Le directeur du théâtre national Mohammed V, Jamaleddine Dkhissi, a indiqué lors d'une conférence de presse, jeudi à Rabat, la nouvelle stratégie élaborée pour changer le théâtre Mohammed V en lieu de production. Les grandes lignes de son programme sont entravées par l'absence de sources de financements. Qu'est-ce qu'un théâtre national ? Un espace qui accueille des spectacles. Un établissement de prestataires de services. Une salle, dotée d'une scène et de chaises, mise à la disposition de tous. Indépendamment de la nature et de la qualité des spectacles. Un couloir, un corridor où tout passe de façon hétéroclite et dans tous les sens. Bien entendu, le théâtre Mohammed V était une chose et un théâtre national, digne de ce nom, en est une autre. Jusque-là, et à quelques exceptions près, le théâtre Mohammed V a fonctionné comme un espace d'accueil, et non pas de programmation et de production comme cela est propre à tous les théâtres nationaux du monde. Le directeur de cet établissement, Jamaleddine Dkhissi, est déterminé à se battre pour hausser son établissement au rang d'un vrai théâtre national. Il a établi une stratégie ambitieuse pour révolutionner la plus prestigieuse salle du Royaume. Modernisation et production sont les maîtres mots de cette politique. En ce qui concerne la modernisation, elle concerne les équipements de la salle en matériels audio et la rénovation de l'éclairage. La salle sera également dotée d'appareils de climatisation. Oui, le théâtre Mohammed V n'est pas climatisé ! Quant à la production, elle concerne le théâtre, l'opéra, le ballet et la musique. Pour le théâtre, la programmation sera dorénavant bien identifiée deux fois par semaine. Puisque chaque mercredi et vendredi, il y aura la présentation de pièces théâtrales marocaines et étrangères. Jamaleddine Dkhissi a annoncé dans ce sens la production par son établissement d'une grande pièce de Shakespeare. “Hamlet” ou “Richard III”, dont la réalisation sera confiée à un “grand metteur en scène russe”. Côté opéra, le directeur du théâtre Mohammed V est particulièrement fier de « Cavalleria Rusticana » de Pietro Mascagni. Cette œuvre, produite par le théâtre Mohammed V, a vu la participation de cinq solistes du célèbre Bolchoï théâtre. À l'occasion de la présentation de « Cavalleria Rusticana », le théâtre Mohammed V a effectué un vrai travail de production. Y compris pour la création des costumes d'époque. Le meilleur est pour l'avenir, puisque Jamaleddine Dkhissi promet d'encourager la programmation d'opéras de qualité. Les ballets ne sont pas en reste, puisqu'ils seront, chaque jeudi, au programme du théâtre Mohammed V. Quant à la musique, Jamaleddine Dkhissi attend beaucoup de l'Orchestre national de la musique, surtout en matière de promotion des formes régionales. La nouvelle stratégie élaborée par le directeur du théâtre Mohammed V bute toutefois contre les moyens très limités de cet établissement. Avec un budget annuel de 9, 2 millions de dirhams, qui comprend les salaires de 71 fonctionnaires, la marge de manœuvre du théâtre Mohammed V est extrêmement mince. Et à vrai dire, la conférence de presse de Jamaleddine Dkhissi n'avait seulement pour objectif d'énoncer la nouvelle politique de son établissement, mais de dénoncer également l'inertie des partenaires auxquels il s'est adressé pour trouver des sources de financement. À l'exception de Maroc-Télécom qui verse annuellement la somme de 1 million de dirhams au théâtre Mohammed V, cet établissement ne bénéficie pas de l'aide d'autres partenaires. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. « On a fait le tour des banques, de diverses sociétés spécialisées dans la vente de voitures, de l'huile, du sucre… Et partout, on nous a opposé une fin de non-recevoir sèche », a dit Dkhissi. En l'absence d'argent, il sera difficile à l'établissement de trouver les moyens pour réaliser sa nouvelle stratégie. Le théâtre Mohammed V ne pourra pas produire de spectacle, tant que près de 90% de son budget est absorbé par la masse salariale et le fonctionnement. Un théâtre national, au vrai sens du mot, est une institution capitale dans un pays. Il a un rôle-phare dans la promotion de la culture. C'est un vrai miroir pour juger du degré de l'intérêt d'un pays pour les arts. À un miroir que l'on veut scintillant, il faut trouver les moyens pour l'entretenir. Autrement, le théâtre Mohammed V continuera de renvoyer la terne réalité d'une salle de fêtes.