M. Valery Giscard d'Estaing, président de la convention européenne, a présenté son projet de Constitution lors du Sommet de Thessalonique en Grèce, aux vingt-cinq chefs d'Etat et de gouvernement pour une Union élargie. Le projet de Constitution crée un poste de Président du Conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement. C'est « le point de départ ». Giscard, qui préside la convention, a dit que la Constitution aurait une vie d'un demi-siècle et que l'Union serait un acteur majeur sur la scène internationale. La construction de l'Union Européenne inquiète les Etats-Unis. Depuis le conflit irakien, des choses ont bien changé. La contestation au sujet de la guerre en Irak n'est pas la première polémique diplomatique euro-américaine. Retour sur quelques accrochages historiques : - 2 Novembre 1956 : l'Intervention franco-britannique sur le canal de Suez est bloquée par une résolution du Conseil de Sécurité votée par les Etats-Unis. - 1962 : Le Général De Gaulle rejette la proposition de partenariat atlantique avancée par les Etats-Unis qui instituait leur monopole au sien de l'Otan et de l'arme Nucléaire. - 1963 : La France reconnaît la Chine Populaire de Mao ZedOng ; Washington ne cache pas sa colère d'autant que le Général De Gaulle, dans son discours à Phnompenh, apporte sa solidarité au mouvement des non-alignés. Le président John Kennedy affirme le 14 Janvier : « Il nous arrive de Paris des choses méchantes chaque jour ». - 1966 : Devenue puissance nucléaire, la France quitte la structure militaire intégrée de l'Otan (mais reste membre politique). - Avril 1986 : François Mitterrand refuse de laisser les avions américains survoler le territoire français pour aller bombarder la Libye. - 1990-1991 : Washington dénonce les ambiguïtés de la politique française vis-à-vis de Bagdad, notamment la complaisance envers l'Irak du ministre de la Défense Jean-Pierre Chevènement qui démissionne juste avant le début de la guerre. - Février 1995 : cinq citoyens américains sont expulsés pour espionnage par le gouvernement Balladur. Ces membres de la CIA étaient accusés de vouloir recruter des informateurs dans la haute administration. - 1996 : Polémique sur le commandement sud de l'Otan, dont Paris exige qu'il soit confié à un général européen. Washington refuse et Paris ne réintègre pas complètement le commandement intégré. - 1999 : L'armée française rappelle en Avril un de ses officiers de la Sfor, la force de paix déployée en Bosnie, accusé par Washington de donner des informations aux forces serbes et d'empêcher l'arrestation de leur leader politique Robovan Karadzic. La presse se déchaîne contre la politique traditionnellement pro-serbe de Paris. Quelques mois plus tard, un officier français, Pierre Henri Bunel, détaché à l'OTAN, est arrêté pour espionnage au profit de Belgrade. - Février 2002 : Ouvertement critique depuis plusieurs années vis-à-vis de « l'Hyper-puissance américaine » de la vision du monde de George W. Bush, le secrétaire d'Etat américain Colin Powel rétorque en parlant des vapeurs de son homologue français (voir Libération Parisienne n°6749 du 24 janvier 2003). Pourquoi Washington devrait craindre la construction européenne ? La situation en Europe devait rapidement évoluer juste après la chute de Bagdad, et l'occupation américaine de l'Irak qui détient environ 10% des réserves mondiales de pétrole, les Etats-Unis ont réussi à s'adjuger les principales nappes pétrolifères en Irak ; « ce pays deviendrait un exemple pour les autres pays de la région », a estimé Bush lors d'un exposé de son projet politique pour le Proche-Orient. Ceci explique que : la « vieille Europe » est exclue du partage du gâteau Irakien, et des discussions du processus de paix dans la région. Aux Etats-Unis, les néoconservateurs considéraient que le continent européen en paix, militairement nul, démocratiquement sur le déclin et économiquement faiblard, ne méritait pas vraiment une attention démesurée, mais l'Union Européenne est subitement devenue un danger potentiel : «dans les discussions en ville, certains se demandent désormais si l'on ne vivrait pas mieux sans la construction Européenne», regrette ainsi James Steinberg, ancien numéro deux du Conseil national de sécurité de l'administration Clinton. Les Etats-Unis estiment que la principale puissance qui bénéficiera de la réussite du projet Giscard et de la construction européenne sera la France, et les intentions de la France, comme nous en avons eu l'amère expérience, sont essentiellement hostiles aux Etats-Unis, culturellement, économiquement et diplomatiquement ; c'est le défi actuel de la politique étrangère américaine : Comment empêcher la nouvelle Constitution européenne de devenir réalité, comment courtiser et garder la loyauté des gouvernements et des Etats pro-américains. Les Etats-Unis ont changé radicalement de doctrine vis-à-vis de l'Europe. Depuis les années 50, la stratégie américaine a été toujours de soutenir mordicus la construction européenne. John F. Kennedy avait formulé cette stratégie dans son fameux discours de Philadelphie du 4 Juillet 1962 : «Nous ne considérons pas une Europe unie et forte comme une rivale mais comme une partenaire. Aider ce projet est la base de notre politique étrangère (Pascal Riché-Libération Fr. N° 6874-20 juin 2003). Avec la guerre en Irak, les Etats-Unis ne voient plus les choses de cette manière ; le monde dans lequel nous vivons change, les idées que nous avons changent elles aussi. Nous époque implique une nouvelle compréhension de l'étape actuelle de l'évolution de la civilisation, des relations internationales du monde. L'Union Européenne est sous observation, les Etats-Unis vont examiner comment l'Union Européenne va se présenter ; va-t-elle vraiment se placer en opposition, ou comme « contrepoids » aux Etats-Unis ? Je suis convaincu que l'hégémonie américaine n'est pas éternelle ; le recours à la force, les idées colonialistes, l'exploitation de l'homme par l'homme ne constituent qu'un état temporaire, transitoire de l'humanité. L'élargissement, l'unification de l'Europe, la constitution commune européenne et les coopérations renforcées sont des lois historiques, il n'y a pas de temps à perdre. La compréhension de l'Union Européenne ne supprime pas l'incompatibilité des idéologies et des intérêts sociaux et nationaux. Mais pour discuter de l'avenir de l'Europe, il faut assurer la continuité de l'histoire commune et avoir un avenir commun ; cet argument a suffisamment de poids pour que, dans le cas présent, tous les intérêts de l'Etat passent au second plan après l'intérêt de l'Union. En direction du sud, les pays du Maghreb devraient tirer les leçons et répondre aux profondes aspirations des peuples maghrébins épris de liberté, d'unification, de Constitution commune et d'un espace commun de paix et de sécurité. Cet espoir ne sera concrétisé que par le respect réciproque de l'intégrité territoriale des Etats membres de « l'Union Maghrébine ». Or, quand on aborde ce dossier le problème de l'immigration se présente comme un défi pour les pays du Maghreb. Comment maîtriser ces afflux intenses d'immigration clandestine qui vont du Maghreb vers l'Europe ? Dans les circonstances actuelles, les pays industrialisés sont hostiles non seulement à l'accueil de la main-d'uvre, mais aussi à l'expansion de l'Islamisme sur le continent européen. La campagne anti-terroriste actuelle en France, en Allemagne etc... témoigne de ce refus d'immigration maghrébine. Ensuite il faut reconnaître que « le problème de l'immigration » vers l'Europe doit être résolu par l'unification du Maghreb, actuellement rétréci, par le respect des droits humains et le fondement d'un Maghreb démocratique ; c'est un volet essentiel pour stopper ces flux d'immigration. Les portes de l'Europe se sont fermées et l'immigration constitue pour elle une grande menace au niveau social, économique et sécuritaire, il ne s'agit pas donc d'une politique raciste « menée par l'extrême droite ». La réalité est que l'Europe industrialisée ne reçoit qu'une vague infime d'immigrés qui constituent un phénomène de parasitisme, c'est-à-dire une masse d'immigrés qui grignotent le gâteau des autres et vivent habituellement aux dépens d'autrui. Alors, la France ne pouvait accueillir tous les « rongeurs » de l'autre rive sud de la Méditerranée.