* Le Théâtre National Mohammed V est à l'heure du changement. La nomination d'un nouveau Directeur, il y a deux mois, est un indicateur de la nouvelle stratégie adoptée. * L'établissement compte se recentrer sur sa fonction essentielle qu'est la promotion du théâtre national. * Dans cet entretien, Abdellatif Nassib El Mesnaoui dresse les tableaux de ses priorités depuis qu'il est à la tête de cet important symbole culturel du Maroc. Finances News Hebdo : Avant votre nomination, il y avait une stratégie adoptée par l'ancienne Direction. Comptez-vous agir en rupture ou en continuation avec cette «ancienne» vision ? A. Nassib El Mesnaoui : Pendant mes années d'études en management culturel, on nous a toujours appris que c'est une erreur d'opérer une rupture totale avec ce qui existe déjà. La première chose, c'est de faire un bon diagnostic pour relever les défaillances, les actions urgentes à entreprendre... F. N. H. : Et quelles seraient ces actions urgentes ? A. N. Mesnaoui : Sincèrement, il y a beaucoup de choses qui ont été faites. Seulement, des volets comme la communication, interne ou externe, ont été négligés. Il n'y avait pas de stratégie-communication et relation avec le public. Car notre cible a toujours été le public de tout genre. Tous les goûts du public marocain sont visés. Nous avons donc commencé à travailler sur ce volet. D'autres actions doivent être menées pour ouvrir le débat et les critiques constructives pour le Théâtre national Mohammed V qui ne doit plus être cantonné dans le rôle d'une salle de spectacles. D'autres genres artistiques ont été favorisés aux dépens du théâtre. Mais le facteur le plus déterminant à nos yeux est celui de la qualité. «Le marché» est étroit pour le théâtre alors que la musique et le cinéma ont gagné des galons ces dernières années. Ici j'émets l'espoir que le théâtre puisse retrouver son rayonnement au milieu de la concurrence dont il souffre. F. N. H. : L'établissement avec ses structures d'accueil et son niveau technique actuel peut-il accompagner la nouvelle dynamique souhaitée ? A. N. Mesnaoui : Evidemment, nous avons un grand potentiel. On a une salle qui peut s'adapter à toutes les formes de spectacles. On va transformer la salle pour d'autres formes scénographiques ; pour que la scène soit plus mobile. Les travaux vont commencer cet été pour améliorer la qualité des spectacles offerts. F. N. H. : En parlant justement de la qualité des spectacles offerts, est-ce que vous pensez que ceux qui n'ont pas pu avoir accès au théâtre peuvent avoir maintenant leur chance ? A. N. Mesnaoui : Il y a beaucoup de gens qui travaillent avec sincérité et dévouement au théâtre. Ils sont une sérieuse opportunité pour les vrais artistes qui cherchent toujours à donner au public un spectacle de qualité. Le théâtre ne veut plus se contenter de son rôle d'accueil mais veut se doter de moyens pour qu'il puisse aller vers les gens. Et sincèrement, avec le Fonds de soutien au théâtre, le ministère de la Culture semble bien baliser le chemin en professionnalisant davantage l'art théâtral. Le point fort du Théâtre National Mohammed V est son niveau technique, ce qui permet aux artistes de mieux s'exprimer. Nous allons travailler encore plus l'éclairage, car c'est notre talon d'Achille. Ce qui nécessite évidemment des fonds. F. N. H. : La plupart des scenarii appartiennent au théâtre mondial. Quel est votre avis personnel sur ce «phénomène» très nuisible pour les droits d'auteur des écrivains marocains ? A. N. Mesnaoui : Personnellement, j'ai toujours défendu mon point de vue sur la question. Je pense que les écrivains marocains ne produisent pas régulièrement ou en quantité suffisante pour avoir le meilleur choix possible. Ensuite, les jeunes écrivains n'ont que rarement la possibilité de mettre à l'épreuve ce qu'ils écrivent. Et même au niveau de l'écriture dramatique, les analyses de dramaturgie révèlent que les mises en scène reflètent souvent un flottement dans le contenu même des uvres. Ce qui donne parfois des spectacles décousus... Donc il y a un vrai besoin pour des textes qui facilitent une mise en scène. Ce n'est pas un hasard si tous ceux qui recourent au théâtre mondial sont des réalisateurs. Il n'empêche qu'il y a des talents qu'il faut former. Il n'y a pas de structures de formation à cet effet comme pour le cinéma par exemple. On va continuer à encourager le théâtre marocain via une incitation à la formation, ici dans les locaux du théâtre à partir de septembre 2007.