette catégorie, on trouve principalement les subsahariens et accessoirement les asiatiques. Enfin, les étrangers travaillant au noir, un phénomène découvert récemment à la suite dune enquête réalisée par lInspection du Travail en 2007. Les inspecteurs ont recensé près de 3.000 personnes issues de 45 nationalités dont des Anglais, des Libanais, des Coréens et des Saoudiens. Mais les Chinois et les Français demeurent les plus nombreux. Tous les secteurs dactivités sont concernés, avec une forte concentration de travailleurs étrangers dans lhôtellerie et la restauration. Cette fraude touche même les entreprises structurées. Pourtant, le code du travail est clair. Dans son article 516, il stipule que « tout employeur désireux de recruter un salarié étranger doit obtenir une autorisation de lautorité chargée du travail ». Mais la présence irrégulière la plus visible est celle des subsahariens. Dans cet espace méditerranéen, la géographie a fait du Maroc un passage obligé pour atteindre « lEldorado européen ». Le Maroc, devenu ainsi un espace de transit, a tendance à devenir un pays dimmigration. La majorité des migrants subsahariens sont arrivés au Maroc par voie terrestre. Le principal point daccès de ces migrants est la frontière avec lAlgérie. La frontière maroco-algérienne par lEst concerne lessentiel des migrants subsahariens, soit 55,9%, et leur passage se fait généralement entre la ville algérienne de Maghnia et Oujda. La frontière maroco-algérienne du sud vient en seconde position avec 17,6% des migrants. Les portes dentrée secondaires sont les aéroports (13,2% des migrants), lOcéan Atlantique (7,2% de migrants) et la frontière maroco-mauritanienne du sud empruntée par 5,7% de migrants. Ainsi, la durée moyenne de séjour au Maroc est denviron 2,5 ans pour lensemble des migrants subsahariens enquêtés, 24% ont une ancienneté migratoire de 4-12 ans et un peu moins des deux tiers, soit 65,5%, ont une ancienneté oscillant entre 1 et 3 ans. Presque un migrant sur dix (10,5%) a séjourné dans le Royaume pour une durée de moins dun an. Au Maroc, ces migrants sont confrontés à de grands problèmes ; ils se livrent à différentes activités pour survivre (cordonniers, gardiens ). Seuls 2,3% déclarent avoir un travail régulier. Le secteur le plus fréquemment cité est celui du bâtiment, 20,8 %, et les travaux domestiques, 18,8%, qui occupent 14,6% des hommes et 37,5% des femmes. Quelque 16,7% affirment travailler dans lartisanat. Seuls 4,2% ont exercé des activités lagriculture, ce qui sexplique probablement par le fait que les subsahariens enquêtés vivent essentiellement en milieu urbain, dans des quartiers périphériques des grandes villes ou aux abords immédiats des centres urbains. La situation est plus difficile pour certains dentre eux qui se trouvent acculés à la mendicité. Quelle que soit la situation où se trouve le migrant clandestin au Maroc, il envisage son avenir en fonction de son vécu et de ses aspirations. Linvestigation montre la force de la conviction, malgré tous les handicaps et tous les obstacles, 72,6% entendent réaliser leur projet migratoire. Cette forte détermination conforte lhypothèse que le projet migratoire se substitue à un projet de vie pour la majorité dentre eux. Les 10,6% qui comptent retourner dans leurs pays ont également opté pour une prise de conscience des difficultés à surmonter en situation de migration.Il reste un pourcentage non négligeable de 14,3% qui sont indécis et nenvisagent aucune solution pour leur avenir. Une infime minorité déclare vouloir rester au Maroc, soit 2,3% seulement. Mais les estimations de leffectif des migrants subsahariens irréguliers divergent. Selon le ministère de lIntérieur, le nombre de ces migrants oscille entre 10 à 12.000 personnes. En raison de lintensification du contrôle aux frontières, le phénomène serait en régression significative, selon létude de Mohamed Khachani. En référence aux interceptions de personnes en situation irrégulière par les autorités nationales, il savère quaprès une légère croissance, de 24.245 cas en 2000 à près de 30.000 en 2005, elles ont connu un déclin significatif à partir de 2005 pour atteindre 14.449 cas en 2007, dont 7.027 migrants subsahariens. A noter que depuis 2003, le nombre de migrants subsahariens arrêtés a dépassé constamment celui des nationaux.