Passionnante est lhistoire de Jean-Claude Bouveur, le Président Directeur général de Delattre Levivier Maroc. En fait, rien ne prédisposait ce Chti à vivre sous le soleil du Maroc. Et pourtant, dans la vie, il faut sattendre à tout. Né en 1942 dans le Nord de la France dans une famille en exode ayant fui la région de Gravelines après la guerre de 40, il incarne ce quon appelle «le retour du prisonnier». Il est né après le retour de son père de sa détention en Allemagne par larmée nazie. Petit dernier de quatre enfants, il passe une enfance tranquille malgré la période peu propice que vit lEurope. «Notre ville Dunkerque a été complètement rasée et nous vivions dans des baraquements provisoires». Né dun père ouvrier de cartonnerie et dune mère épicière, Jean-Claude chope très tôt le virus des affaires. «Dailleurs, jaidais énormément ma mère dans son commerce, en mangeant ses bonbons». Très joyeux, studieux, enfant, il était un tantinet espiègle aussi. Après le secondaire, il intègre les écoles techniques doù il ressort avec un diplôme de technicien supérieur. «Ce diplôme ma permis dintégrer Delattre Levivier France où jai fait mes premiers pas en tant que métallurgiste». Il avait, à lépoque, 22 ans et avait déjà passé son service militaire au Commissariat de larmée de lair. «Nous avions de beaux costumes !». Immergé dans cette industrie lourde de métal, il est avide de connaissance et gravit les échelons de la construction des fourneaux aux laminoirs. Il sera, pendant de longues années, responsable de vie à Valenciennes, jusquà être «nommé» ingénieur-cadre grâce à lexcellent travail quil avait réalisé dans le service montage. Cest cette honorable expérience dans ce service qui incitera les responsables de DLF à lenvoyer au Maroc en tant quexpatrié pour, justement, prendre la direction de latelier Montage de Delatre Levivier Maroc en 1971. Il avait à lépoque 29 ans et, depuis, il na plus quitté le Maroc ! En 1973, DLM, qui était à 100 % filiale de DLF, a vu son capital cédé à 50 % à un actionnariat marocain. En effet, en France, DLF traversait une période difficile, tandis quau Maroc DLM, elle, suivait son développement avec la construction en 1975 dune nouvelle unité de production : lUsine Sud, sise à Casablanca. DLM contribue avec sa nouvelle capacité de production à dimportants chantiers, notamment à Jorf Lasfar. Jean-Claude Bouveur contribue pour sa part au développement de la société en tant quexpatrié à la tête du Département montage. Mais entre 75 et 80, la conjoncture est difficile. DLF cède entièrement sa participation au capital de DLM pour se concentrer sur ses propres soucis financiers. Mais DLM nest pas au bout de ses peines puisque, peu après, les actionnaires marocains pensaient à céder leurs parts. Jean-Claude Bouveur, qui sétait attaché à lentreprise et qui connaissait ses potentialités décide, à côté dun actionnaire marocain, de reprendre le groupe. Mais au bout de quelques années, ce dernier, pour des raisons personnelles sort du capital. Et cest Jean-Claude qui reprend tout le capital en 2000. Il a assuré seul la continuité, avec les concours des partenaires : banques et fournisseurs du groupe. Et il va y arriver brillamment avec le concours de ses partenaires bancaires et autres fournisseurs En 2002, il est rejoint par Eric Cecconello, en tant quAdministrateur Directeur général. «Jai été très occupé et jai ressenti le besoin dêtre épaulé. Eric est arrivé avec du sang neuf et des idées de développement plein la tête». À eux deux, ils constituent un bon tandem. Lactivité se développe et avec un carnet de commandes de plus dun milliard de DH et des projets de développement, notamment la construction dune nouvelle unité à Tit Mellil, lintroduction en Bourse est pour eux un bel outil de financement. Epaulés par leur banque, ils franchissent le pas. «Le fait que nos propres salariés achètent les actions de DLM prouve quils font confiance au groupe et cest un élément de fierté pour moi». Et il y a de quoi, car DLM sest développée en Afrique, notamment dans des mines dor situées au Sénégal ou avec Areva au Niger. Au Congo, le groupe a décroché un marché à linternational pour la construction de plates-formes pétrolières. Export, éolien ou offshore pétrolier, les motifs de fierté pour Jean-Claude Bouveur sont multiples. Si DLM a été le centre de sa vie, il nen demeure pas moins que Jean-Claude Bouveur a également uvré dans dautres secteurs, notamment le textile, un secteur dans lequel on la appelé à la rescousse pour aider des entreprises en difficulté. Il a également beaucoup donné de son temps pour rapprocher économiquement le Maroc, son pays daccueil, et la France, son pays dorigine. Il est ainsi Président des Conseillers du Commerce Extérieur de France, après avoir été Président de la Chambre Française de Commerce et dindustrie du Maroc, dont il est dailleurs le Président dhonneur. Ces efforts lui ont valu dêtre nommé Chevalier de la Légion dHonneur. Homme fidèle, il estime quune entreprise sans fidélité est une entreprise sans avenir. Autre valeur qua cultivée Jean-Claude Bouveur, le respect des engagements. Cest certainement ce trait de caractère qui a fait que cet homme a pu venir à bout de tous les obstacles quil a rencontrés dans la vie, soutenu par des femmes et des hommes qui ont eu confiance en lui. Jean-Claude Bouveur a, par ailleurs, toujours eu confiance en ses équipes en prônant une grande collaboration dans la gestion du groupe. «On ne réussit jamais rien tout seul ! Je me considère comme un manager au sens sportif du terme et je dois également donner lexemple à suivre». Père de deux filles et grand-père de trois petits-enfants, se retrouver en famille est, pour lui, un vrai moment de plaisir. «Surtout avec les petits-enfants où je ne suis pas dans le rôle de léducateur. Soulagé de cette responsabilité, les retrouvailles avec les petits-enfants, ce nest que du pur plaisir !». Avec du recul sur ses 35 ans, voire davantage, passés au Maroc, Jean-Claude Bouveur estime avoir eu beaucoup de chance. Linvraisemblance de la vie a voulu quil se retrouve à la tête de DLM à un moment où tous quittaient le navire. Lui, il y a cru et il na pas eu tort. «Jai limpression que ce parcours ma été offert, jen suis satisfait ! Je nai jamais fait cela pour largent, mais pour le challenge, car de toute façon, même si largent peut être perçu comme un indicateur de réussite, pour moi il na jamais été le moteur de mon existence ou de ma vie professionnelle. Ma seule motivation est de relever les défis».