* Le budget de la Caisse de compensation au titre de lannée 2007 est de 13,6 milliards. Elle devra dépenser aujourdhui 22 milliards, soit 8,4 milliards de plus que prévu. * Dans quelle mesure sera-t-il possible à lEtat de supporter cette charge ? * LEtat pourra -t- il éternellement subventionner les prix ? À situation urgente, mesures urgentes. La hausse des prix de quelques matières de base, et les évènements malheureux qui sen sont suivis, notamment à Sefrou, ont poussé lEtat à mettre la main à la poche pour calmer les ardeurs. En somme, ce sont plus de 8 milliards de dirhams qui sajouteront aux dépenses de lEtat au titre de cette année budgétaire. Bien entendu, il devra puiser cette bagatelle dans le budget de la fameuse Caisse de compensation. Le budget alloué à cette dernière au titre de lannée 2007 était de 13,6 milliards. Aujourdhui, avec les engagements pris par lexécutif, la Caisse devra supporter 22 milliards, soit 8,6 milliards de plus ! Lors de létablissement de la Loi de Finances 2007, lEtat avait tablé sur un cours moyen de 65 dollars le baril de pétrole. Aujourdhui, on en est bien loin, avec des cours qui ont dépassé, ces derniers jours, la barre des 80 dollars. Ici, et sur les seuls hydrocarbures, la Caisse de compensation devra supporter un surcoût de 6 milliards de dirhams pour contenir les prix des hydrocarbures à la pompe. La facture totale au titre de lannée 2007 senvole ainsi de 9 milliards, prévus initialement, à 15 milliards de dirhams. Idem pour la subvention au sucre. La Caisse devra payer aujourdhui 3,6 milliards de dirhams au lieu des 2,5 milliards initialement prévus, pour pouvoir contrecarrer la flambée des prix du sucre sur les marchés internationaux. Ce nest pas tout. Une charge supplémentaire sest invitée à la fête : la subvention du prix de la farine, conséquence directe de lenvolée des cours mondiaux du blé qui a occasionné une brutale hausse du prix du pain, qui est passé de 1,20 DH la pièce à 1,50 DH. Coût de cette subvention supplémentaire et non prévue : 1,5 milliard de dirhams qui devront sajouter aux 2 milliards déjà budgétés au titre de lannée 2007, soit un total de 3,5 milliards. Comment donc lEtat compte-t-il financer tout cela ? «Quand on voit que les dépenses de compensation ne font quaugmenter, on peut se demander dans quelle mesure il sera possible de supporter cette charge, sinon de rentrer dans les dépenses dinvestissement ou tout au moins ne pas les augmenter», indique Driss Benali, universitaire et Président de lAssociation Alternatives. «Normalement, lEtat doit mettre ça sur le compte de lINDH. Logiquement, ça doit être ça, car il ne faut surtout pas que ça se fasse au détriment de linvestissement», renchérit Benali. Hammad Kassal, économiste, enseignant à luniversité Al Akhawayne ny va pas par quatre chemins. Pour lui, il est «impossible de financer la compensation au détriment de la croissance». Étant donné quon ne peut pas agir sur limpôt, la seule solution qui reste, selon lui, est de «faire des économies sur les comptes spéciaux du Trésor qui peuvent aller de 7 à 8 milliards de dirhams». Mais à moyen terme, ajoute-t-il, «il faut quil y ait une grande réforme de loffre agricole marocaine. LEtat ne peut pas subventionner éternellement les produits alimentaires qui subissent de plein fouet la volatilité des marchés internationaux. Sinon, on se dirigera vers la dépression totale». Quen pense largentier du Royaume? Joint par téléphone, un responsable du ministère a été clair et net à ce sujet: «On ne peut pas entrer dans des spéculations pareilles ( ) car seul larbitrage du nouveau Premier ministre est à même de trancher dans cette affaire, enjeu social oblige». Cest dire que la tâche sera difficile pour Abbas El Fassi. La conjoncture impose quil lance des signaux aux classes vulnérables. En même temps, il est tenu par limpératif de maîtrise des dépenses publiques. Pourra-t-il concilier les deux ? Pourra-t-il contenir le déficit budgétaire tout en sauvegardant une soi-disant paix sociale ? Laberration La question de la Caisse de compensation demeure, par ailleurs, problématique. LEtat pourra-t-il éternellement subventionner sans toucher ni aux prix à la pompe ni au prix du pain, du sucre et autres? Dabord, il faut dire que les subventions telles quelles sont aujourdhui opérées par lEtat sont très mal ciblées dans la mesure où elles profitent finalement à toutes les couches de la population, quelles soient aisées ou à faibles revenus. Du gaspillage, pur et dur. «Cest une aberration que de garder la Caisse de compensation. La compensation profite essentiellement aux riches. Toute léconomie de rente est basée sur ce système de compensation», explique Hammad Kassal. Même son de cloche chez luniversitaire Najib Akesbi qui avait déclaré dans lune de ses récentes interviews à FNH que «lEtat dépense toujours des dizaines de milliards de dirhams par an pour maintenir un système dont chacun sait quil ne profite pour lessentiel quà une infime minorité en particulier, quelques professionnels de la rente et du Makhzen économique». Opérateurs économiques, hommes politiques (enfin, les plus éclairés dentre eux) et Administration sont unanimes, et depuis des années, sur la nécessité dune réforme de fond, mais à ce jour, personne na encore rien fait. Mesures proposées Parmi les propositions faites en ce sens figure loption de supprimer carrément la Caisse de compensation et de rétablir la vérité des prix. On propose, en cela, dinstaurer en lieu et place de la Caisse un mécanisme daide directe au profit des ménages à faible revenu. Le premier grand avantage de ce dispositif, qui existe dailleurs sous dautres cieux, est quil permet, selon Kassal, de « cibler avec précision les populations qui doivent effectivement être subventionnées et donc de faire une utilisation plus efficace des ressources». Deuxième grand avantage, «circonscrite de cette manière, laide est plus consistante et donc plus utile et économisera, de surcroît, à lEtat plusieurs milliards». En théorie, cette alternative impose ses arguments. Quid de la pratique? «Techniquement cest impossible», estime Driss Benali. «Pour donner des bons, par exemple, à des gens nécessiteux, il faudra une bureaucratie forte. Sans compter la corruption du diable qui sen suivra», argue-t-il. La seule et vraie alternative qui reste est, selon lui, quon «agisse directement sur le chômage et la misère, principales sources du problème». Hammad Kassal, lui, propose de créer des supermarchés dits populaires à limage de ce qui se fait en Jordanie. «De grandes surfaces où lon ne vend que des produits subventionnés sur présentation par la personne dune carte destinée à cet effet et servis par les autorités compétentes», explique Kassal. Tentant. Seule pioche, signale -t- il : la Jordanie compte à tout casser 6 millions dhabitants. Le Maroc en compte 5 fois plus !