* Lindemnisation des accidents du travail coûte aux compagnies dassurance environ 650 MDH par an. * A fin 2008, 1.465 entreprises ont adhéré à la médecine du travail à travers le programme de mise en conformité mis en place par le ministère de lEmploi en 2007. * Dautres relais sont prévus pour les entreprises dont leffectif est inférieur à 50 employés. * Les raisons invoquées par les chefs dentreprise vont de la contrainte financière jusquau manque de sensibilisation. Au Maroc, les accidents du travail sélèvent à plus de 65.000 par an, dont 20% de cas graves. Et les secteurs dactivités les plus constamment concernés sont le BTP et certains secteurs industriels, notamment le textile, les industries métallurgiques. Il sagit souvent de ceux qui sont pourvoyeurs demplois. Lindemnisation des accidents du travail coûte aux assurances environ 650 MDH par an. Cette situation est imputable, entre autres, au non-respect de la loi relative à lobligation de la souscription à la médecine du travail. Il est à rappeler que le Maroc sest doté dun nouveau code du travail (entré en vigueur en juin 2004), inspiré des conventions et recommandations du Bureau International du Travail et qui se veut un des éléments déterminants de lincitation à linvestissement. Ce nouveau code est complété par la loi sur lobligation de la souscription à lassurance accidents du travail et maladies professionnelles, lobligation dorganiser la médecine du travail par les entreprises et de recruter un médecin spécialiste. Lapplication de lactuelle législation est capable de faire disparaître 80% des accidents de travail. Toutefois, et malgré son aspect positif, un nombre important dentreprises ne fait pas appel à la médecine du travail. Ce que la loi stipule Assurément, les accidents de travail et les maladies professionnelles représentent une charge financière en raison de leurs coûts qui peuvent être directs, comme les primes dassurance élevées, ou indirectes, telles que la baisse de la productivité, la dégradation de lentreprise Or, pour relever les défis de la mondialisation et de la concurrence face aux exigences de la compétitivité, la mise à niveau de léconomie sociale passe par la nécessité dune modernisation de lentreprise dans le domaine du travail. Aussi, la mise en conformité sociale exigée par les accords internationaux prend-elle en compte plusieurs critères, dont notamment la médecine du travail. Des comités dhygiène et de sécurité ont été institués par le nouveau Code du travail. Ils sont obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés. Cest une structure qui veille au maintien du bien-être et de la santé au travail. Le médecin du travail fait partie de ce comité dhygiène. «Le médecin du travail identifie, anticipe et gère des situations sources daccident de travail ou de maladies professionnelles et propose la mise en place dun système management de la santé et sécurité au travail qui aura pour objectif une nette diminution des accidents du travail et des maladies professionnelles et de leurs coûts» explique Mekouar, médecin du travail. Il assure une fonction de médecin prescripteur dexamens complémentaires médicaux en fonction de lexposition aux risques. La formation dun médecin du travail consiste en quatre années de médecine générale sanctionnées par un concours pour pouvoir accéder à une formation dune durée de quatre années supplémentaires. Ce même médecin rédige tous les six mois un rapport sur la sécurité du travail incluant des mesures à prendre et quil remet immédiatement à linspecteur du travail. Aussi, le médecin du travail est en général vacataire et donc travaille une ou deux heures par semaine. Il est embauché à plein temps lorsque lentreprise a un effectif de plus de 700 employés. Ce sont désormais les nouvelles exigences du code du travail. Les entreprises marocaines nont dailleurs plus le choix et doivent adhérer à ce nouveau dispositif. Reste quune telle obligation nest pas vue du même il par les patrons. Interrogé à cet effet, un responsable du ministère de lEmploi annonce quen fin 2007, le ministère a mis en place le programme de mise en conformité des entreprises. Le but est daccompagner les entreprises à adhérer aux nouvelles dispositions du code du travail, y compris la médecine du travail, sachant que plusieurs entreprises rencontrent des difficultés à mettre en place des services médicaux. Le programme de mise en conformité a porté sur lensemble des établissements employant plus de 50 salariés, soit 3.200 établissements. La démarche du ministère de lEmploi a consisté à accompagner 30% des entreprises en 2007, 60% en 2008 et le reste à fin 2009. Le choix des entreprises repose sur la taille et le secteur dactivité. «Si les entreprises adhèrent à ce dispositif, on les accompagne jusquau bout, dans le cas contraire, elles sont sanctionnées», explique notre source du ministère de lEmploi. La résistance au changement Adhérer à ce nouveau dispositif nest pas aussi évident pour bon nombre dentreprises. Cette nouveauté du Code du travail nest pas appréciée par certains chefs dentreprises parce que la plupart dentre eux estiment quelle engendre un coût pour une entreprise qui se débat dans les filets dune mondialisation en marche. Inutile de rappeler que notre tissu productif national se compose à plus de 80% de PME qui, malheureusement, peinent à être compétitives. Ces PME se plaignent de la cherté des coûts des intrants (transport, hausse du smig, énergie ) et dune fiscalité qui, en dépit des réformes déployées, reste pénalisante. Pis encore, la multiplication des accords de libre-échange a mis à nu bon nombre dentreprises habituées à la protection. Et par ricochet, ladhésion à ce dispositif ne fait que grever une trésorerie qui souffre déjà dun problème de recouvrement. Certains patrons se plaignent de la non-disponibilité de médecins du travail et dautres, par contre, pointent du doigt le manque dinformation. Les arguments avancés par les chefs dentreprises ne semblent pas dissuader le ministère de lEmploi qui a prévu des sanctions à légard des entreprises qui refuseraient dadhérer à un tel dispositif. Le législateur a prévu une amende de 2.000 à 5.000 DH aux entreprises nayant pas souhaité adhérer dune manière ou dune autre à cette disposition. On peut citer, à titre dexemple, la non-création dun service médical indépendant conformément aux dispositions de larticle 304, la non-disponibilité dun médecin à plein temps contrairement aux dispositions de larticle 306. Et la liste est longue. Selon notre responsable du ministère de lEmploi : «à fin 2008, 1.465 entreprises ont adhéré aux nouvelles dispositions, ce qui veut dire que 76% de lobjectif fixé ont été réalisés». Aussi, à fin 2008, le programme a subi une évaluation de la part dun groupe dexperts étrangers. Les conclusions issues de cette évaluation recommandent de continuer le programme avec la même démarche initiée et de prévoir dautres alternatives pour les entreprises dont leffectif serait inférieur à 50 employés (12.000 établissements). Le résultat est quaujourdhui, dans certaines branches dactivité, leffort déployé est ressenti; dans dautres, par contre, cest lignorance totale. Donc, le manque dinformation est très palpable à ce sujet. «Je ne pense pas que les entreprises nadhèrent pas à ce dispositif à cause des contraintes financières, sachant que les honoraires dun médecin du travail ne sont que de 2.500 DH/mois», explique Mekouar. Daprès lui, cette non-adhésion résulte essentiellement de la culture dentreprise et de labsence dinformation et de sensibilisation de la part des pouvoirs publics. Aussi, ne pense-t-il pas que la disponibilité des médecins du travail pose problème dès lors que le médecin du travail est à loeuvre une ou deux heures par semaine, ce qui lui permet de travailler dans une dizaine dentreprises. En effet, dans le long terme, cette mesure semble a priori intéressante parce quelle permet au capital humain duvrer en toute quiétude. Toutefois, à court terme, elle paraît néanmoins hasardeuse, voire pernicieuse, surtout lorsque lon constate que bon nombre de nos PME fuient limpôt et dautres normes sociales. Face à une maturité du marché en Europe, aux Etats-Unis et dans dautres pays où le travail nest plus lié au coût de la main-duvre mais aux compétences de lindividu et à la qualité du travail, la sécurité au travail revêt un intérêt primordial dautant plus que les investisseurs étrangers souhaitent travailler dans de bonnes conditions. Au Maroc, la résistance au changement est palpable à plus dun niveau. La volonté dadaptation est donc nécessaire pour accompagner les chefs dentreprise sur cette nouvelle voie.