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Entretien : «On est peut-être à la veille du décrochage du marché»
Publié dans Finances news le 02 - 05 - 2008

* La part des investisseurs étrangers dans la capitalisation boursière s’amoindrit de plus en plus.
* Jugé trop cher, le marché boursier est entré dans une phase d’instabilité inquiétante.
* Est-ce le début du cycle baissier? Y a-t-il une relation avec la crise financière qui sévit dans les places internationales ?...
Tour d’horizon avec Kamal Bennani, Trader à Orange Asset Management.
Finances News Hebdo : Les investissements étrangers en valeurs mobilières se sont appréciés de plus de 20% en 2007. Comment évaluez-vous cette tendance ?
Kamal Bennani : Le marché marocain se porte bien et présente un intérêt certain pour les investisseurs étrangers à moyen et long termes. D’ailleurs, selon le rapport du Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières sur l’investissement étranger en 2007, les perspectives sont bonnes. Le marché va encore accueillir sur la cote un certain nombre de sociétés nouvelles qui rendront le marché plus profond et plus liquide et cela intéressera certainement les investisseurs étrangers par la suite.
F.N.H. : Ces investisseurs se trouvent aujourd’hui dans une situation d’illiquidité au vu de la crise financière qui touche les marchés internationaux. Dans quelle mesure seraient-ils tentés de reprendre leurs bénéfices ici au Maroc pour compenser…
K.B. : Après la crise des subprimes qui a éclaté en août dernier, les marchés étrangers sont en train de reprendre leur souffle. Donc, c’est déjà un peu tard pour dire que les étrangers cèdent leur part pour compenser. Maintenant, on se demande si l’économie mondiale va subir une récession ou pas. À mon avis, la question qu’il faudrait se poser au vu de la conjoncture actuelle devrait tourner autour de l’attrait de la Bourse de Casablanca. Là, effectivement, il y a un certain nombre de facteurs qui sont l’étroitesse du marché, l’illiquidité et puis la cherté de la place qui dissuadent la tendance du marché actions. Mais on ne peut pas apporter une réponse aussi tranchée sur son évolution future.
F.N.H. : La morosité s’est emparée de la place casablancaise depuis quelques semaines. Est-ce la fin du cycle haussier?
K.B. : Oui, personnellement je suis entièrement d’accord. Je n’ai pas envie de dire qu’on est en fin de cycle, mais le potentiel de gain de la Bourse de Casablanca est de plus en plus moindre, et c’est clair qu’il y a un risque de correction. Je préfère parler du risque de correction plutôt que du risque de crise. Justement, avec les nouvelles introductions, on a l’impression que cette Bourse marocaine commence à plafonner en terme de valorisation. Maintenant, tout dépend aussi de l’essor de l’économie pour cette année. Avec un certain nombre de variables, notamment les taux d’intérêts et l’impact de la Caisse de compensation sur la situation du Trésor, je ne pense pas qu’en terme de cycle on ait un grand problème dans le marché. Certes, le marché est cher pour les courtermistes mais pas assez pour ceux qui souhaitent se positionner dans une perspective stratégique. On a eu un très bon cru du résultat 2007, les perspectives 2008 ne sont pas mauvaises, on table globalement sur une croissance des résultats qui est quand même assez intéressante, les analystes prévoient une année entre 15 et 20% (on va dire 10 % pour les mois les plus pessimistes et 20% pour les mois les plus optimistes). Actuellement, on est aux alentours de 16 %, donc il est clair qu’on a plafonné. Le risque de correction est là !
F.N.H. : Il faudra s’attendre au pire alors ?
K.B. : Il faut savoir que l’année dernière, le marché a baissé vers le 7 ou le 9 mai, l’année d’avant c’était la même chose, le 13 ou le 14 mai. Donc, on est dans une période où en général on n’achète pas : il suffit que quelqu’un déclenche un processus de vente pour que le marché entre dans une panique. C’est une période très très sensible en effet.
F.N.H. : La crise internationale y est-elle pour quelque chose ? Autrement dit, n’avez-vous pas remarqué un retrait massif de liquidité de la part des zinzins étrangers ?
K.B. : C’est vrai qu’on est peut-être à la veille d’un décrochage du marché, mais je ne pense pas que la part des investisseurs étrangers y soit pour quelque chose. Il ne faut pas fonder le risque de chute sur le comportement des investisseurs étrangers, pour deux raisons : la première c’est que l’investissement étranger est de nature stable. On retrouve de nombreuses sociétés étrangères au capital des sociétés marocaines cotées en Bourse sans pour autant avoir un impact sur le marché. Ce sont des participations stratégiques qui n’ont rien à voir avec la spéculation. Donc, on ne peut pas les considérer comme investisseurs de portefeuille. Vivendi, par exemple, détient, à elle seule, la moitié de la capitalisation de Maroc Telecom; elle a pratiquement 12 ou 13% de la capitalisation globale du marché, sachant que Maroc Telecom a plus que le quart de la capitalisation de la Bourse. Donc, ce n’est pas Vivendi qui va vendre pour décrocher la Bourse de Casablanca, pas du tout ! Ses 51% vont rester inchangés. Maintenant, il y a des fonds de banques américaines, mais leur part est faible. S’agissant d’un marché stable, le risque de faire chuter la place juste pour compenser les pertes est bien loin, on n’est pas dans cette configuration. Le marché reste un marché local, un marché d’investisseurs nationaux ou d’investisseurs étrangers stables.
La deuxième raison c’est le renforcement des participations stratégiques. Maroc Telecom, par exemple, valait en moyenne 130 à 140 DH l’année dernière, parallèlement Vivendi avait l’équivalent à 130 DH. Maintenant qu’elle vaut près de 200 DH, la part de l’actionnaire étranger augmente sans avoir à acheter des actions. La même chose pour la BMCE et le Crédit Industriel et Commercial (CIC). C’est l’effet valorisation.
F.N.H. : La cherté de la place marocaine, jugée par son niveau de PER, par rapport à celui des Bourses de la région Mena, peut-elle dissuader l’investissement étranger ?
K.B. : Oui, éventuellement, si un investisseur décide par exemple, d’investir sur la région Mena, il va comparer la place de Casablanca à celle de l’Egypte ou à celle de la Tunisie ou d’Oman…et c’est vrai que le PER actuel est cher par rapport à celui des marchés arabes.


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