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Omary vs Benchaâboun : Les deux faces de Janus
Publié dans Finances news le 19 - 02 - 2009

* Omary, artisan de la réforme du Crédit Populaire du Maroc : il y a consacré plus de la moitié de sa présidence.
* Benchaâboun, partisan de la croissance externe : il a donné des signaux forts un an seulement après avoir accédé à la tête du Groupe.
* Ils ont des vues divergentes en matière de stratégie de développement sur le plan national, mais ont en partage l’ambition d’inscrire le groupe dans la voie du progrès et du développement durable.
Les observateurs avertis aiment disséquer les actes que posent quotidiennement les dirigeants d’entreprise. Surtout lorsqu’il s’agit de Groupes de référence, comme l’est notamment le Groupe Banques Populaires. Et juste un an après l’arrivée de Benchaboun à la tête de cette importante institution, voilà que fusent les propos dithyrambiques : un homme «hyperactif», un dirigeant très «pragmatique», un leader qui allie «mesure et efficacité» et qui a donné une nouvelle jeunesse au GBP. Certaines «intelligences» allant jusqu’à soutenir qu’en un an, il aurait fait mieux que Noureddine Omary en 7 ans à la tête du Groupe. Mais comparaison n’est pas raison.
Pour ceux qui connaissent l’histoire récente du GBP, ce serait verser dans un simplisme outrancier que de vouloir comparer deux «règnes» de durée aussi inégale mais, surtout, intervenus dans des contextes foncièrement différents.
Révolution interne
C’est début 2001 que Omary accède à la présidence du GBP, après près de deux ans de vacance du pouvoir suite au départ de Abdellah El Maâroufi.
Mais Omary n’y débarqua pas l’escarcelle vide, d’autant plus qu’il n’était pas en terre inconnue. Le Groupe, il le connaissait bien, lui qui, en tant que représentant du ministère des Finances, siégeait au sein du Conseil d’administration.
Ce qui, pour autant, n’ôtait en rien la délicatesse de sa mission. Car, le moins que l’on puisse dire est que le legs de son prédécesseur n’était pas terrible : une banque qu’il fallait restructurer de fond en comble et dépoussiérer de ses participations gênantes dans la SMDC et le CIH. Sans oublier de l’inscrire dans la voie de la transparence à travers l’introduction en Bourse de la BCP et de veiller à consolider et développer les performances du Groupe.
Il faut dire, à cet égard, que Omary aura consacré plus de la moitié de son mandat à la restructuration interne du CPM et à lui octroyer l’image d’une banque forte au service de l’économie nationale, à travers notamment l’accompagnement des politiques sectorielles mises en œuvre par les pouvoirs publics, le financement du secteur du tourisme, de l’habitat social, de la PME et de la mise à niveau. Ce n’est, à ce titre, que début 2005 que le CPM a pu parachever avec succès son processus de réforme, sanctionné par la mise en place du Comité Directeur, présidé par Omary himself. L’institution de ce Comité Directeur, doté de larges prérogatives pour assurer la pérennité du Groupe, sous-tendait l’avènement d’une nouvelle philosophie, déclinée, entre autres, en un nouveau mode de gouvernance paritaire associant les Banques Populaires Régionales et la Banque Centrale Populaire. Cette réforme a ainsi permis un meilleur positionnement du GBP (pour se mettre au service de l’économie) et, surtout, un meilleur ancrage des BPR au niveau de la région. Tout autant, elle a permis de renforcer la cohésion et la solidarité du Groupe, d’adapter les règles régissant les parts sociales et, surtout, de rendre les BPR plus autonomes en les dotant d’organes de gestion plus adaptés. Ce qui a eu pour corollaire le rééquilibrage des relations financières entre la BCP et les BPR, ainsi que la mutation de ces dernières en banques universelles réalisant toutes les opérations bancaires sauf la gestion de trésorerie, laquelle est du ressort de la BCP.
Tout en menant sa révolution interne, le Groupe s’est montré très performant, portant, dès fin 2004, son produit net bancaire à 5,12 Mds de DH (+14,3%) pour un résultat net qui a dépassé le milliard de dirhams.
Et c’est pour consolider ses acquis qu’au lendemain du parachèvement de la réforme, Omary s’est fixé de nouveaux objectifs : la convergence des objectifs des entités du groupe, ainsi que le développement de synergies intragroupe.
Cela, après avoir réussi à mener à bien l’introduction en Bourse de la BCP, cotée pour la première fois sur la place casablancaise le 8 juillet 2004.
La réforme du Groupe s’est également déroulée sur fond d’assainissement du portefeuille. Qui s’est soldé, in fine, par la cession, en octobre 2005, des participations détenues dans le CIH au profit de la CDG, mais aussi par la fusion-absorption, deux années auparavant, de la SMDC. Laquelle posait un problème de taille : gérer la culture du personnel de cette banque. Car, comme le soulignait Omary à ce propos, «il ne fallait pas que le Crédit Populaire du Maroc impose sa culture, mais surtout qu’il réussisse le meilleur mixage possible pour optimiser les compétences».
Croissance externe
La réforme réussie, Omary pouvait donc légitimement se consacrer à la croissance externe du Groupe. Avec une vision bien circonscrite : se positionner dans de nouveaux marchés à fort potentiel comme l’Afrique, le Moyen-Orient et l’Europe, mais aussi sur le marché local à travers la prise de participations dans des entreprises marocaines et la participation dans des fonds d’investissement.
Une stratégie de développement qu’il n’aura pas eu le temps de matérialiser concrètement, vu qu’il a été rattrapé par l’âge de la retraite. Mais c’est surtout au niveau du secteur de la bancassurance que Omary aura enregistré sa plus grande désillusion : il n’a pu obtenir du ministère des Finances l’agrément (pour créer sa propre compagnie) après lequel il courait depuis de nombreuses années. C’est finalement le choix d’une alliance qui allait naturellement s’imposer, avec pour partenaire La Marocaine Vie. L’accord préconisait l’achat par la BCP de 43,54% du capital de LMV, cédés par la SGMB et Sogecap France, pour un montant de 96,6 MDH. Il confortait l’ambition de la BCP d’être un acteur majeur dans la bancassurance et devait se concrétiser au plus tard le 30 avril 2008, avec des produits qui devaient être commercialisés conjointement par la BCP, LMV et la SGMB.
Mais voilà, il tire sa révérence avant l’échéance. Et son successeur met un terme à ce partenariat qui devait permettre au Groupe de jouer crânement sa chance dans le monde de la bancassurance.
Visions divergentes
C’est un truisme d’affirmer que Mohamed Benchaâboun a une vision foncièrement différente de celle de Noureddine Omary. Benchaâboun et Omary, ce sont les deux faces de Janus.
Mais il faut reconnaître que ce n'est qu'avec le passé que l'on construit l'avenir. En cela, le nouveau maître des lieux a hérité depuis février 2008 d’une structure solide et profondément assainie, jouissant d’une très bonne image auprès de la communauté des affaires et disposant d’une surface financière assez intéressante pour lui permettre de poursuivre la stratégie de croissance aux contours dessinés par Omary. Mission beaucoup plus facile ? Peut-être pas. Mais facilitée au mieux en tout cas.
Et sa singularité, Benchaâboun l’a montrée dès son arrivée à la tête du Groupe, à travers le changement de l’identité visuelle pour affirmer le renouveau de la banque. Dans la même mouvance, il acquiert 50,1% du capital de la banque d’affaires Upline, prenant une option forte dans le créneau «banque d’investissement». Non sans avoir, au préalable, désavoué Omary, mettant le protocole d’accord signé avec La Marocaine Vie à la poubelle. Et ce pour deux raisons principales, selon les analystes : «la première est que l’essentielle de l’activité de LMV tourne autour de l’assurance Vie, quand bien même elle a essayé d’élargir son périmètre d’intervention à travers la signature de partenariats avec Eqdom, Zurich et Assalaf Châabi. La seconde est que ce partenariat n’offre pas à la BCP quitus pour la gestion. Et Benchaâboun aurait rejeté l’idée d’avoir à co-gérer LMV aux côtés de la Société Générale». Une décision que d’aucuns jugent imprudente, d’autant que «sans compagnie d’assurance, le groupe bancaire reste quand même orphelin».
En tout cas, il ne perd pas son temps et change alors de cap, tentant le coup avec CNIA Assurance. En vain : après plusieurs mois de concertations, les négociations aboutissent sur une impasse, les deux parties n’arrivant pas à trouver le bon compromis. Fin de l’épisode. Mais pas de la partie. Car, comme son prédécesseur, Benchaâboun tient à être un acteur de référence dans la bancassurance. Mais, lui, privilégie non pas une «simple» présence dans le tour de table d’une compagnie d’assurance, mais plutôt le contrôle.
Et nos satellites nous renseignent que les regards sont désormais tournés du côté d’Atlanta et Sanad. Le temps est meilleur juge.
C’est la même démarche qu’il initie d’ailleurs dans le secteur du crédit à la consommation, avec pour objectif de consolider sa présence dans ce créneau. A cet égard, il serait intéressé, selon nos satellites, par Sofac, dont les deux actionnaires de référence sont la CDG et Barid Al-Maghrib, détenant respectivement 40,96 et 35% au 01 décembre 2008. L’idée étant de la fusionner ultérieurement avec la société de crédit à la consommation du Groupe Assalaf Chaabi. Reste à savoir, dans ce cas, quel montage financier serait initié.
Sur le plan international, Benchaâboun a lancé une offensive de taille symbolisée par l’ouverture récente d’une succursale en Espagne, la première d’un réseau à déployer dans le cadre du passeport européen. Il nourrit par ailleurs les mêmes ambitions en Afrique, notamment avec la création attendue d’une filiale en Mauritanie, après celles en Centrafrique et en Guinée.
Rupture ou continuité ?
Rupture… dans la continuité plutôt, car les ambitions se rejoignent. Et, quoi que l’on dise, Benchaâboun s’appuie aujourd’hui sur les acquis laissés par Omary pour façonner le Groupe Banques Populaires. Des acquis, rappelons-le, auxquels il a également contribué, lui qui a passé pratiquement quatre ans à la BCP (1999 à 2003) en tant que DGA en charge des services communs, puis du pôle développement, soit deux ans aux côtés de Omary. Et ce après avoir été directeur au sein de l’Administration des douanes et impôts indirects.
Omary et Benchaâboun ont finalement eu un cheminement quasi similaire : ce sont deux ex-cadres du ministère des Finances qui se sont retrouvés successivement à la tête de l’un des plus importants groupes bancaires marocains.
Ceux qui connaissent Nourredine Omary, aujourd’hui patron du CNCE, apprécient «son verbe facile et sa mesure». Tout comme la révolution interne qu’il a brillamment menée au sein du GBP, déclinée, entre autres, en un travail de fond sur les activités bancaires et parabancaires et une réforme réussie. Et ceux qui connaissent Mohamed Benchaâboun le qualifient d’homme «positif, franc et qui n’a pas froid aux yeux» et apprécient son «bagage technique»; tout cela en fait «un homme respecté au sein de la BCP». «Et les différentes initiatives prises depuis qu’il est en fonction sont à la mesure de son tempérament», concluent-ils.
Néanmoins, même si à la sagesse de l’un (Omary) s’opposent la fougue et l’audace de l’autre (Benchaâboun), les ambitions restent convergentes : inscrire le GBP dans la voie du progrès et du développement. Tous les chemins ne mènent-ils pas à Rome ?


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