* Les investissements intermaghrébins restent très marginaux, à tel point que lon parle aujourdhui dun non-Maghreb. * La mondialisation vient fragiliser les économies déjà exténuées par les programmes dajustement structurel. La rencontre initiée vendredi dernier par le Haut Commissariat au Plan et dont la thématique était «Le Maghreb 2030 dans son environnement euro-méditerranéen et dans la perspective de lUnion pour la Méditerranée», a été riche en enseignements, un thème si débattu mais rarement tranché. Étaient présents à cette rencontre déminents experts, des politiciens, des prévisionnistes venus des quatre coins du monde afin de débattre dun sujet aussi crucial pour lavenir de la région dans un contexte de mondialisation. Le point de convergence de leurs interventions a été le commerce intra- maghrébin qui demeure très faible (2%), les investissements intermaghrébins qui restent très marginaux à tel point que lon parle aujourdhui dun «non-Maghrreb». Le Maghreb souffre dun taux de chômage de lordre de 24%. Sa population rurale demeure importante et continuera dexercer, malgré une forte urbanisation, la même pression dévastatrice sur ses ressources naturelles. La libéralisation accélérée des marchés, la financiarisation des économies et le développement des flux de linformation sont en train de façonner une économie globale qui échappe de plus en plus aux schémas classiques de régulation. Tout cela pèse telle une épée de Damoclès sur la région. Les puissances émergentes tirent léconomie vers le haut et les analystes sont aujourdhui incapables de prévoir ce qui va se passer demain. «Le non-Maghreb nous coûte énormément aujourdhui et les générations futures vont certainement en pâtir», a annoncé A. Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib. Et lobjet justement de cette rencontre est de placer le Maghreb 2030 dans un contexte de promesses et de limites de cette mondialisation tout en suggérant les pistes dune nouvelle approche de la régulation de léconomie mondiale. Assia Bensalah Alaoui, Ambassadeur intinérant de Sa Majesté, a estimé de son côté que la mondialisation est accompagnée de constitution de blocs régionaux mais, elle est porteuse dintégration et dexclusion. Il sagit en fait dun risque systémique et la pauvreté a encore de beaux jours devant elle. Encore faut-il avouer que la mondialisation vient fragiliser les économies déjà exténuées par les Programmes dAjustement Structurel. Les pays du «non-Maghreb» continuent de subir, tout en étant dispersés, les confrontations avec la mondialisation. «Larchitecture du monde dans les années à venir sera la suivante : lAsie et lAmérique seront le centre mondial et la Méditerranée sera marginalisée. LEurope avec un PIB de 22% actuellement risque de se retrouver à 12% en 2030, «explique Xavier Guilhou, Président de XAG Conseil. Toutefois, il considère que si les pays riverains innovent, les résultats risquent dêtre surprenants. Les études prospectives montrent que les USA continueront dêtre la première puissance mondiale aux plans économique, politique et militaire. Le pôle pacifique est en émergence rapide et son poids sur la scène internationale saffirme de plus en plus au détriment de lEurope. La question qui se pose demblée est : lespace euro-méditerranéen a-t-il vocation à constituer, à lhorizon 2030, un pôle de compétitivité équivalent ? Si oui, selon quelles stratégies de convergence et selon quels processus à la lumière des expériences actuelles dintégration régionale dans le monde ? Des pistes de réflexion Lors du Forum, les participants ont souligné que le choix des projets à mettre en place dans le cadre de lUPM doit obéir à davantage de pragmatisme et éviter lexacerbation des différends actuels. Ils ont mis laccent sur les points suivants : la mobilisation des sociétés des deux rives et le codéveloppement impliquent le passage à la codécision euro-méditerranéenne et à lédification dun projet régional fondé sur des opportunités concrètes à même de mobiliser les acteurs non étatiques. Aussi la rive Sud, notamment le Maghreb, doit passer dune posture passive à une force de proposition, partie prenante des choix et options qui engagent notre avenir commun. La situation dasymétrie entre les deux rives et les atouts communs impliquent des visions à la fois communes et différenciées et des ouvertures maîtrisées, avec des acteurs hors espace euro-méditerranéen, permettant des gains globaux au profit de tous. En terme de pistes daction, des suggestions de projets de codéveloppements concrets ont été retenus. On peut citer, à cet égard, ladoption de méthodes de travail inspirées de lexpérience historique de lintégration européenne, pour répondre aux attentes des opinions publiques, en privilégiant le processus des mises en réseau experts/administration, du développement de la collégialité et de la promotion des projets aux retombées concrètes sur la vie quotidienne des populations ; la reconnaissance forte du savoir comme un bien public essentiel et sa démocratisation impliquent de donner une priorité catégorique à une convention méditerranéenne pour la création dun espace commun du savoir au service de la compétitivité et de la durabilité et appellent à la mise en réseau des institutions de recherche-développement et de formation des deux rives. Deux projets concrets ont été identifiés. Le premier concerne le jumelage immédiat et à grande échelle détablissements denseignement secondaire des deux rives. Le second est relatif à un programme de mise à niveau des universités, du système éducatif et de la recherche-développement. Ce projet à vocation structurante est à promouvoir conjointement avec lUE. A défaut de la contribution de cette dernière, les pays concernés doivent en assurer la mise en uvre dans un cadre maghrébin moyennant un financement à mobiliser via un «Fonds Ibn Khaldoun du Savoir». Le renforcement des capacités des Etats du Sud à promouvoir des politiques doffres ciblées et stratégiques permettra aux PME de se placer dans les chaînes de valeur globales (agriculture, industrie et services y compris financiers). Une chose est cependant sûre : la globalisation est un mouvement irréversible et il serait vain de la réfuter. Mais cela nempêche que les pays du Sud doivent avoir leur mot à dire.