* Au moment où lon ne parle quécolo, le Maroc ne dispose pas encore dune fiscalité proprement environnementale. * Des redevances obéissant au principe pollueur/payeur ont vu le jour avec la création des Agences de Bassins Hydrauliques, mais leur application bute pour des raisons politiques. * La compensation des impôts écologiques par la diminution dautres prélèvements obligatoires, plus particulièrement ceux pesant sur le travail (cotisations sociales), une éventualité à étudier Thème dactualité brûlante, la Charte de lenvironnement en cours délaboration mobilise désormais lensemble des forces vives de la nation. Le Maroc a pris beaucoup de retard en la matière. Mais comme dit ladage : « Il vaut mieux tard que jamais ». A noter que lun des problèmes les plus cruciaux que le Maroc rencontre à lheure actuelle réside dans le fait que sa situation environnementale et létat de ses ressources naturelles, y compris celles qui étaient supposées renouvelables, sont dans un état inquiétant. A bien des égards, les évolutions passées et en cours laissent présager des désastres écologiques tels que cest lavenir du pays lui-même et des générations futures qui devient hypothétique. Par conséquent, compte tenu de lévolution des besoins de la population et des usages des différents secteurs, si rien nest fait la situation risque de saggraver. Surtout si lon tien compte de la pression démographique, la déforestation, la désertification rampante, lurbanisation incontrôlée, la surexploitation des ressources biologiques et la pollution qui se conjuguent pour faire peser de graves menaces sur la biodiversité au Maroc. Toutefois, il est à noter que pour réussir le défi lié à lenvironnement, il ne faut pas se limiter à crier sur tous les toits la mise en place dune charte. Il faut aller au-delà en instaurant des mécanismes adéquats afin de pouvoir financer ce projet de grande envergure. Doù la nécessité détablir une fiscalité dédiée à lenvironnement afin de pouvoir mobiliser des ressources pour le financement. Sous dautres cieux, et partant du constat quune fiscalité environnementale nétait pas réellement au service de la protection de lenvironnement, en raison de taxes peu encore adaptées, des groupes de travail se sont ainsi constitués pour appliquer une fiscalité plus efficace et responsabilisante. Ces réflexions ont pu aboutir à des propositions de lois simples et réellement incitatives qui nalourdissent pas la charge fiscale de lentreprise. Au Maroc et au moment où lon parle écolo, on saperçoit que la Loi de Finances 2010 na pas prévu de dispositions fiscales à cet effet. «Avec la création dAgences de Bassins Hydrauliques à lissue de lapplication de la loi 10-95 sur leau, des redevances de pollution ont été instituées suite au déversement deaux usées dans la nature. Les dahirs sont sortis, mais leur application trébuche pour des raisons dordre politique et organisationnel», explique un responsable au sein dune Agence de Bassin Hydraulique. Il sempresse dajouter que ces redevances obéissent au principe du pollueur-payeur et quelles sinscrivent dans le cadre de ce que lon appelle la fiscalité affectée. En clair, les redevances collectées serviraient à financer des investissements dédiés à lenvironnement. Mais valeur aujourdhui, lapplication des dahirs tarde à voir le jour. Ce commentaire semble être partagé par un fiscaliste : «une fiscalité proprement environnementale, comme ce qui se passe à létranger, nexiste pas. Or, loutil fiscal savère indispensable aussi bien en matière de maîtrise dénergie que de protection de lenvironnement ». Le plus souvent et à défaut dune fiscalité vouée à lenvironnement, on utilise celle existante à des fins environnementales, ce qui parfois nuit à léquité sociale. A la CGEM, le patronat continue à militer, et ce dans le cadre de la Charte sociale pour que les entreprises qui polluent moins bénéficient dune carotte fiscale. Mais tout laisse croire quune telle disposition nest pas pour demain. Une équation à deux inconnues En parlant dincitation à la protection de lenvironnement via la carotte fiscale, une question se pose demblée. Que cherche-t-on au juste : accroître les recettes fiscales ou diminuer les atteintes à lenvironnement ? «Dans le premier cas, il faut instaurer des taux bas et des assiettes larges pour quun maximum de contribuables passent à la caisse sans pour autant que le coût soit dissuasif», explique le fiscaliste. Et dans le second cas, il faut des assiettes étroites très précisément définies et des taux élevés pour que le coût soit dissuasif. Dans cette éventualité, lobjectif susvisé est plutôt dinciter à un changement de comportement : ne pas polluer, ne plus détruire les ressources naturelles. Cest semble-t-il ce dilemme que peinent à résoudre les pouvoirs publics en ce qui concerne léco-fiscalité. Cest ce que lon appelle dans le langage mathématique une équation à deux inconnues. Le principe est que la fiscalité de lenvironnement ne peut se contenter de taxer les pollueurs même de manière élevée. Elle doit surtout avantager par une taxation réduite ou une dépense fiscale, les écoproduits, les écotechnologies voire les comportements favorables à lenvironnement. En agissant de la sorte, on pourrait encourager les entrepreneurs à opter pour des technologies propres et économes. En présence dune taxe, les agents peuvent arbitrer entre la réduction de la pollution quils occasionnent ou son maintien et le paiement de la taxe. Au regard de lacceptabilité de la fiscalité environnementale, un concept «original» complète cette approche, celui du «double dividende ». Comme limpôt environnemental affecte les coûts de production des entreprises ou le pouvoir dachat des consommateurs, il risque de peser à court terme sur le potentiel de croissance. Pour atténuer ce risque, certains économistes de lenvironnement ont proposé de compenser les impôts nouveaux par la diminution dautres prélèvements obligatoires, plus particulièrement ceux pesant sur le travail (cotisations sociales notamment), diminution censée être favorable à la croissance et à lemploi. A méditer