Vivre à deux sans mariage est une situation illégale aux yeux de la loi et de la société au Maroc. Cependant, les réalités socio-économiques et lévolution sociale sont telles que beaucoup de couples, chez nous, vivent leur concubinage le plus normalement du monde Sans soucis ? Le concubinage est en principe interdit au Maroc. De ce fait, ce nest pas une situation de droit. Néanmoins, il devient un état de fait chez nous. Ainsi, certains couples dérogent à la règle générale et sinstallent ensemble sous un même toit sans union légale. Cest le cas de Najlae, assistante de direction âgée de 27 ans. Originaire de la ville dOujda, elle a quitté très jeune le domicile familial pour poursuivre ses études à Rabat. À cette époque, elle rencontra Omar, «lhomme de sa vie». Leur relation sétala sur toute la période des études. Quand Najlae décrocha son diplôme, Omar, lui, eut, au moins, cinq autres années pour décrocher un doctorat en sociologie. Le couple se trouva, dès lors, devant un choix difficile à assumer : rompre la relation, puisque Najlae savait pertinemment que ses parents refuseraient un homme qui na pas encore assuré son avenir, ou continuer à vivre leur amour, le temps quOmar réussisse une certaine stabilité et se marier ensuite. Cest ainsi que le couple décida de se souder pour faire face aux aléas de la vie. Le travail de Najlae à Casablanca a également motivé leur choix puisquelle habitait seule, loin de sa famille et des siens. Donc, elle avait beaucoup plus de liberté pour vivre sa vie de couple. Au départ, elle a loué un studio près de son lieu de travail. Son compagnon, lui, continuait à vivre à la cité universitaire pour poursuivre ses travaux et ses recherches. Quand le rêve tourne au cauchemar Le couple a continué de se voir les week-ends et lors de certaines fêtes. La confiance grandissante entre Najlae et son compagnon la encouragée à linviter chez elle. Les visites se sont succédée sans problèmes jusquau jour où le concierge de limmeuble vint demander à notre assistante la nature de la relation qui lunissait au jeune homme. Par crainte ou par réflexe, elle linforme que cétait un cousin qui lui rendait visite de temps à autre. Peu rassurée, elle décida de changer dadresse mais sans pour autant limiter les visites de son compagnon. Cette fois-ci, cest Omar qui loue un appartement en son nom et informe le nouveau concierge quil était marié et que son épouse viendrait vivre avec lui. Le jeune homme a décidé finalement de sinstaller avec sa future épouse. Cette dernière porte actuellement une alliance, mais ne cache pas sa peur quun de ces jours, sa famille ou la police débarque chez elle. Dailleurs, quand sa famille décide de venir lui rendre visite, Najlae renferme les effets dOmar à double tour dans une armoire, «le temps que la tempête passe». Une situation peu confortable, certes, mais les deux compagnons sont décidés à rester ensemble jusquà la fin de leur vie. Si le concubinage est motivé essentiellement par lamour, il est toutefois à noter que certaines expériences aboutissent à des problèmes graves, que les partenaires osent rarement porter devant la justice. Cest ainsi que Leila a payé cher son choix de partager un logement avec son ex-campagnon. De formation commerciale et propriétaire dune boutique de chaussures à Casablanca, elle avait fait la connaissance dun homme daffaires lors dun dîner mondain. Elle a été éblouie par le charme de ce prétendant qui lui a promis le mariage. Pour faire plus ample connaissance, ce dernier lui propose de sinstaller chez elle. Et que les tracas judiciaires pointent ! Vu que celui-ci habitait encore avec ses parents, Leila a pensé quil ne viendrait pas souvent chez elle. Au contraire, le jeune homme a vite apprécié le confort de lappartement luxueux de sa compagne au point quil a commencé à y inviter ses conquêtes en labsence de cette dernière ! Quand elle a pris connaissance de ce qui se passait chez elle, elle a décidé de mettre son ami dehors. En vain : ce dernier non seulement la battait quand il était soûl, mais en plus, la menaçait de tout raconter à sa famille et ternir ainsi sa réputation. Pire : comme il détenait un jeu de clé de son appartement, il a même profité de son absence lors dun voyage daffaires pour la dévaliser et lui confisquer les objets précieux quelle possédait. Comme sa relation avec le jeune homme nétait pratiquement connue de personne, et encore moins de sa famille, Leila na aucune preuve pour le poursuivre en justice. Bien au contraire, elle serait elle-même poursuivie pour délit datteinte aux murs Aujourdhui encore, le jeune homme vient la harceler dans sa boutique et la fait chanter en la menaçant de tout révéler à sa famille. Avec le recul de lâge du mariage et les difficultés matérielles pour fonder un foyer, plusieurs jeunes marocains décident de vivre pleinement leur vie de couple en concubinage, même si leurs actes ne sont pas tolérés par la société. Si certaines expériences aboutissent au mariage, la plupart finissent par une rupture vue la fragilité de lunion, et les nombreux problèmes qui sen suivent. Certains couples sont parfois confrontés à la naissance dun enfant naturel ou bien à des problèmes de partage de bien. Des fois encore, à des crimes passionnels ! Dans le cas des concubins, il nest pas question de contracter un crédit ou acheter un logement en commun. Actuellement, beaucoup de femmes avouent préférer vivre en concubinage plutôt que dassumer un célibat contraignant, surtout si cette situation peut aboutir au mariage. Pour les hommes, le concubinage ne se termine pas forcément par une liaison légale. Cest pour eux une expérience consistant à «sentraîner» à la vie maritale avant de sengager, mais pas nécessairement avec la même personne. Dailleurs, la plupart de ces hommes ne sentent aucun devoir de fidélité envers leur compagne. Et pourtant, malgré tous ces problèmes, le phénomène du concubinage ne fait que commencer chez nous.