* En dehors de quelques mesurettes, une fiscalité proprement environnementale fait encore défaut. * Le principe du pollueur-payeur trouve désormais sa raison dêtre dans le contexte actuel. * A défaut dune fiscalité dédiée à lenvironnement, on utilise celle existante, ce qui, par ricochet nuit à léquité sociale. La déclaration du gouvernement de Abass El Fassi sur le Budget 2008, relative au volet fiscal na rien dinnovant. Comme prévu, le nouvel exécutif continue sur les traces de léquipe de Driss Jettou, à savoir la réduction de lIS à 30% après celle de lIR en 2007 et la fin progressive du régime dérogatoire. Si la cherté du coût de la vie a laissé insensibles les pouvoirs publics en ce qui concerne une fiscalité dédiée à la famille, celle de lenvironnement dans un contexte où lon parle écolo, lest davantage. Depuis plusieurs années, les pays développés ont pris à bras le corps une fiscalité liée à lenvironnement se targuant aujourdhui de résultats probant, alors quau Maroc rien nest encore arrêté. Les séminaires traitant la thématique de lenvironnement sont, certes, de plus en plus fréquents. Il existe des fonds de financement au profit des entreprises polluantes. On peut citer, à titre dexemple, le Fodep consistant à financer les projets de dépollution pour les entreprises industrielles et artisanales au moyen de dons et de crédits. Ajoutés à ceux-ci des fonds financés par lUnion européenne. Des actions somme toute intéressantes, mais qui demeurent insuffisantes à cause de labsence de mesures fiscales incitatives. Lexpérience nous montre quune fiscalité environnementale ne peut être quefficace aussi bien sur le plan économique quenvironnemental. Sous dautres cieux et, partant du constat que la fiscalité environnementale nétait pas réellement au service de la protection de lenvironnement, en raison de taxes peu encore adaptées, des groupes de travail se sont ainsi constitués pour réfléchir sur les base dune fiscalité environnementale plus efficace et responsabilisante. Ces réflexions ont pu ainsi aboutir à des propositions de lois simples et réellement incitatives, qui nalourdissent pas la charge fiscale des entreprises. A quoi sert une fiscalité de lenvironnement ? Si la fiscalité est complexe dans ses différentes composantes, elle lest encore plus dans celle de lenvironnement. Au Maroc, hormis une redevance que les pollueurs sont appelés à payer à lAgence des Bassins Hydrauliques, le législateur ne stipule aucune mesure. Interrogé à cet effet, un fiscaliste confirme que notre système fiscal reste muet sur la question. «Notre système fiscal obéit à cette logique quil faut augmenter les recettes pour faire face aux dépenses en dehors de toute lutte pour le bien-être social et même contre les nuisances». Et il ajoute que notre système fiscal ne peut être considéré comme un levier de développement économique. Si une entreprise investit dans des projets ayant pour objectif la protection de lenvironnement, peut-elle jouir de la possibilité de déduire ses dépenses de lassiette imposable ? «Rien», rétorque notre fiscaliste. Le même avis est partagé par Saïd Mouline, Président de lAssociation marocaine des industries solaires et éoliennes (Amisole) et Président de la Commission Environnement à la CGEM : «Une fiscalité proprement environnementale nexiste pas, mais on la trouve quelque part. Le législateur a revu à la baisse la taxe relative à lutilisation des chauffe-eau solaires de 20 à 14% lan dernier et, aujourdhui, on espère encore aller plus loin afin de réduire notre dépendance énergétique». Loutil fiscal savère indispensable aussi bien en matière de maîtrise dénergie que de protection de lenvironnement. Par exemple, en France, la fiscalité liée à lutilisation de lessence est plus attrayante que celle du diesel, mais ce sont des choix stratégiques. Doù la nécessité dune fiscalité adéquate au service de lenvironnement. «A la CGEM et dans le cadre de la charte sociale, nous militons pour que les entreprises qui polluent moins, bénéficient dune carotte fiscale», annonce le Président de la Commission Environnement. En effet, à défaut dune fiscalité dédiée à lenvironnement, on utilise celle existante à des fins environnementales, ce qui par ricochet nuit à léquité sociale. Or, cette dernière implique plutôt de réduire les impôts indirects. Toutefois, ce sont malheureusement ceux-ci qui sont pour linstant privilégiés en matière denvironnement et leur utilisation entraîne en général laugmentation des prix des biens de première nécessité ou de grande consommation. Fiscalité incitative VS dissuasive Bien quelle paraisse a priori évidente, la question du but de lutilisation dinstruments fiscaux en faveur de lenvironnement est un peu complexe. Que cherche-t-on ? Accroître les ressources publiques ou diminuer les atteintes à lenvironnement ? Dans le premier cas, il faut des taux bas et des assiettes larges, pour quun maximum de redevables contribuent et pour que le coût ne soit pas dissuasif. Dans le second cas, il faut des assiettes étroites très précisément définies et des taux élevés pour que le coût soit dissuasif. Ces deux logiques ne semblent guère compatibles. Dans le premier cas, le faible taux engendre des recettes fiscales importantes mais guère de réduction de la pollution taxée, puisquil vaudra mieux sacquitter dune taxe faible que dentreprendre des investissements coûteux. Dans le second cas, le but est que pratiquement, la taxe ne soit pas perçue puisquil sagit dinciter à un changement de comportement : ne plus polluer, ne plus détruire les ressources naturelles Or et même dans ce cas, il paraît illusoire, voire presque pervers dattendre de ce type de fiscalité environnementale des ressources publiques à redistribuer, fut-ce au profit de lenvironnement. «Dailleurs, ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir, cest-à-dire intervenir en amont en empêchant la pollution plutôt que dépolluer et ensuite intervenir», explique un professionnel. Cest, semble-t-il, ce dilemme que peinent à résoudre les pouvoirs publics en ce qui concerne lécofiscalité. La fiscalité incitative ne peut se contenter de taxer, même de manière élevée, les polluants/pollueurs. Elle doit et surtout avantager par une taxation réduite, ou une dépense fiscale, les écoproduits, les écotechnologies, les comportements favorables à lenvironnement. De cette manière, on arrivera à inciter les entrepreneurs à des comportements favorables à lenvironnement et à des technologies propres et économes. Pour Saïd Mouline, une fiscalité dissuasive ou incitative importe peu, lessentiel est quil y ait une fiscalité au service de lenvironnement. Il estime que les deux vont de pair et que lune ne peut aller sans lautre. «Je trouve tout à fait normal dencourager les entreprises qui font leffort et de taxer les polluantes», dit-il. Le Président de lAmisole nest pas contre le principe de soumettre les pollueurs-payeurs à des écotaxes comme il senthousiasme à lidée de déduire de lassiette fiscale les dépenses dinvestissement dans les écoprojets.