La fiscalité pèse lourd sur les opérations de rapprochement impliquant des PME/PMI et des entreprises en difficulté. Pourtant, ces opérations se révèlent parfois créatrices de valeur et nécessaires pour assurer la continuité et la compétitivité des entreprises marocaines. Dans un contexte déconomie de mondialisation, où la concurrence devient de plus en plus rude, lheure est à la croissance externe qui institue un autre moyen daccroître le potentiel commercial des entreprises, soit par acquisition soit par fusion avec dautres sociétés. Une des grosses opérations de ce type dans le monde est le rachat par le groupe de Télécom Américain Comcast du câble opérateur AT&T Broadband (73 Mds $). En Europe, on notera le rapprochement de lassureur allemand Allianz avec la Dresdner Bank (19,7 Mds $). Sans oublier, la grande fusion de BNP et Paribas en France. Au Maroc, les entreprises suivent également cette tendance. Dans le secteur des assurances, le rapprochement récent dAl Wataniya et RMA a coûté 300 millions de DH, la part de marché de la nouvelle entité créée étant de 23% environ. La plus grande opération a été réalisée en 2004 dans le secteur bancaire avec lacquisition de Wafabank par la BCM. Suite à cette fusion, Attijariwafa bank est née et devient désormais un nouveau leader sur un large éventail dactivités du secteur bancaire. La nouvelle banque pèse lourd aussi bien au niveau national que régional, devenant la 1ère du Maghreb et la 8ème dAfrique. Sa part de marché local est de 22% environ. Ce rapprochement est considéré par plusieurs analystes de léconomie marocaine comme source de productivité étant donné les synergies qui peuvent être développées et la rentabilité attendue. Toutes ces opérations ont été réalisées dans le même souci : contourner la concurrence et saccaparer la plus grande part de marché tant sur le plan national quinternational. Cependant, les opérations de fusion ou dacquisition suscitent différents coûts, surtout fiscaux. À titre dexemple, la fusion RMA-Wataniya a généré un coût fiscal de 260 millions de DH. Ce coût aurait été de 450 millions de DH si Al Wataniya avait absorbé la RMA et non linverse. Principes fiscaux généraux Globalement, une opération de fusion engendre deux types dimposition. Dune part, la société absorbée est normalement taxée sur les plus-values quelle a réalisées en transmettant luniversalité de son patrimoine à la société absorbante. Après la fusion, les deux sociétés ne font plus quune, la société absorbante prend en charge le passif lié à la société absorbée. De là, limpôt sur les plus-values réalisées par la société absorbée sera dû par la société absorbante. Dautre part, la société absorbante devra sacquitter des droits denregistrement de lacte de fusion. Le régime de taxation ainsi exposé est un régime dit de droit commun qui savère, par ailleurs, très pénalisant dans la mesure où il traite la fusion de société comme une cessation dactivité au niveau de labsorbée. Cest justement en prenant en considération les spécificités liées aux opérations de fusion (dues au fait que la personnalité de la société absorbée se trouvait dans lenceinte même de la société absorbante), ainsi que limportance des enjeux économiques, des régimes de faveur sont généralement prévus par les différents systèmes fiscaux. Ces régimes consistent généralement à mettre les opérations de fusion «entre parenthèses» comme si elles navaient pas eu lieu. Les biens transmis par labsorbée à labsorbante sont traités comme sils étaient toujours entre les mains de labsorbée, ce qui évite notamment à cette dernière dêtre redevable de limpôt sur les plus-values. Fiscalité marocaine En vertu de larticle 20 du Dahir n° 1-86-239 du 31 décembre 1986, les sociétés fusionnées ne sont pas imposées sur le profit net de la fusion à condition que la société absorbante ou bien la société née de la fusion dépose une déclaration au service des impôts directs dans les 30 jours suivant la date de lacte de fusion. Cette déclaration comporte plusieurs éléments qui sont détaillés dans ledit dahir. Si la déclaration nest pas déposée dans les délais, la fusion est soumise au régime fiscal de droit commun (cession ou cessation dentreprises). De plus, les opérations de fusion des sociétés par action ou SARL, que ce soit fusion-acquisition ou fusion-absorption, sont exonérées du droit denregistrement de lacte de fusion. Et pour les PME/PMI ? La vague de rapprochements dentreprises touche essentiellement les grandes structures plus ou moins bénéficiaires. Quen est-il alors des reprises de PME/PMI et des reprises dentreprises en difficulté? Le tissu économique marocain est constitué essentiellement de PME/PMI a fort potentiel de croissance, mais qui sont souvent en difficulté faute de moyens de financement. En effet, ces structures sont dans la plupart des cas endettées et les banques leur imposent des conditions de financement non avantageuses. Ce qui fait que bon nombre dentre elles se retrouvent avec une assise financière fragile bloquant ainsi toute opportunité de croissance et de développement. Laide à ces entreprises pourrait provenir des grandes sociétés possédant des excédents de financement et souhaitant réaliser des investissements dextension ou de diversification. Il est vrai quune reprise dentreprise nest pas une opération simple à concrétiser, ni une opération rentable à court terme, mais le potentiel de croissance de lentreprise en question mérite dêtre pris en compte. Par conséquent, le droit fiscal marocain en la matière devrait favoriser ces reprises, surtout dans un cadre économique caractérisé par la globalisation et le démantèlement des droits de douane suite à de nombreux accords de libre-échange. Ce qui impose aux entreprises marocaines lobligation de performance pour pouvoir continuer à exister et faire face à la concurrence internationale. Si on compare la fiscalité marocaine à la fiscalité française, cette dernière prévoit, selon larticle 210 A du code général des impôts, une règle similaire à celle prévue par la fiscalité marocaine. Malgré cette similitude, les deux législations ne sont pas identiques, car larticle 210 B du code général des impôts en France prévoit, lui, que le régime de faveur prévu pour les fusions à larticle 210 A est également applicable aux opérations dapport partiel dactifs et de scission portant sur une ou plusieurs branches complètes dactivité. Cette dernière notion désigne, globalement, lensemble des éléments dactif et de passif dune division dune société qui constituent, du point de vue de lorganisation, une exploitation autonome, cest-à-dire capable de fonctionner par ses propres moyens. On peut citer à titre dexemple les usines et les fonds de commerce. Cette mesure favorise la reprise de PME/PMI qui sont souvent organisées de la sorte. Malheureusement, la fiscalité marocaine traite ces opérations comme de pures cessions dactifs imposables en tant que tels, ce qui se révèle très pénalisant pour les opérateurs. Ces opérations (lorsquelles portent sur des branches complètes dactivité et non pas sur de simples biens isolés) obéissent à la même logique que les fusions et rien ne justifierait quelles soient traitées différemment. Il est incontestable que le levier fiscal reste lun des meilleurs moyens pour encourager le développement et la compétitivité des entreprises au Maroc.