À peine âgée de 22 ans, Zahia, fille de joie comme elle le dit, compte plus de 7 ans d'ancienneté à son actif. Native de la ville ocre, du quartier Moulay Youssef Ben Ali plus précisément, elle est l'aînée d'une famille de 4 enfants. Ce n'est pourtant pas la pauvreté qui l'a poussée à se prostituer, mais plutôt son goût des largesses. Zahia nous révèle les dessous d'un métier qui se répand de plus en plus chez les jeunes filles de la ville de Marrakech. FNH : Comment avez-vous atterri dans ce métier, malgré votre jeune âge ? Z : Je n'étais pas très douée pour les études et bien que mes parents eûssent insisté pour que je continue ma scolarité, j'ai préféré arrêter car cela ne m'amusait plus d'être la risée de toute la classe. J'avais à l'époque 13 ans. Après, j'ai décidé de suivre des cours de coiffure et au bout d'un an, j'ai commencé à travailler chez un coiffeur au quartier Guilize. La clientèle était très aisée et lui était très généreux avec ses employées, mais cela ne couvrait pas toutes mes dépenses. En face de ce salon, il y avait une boutique d'où j'achetais mes « fringues » et c'est la propriétaire qui m'avait mise en contact avec une de ses nombreuses amies. Cette dernière a changé la couleur de mes cheveux et les a teints en blond. Elle m'a également acheté des habits très sexy. J'en étais toute contente à l'époque. Le soir même, nous étions invitées dans un grand palace de Marrakech, habillées et maquillées comme il se doit. C'était un jour inoubliable ! Un vrai rêve ! Surtout que pour cette première fois, j'avais empoché plus de dix mille dirhams, d'un seul coup. FNH : Comment cela ? Z : Au fait, mon premier client était un vieux saoudien attiré par ma beauté et ma jeunesse. Il avait contacté la dame, qui a bien évidemment touché sa commission. Pour payer ma note, il avait induit tout mon corps de miel et avait éparpillé beaucoup de billets (des dollars) sur le tapis de sa luxueuse suite. Ensuite, il m'a dit que je pourrai prendre tous les billets que je réussirai à coller à mon corps. Alors, je me suis mise à rouler par terre pour rassembler un maximum de billets sous le regard amusé de ce vieux. Et depuis ce jour, j'avais juré de ne sortir qu'avec des personnes « friquées ». FNH : Cela veut-il dire que vos clients sont principalement des étrangers ? Z : Pas du tout. Les Marocains aussi sont très friands et il y en a qui dépensent des milliers de dirhams en une seule soirée. Ce sont, en principe, de grands éleveurs ou agriculteurs qui ont des activités saisonnières particulières. Après une saison de dur labeur, ils viennent s'amuser pour oublier leurs soucis et problèmes. Et contrairement à ce que vous pourrez croire, ce sont surtout des hommes mariés qui se jettent dans nos bras, quand leurs épouses ne les « comprennent » pas. Mais, personnellement, je préfère les étrangers pour leurs bonnes manières et parce qu'une fois le travail terminé, je ne suis pas prête de les revoir de sitôt. D'ailleurs, j'ai un carnet d'adresses bien fourni d'Allemands et de Hollandais qui viennent à Marrakech principalement pour nous autres. FNH : Et vous les rencontrez où ? Z : Dans les grands hôtels, au su et au vu de tous. Nous n'avons pas à nous cacher. Mais, ces derniers temps, la tendance est d'organiser des parties et des soirées dans les Ryads de Marrakech. Là, il n'y a personne pour nous déranger et nous persécuter. Et c'est surtout le cadre qui enchante ces touristes à la recherche d'originalité et de sensations fortes. D'ailleurs, lors d'une de ces soirées, un Allemand m'avait proposé de tourner avec lui un film pornographique. C'est une nouvelle mode à laquelle s'adonnent plusieurs de mes « collègues » ici. FNH : Mais savez-vous que votre activité est passible d'une peine d'emprisonnement ? Z : Quelle hypocrisie ! Notre activité est tolérée tacitement. D'ailleurs, il est rare que l'une de nous soit arrêtée ; et même si cela arrive, nous sommes vites relâchées. D'ailleurs, les filles comme moi sont même respectées et craintes vu que nous avons beaucoup de contacts hauts placés. Croyez-moi, nous sommes très organisées, mais aussi très influentes. FNH : Et votre famille ne se doute toujours de rien ? Z : Mon père est décédé il y a 4 ans. De son vivant, je n'osais pas sortir tout le temps, mais je lui disais que j'avais des mariages et qu'il fallait coiffer la mariée et sa famille. Dernièrement, j'ai déménagé avec ma famille de mon ancien quartier. Et je vis comme tout le monde. Je ne suis pas une prostituée qui fait le trottoir et va avec n'importe qui ; je suis une fille de joie très sollicitée et qui a une clientèle très « clean ». FNH : À propos, vous protégez-vous ? Z : Au tout début, non, car je n'avais pas d'expérience ; mais après je suis devenue très exigeante car ma santé est mon capital. Surtout quand j'ai appris que des filles de joie ont contracté le sida et d'autres infections sexuellement transmissibles entraînant leur mort. J'ai même fait un test VIH qui s'est révélé, fort heureusement, négatif. Depuis, je fais très attention. En plus, je ne me drogue pas et je reste très lucide pour tout maîtriser. FNH : Au cours de votre « carrière », vous n'avez jamais eu de problèmes avec la police ou bien avec vos clients ? Z : Bien sûr que si. Mais mon amie me sortait toujours d'affaire. En plus, je ne vais jamais dans les lieux suspects. A mes débuts, je me suis faite avoir par des clients qui rechignaient à payer, d'autres ont carrément menacé de me livrer à la police. Des fois aussi, j'étais battue soit par un client, soit par un proxénète parce que je m'étais aventurée dans son territoire. Notre métier est très dangereux et beaucoup de filles ont eu de gros problèmes, surtout quand elles tombent dans les mains des mafias du sexe et de la drogue ; et elles sont nombreuses au Maroc. FNH : Mais vous ne pouvez faire ça toute votre vie ? Z : J'ai mis de côté mes économies et je vais bientôt ouvrir une boutique de prêt-à-porter. J'aimerais bien aussi trouver quelqu'un avec qui partager ma vie, mais mon passé me poursuivra partout et pour toujours.