«Le FMI a été d'une grande utilité sur le plan technique, mais dire qu'il nous impose la réforme et le calendrier est faux». Il s'agit d'une critique récurrente adressée aux pouvoirs publics marocains en général, et à la Banque centrale en particulier : les grandes réformes, comme celle de la migration du Dirham vers un régime plus flexible, seraient dictées par le Fonds monétaire international. Une assertion qui irrite visiblement au plus au point Abdellatif Jouahri, Wali de Bank Al-Maghrib. Et il l'a fait savoir lors de son dernier point presse du mardi 21 mars. «Nous avons commencé à travailler sur cette question dès 2010, ici même à la Banque centrale, à travers une première étude. Nous n'avons pas attendu le FMI pour le faire. Le Maroc n'a-t-il pas de cadres, de cerveaux, de capacité de réflexion et d'analyse pour décider lui-même ce qui est bon pour son économie ?», déclare Jouahri. «Le rôle du FMI consiste à nous accompagner, et ce à ma demande, parce qu'il a suivi toutes les expériences des pays qui ont opéré des transitions vers un régime flexible. Le FMI a été d'une grande utilité sur le plan technique, mais dire qu'il nous impose la réforme et le calendrier est faux», s'insurge-t-il. D'ailleurs, révèle le Wali, le FMI préconisait de lancer la réforme début 2017, mais la Banque centrale a opposé son veto et a préféré temporiser. «Je sentais que les acteurs économiques n'étaient pas encore prêts». Depuis, les rencontres et les formations avec les acteurs économiques, qu'ils soient du privé ou du public, se multiplient pour les préparer à ce passage. Le gouverneur de la Banque centrale a également rappelé les arguments qui selon lui justifient la transition du Maroc à un régime de change plus flexible. L'ancien régime fixe ne serait plus adéquat, car il n'absorbe pas les chocs externes qui sont de plus en plus fréquents et violents. «Auparavant, les secousses provenaient de l'économie réelle. Aujourd'hui, elles proviennent de la sphère financière, par nature plus volatile», explique-t-il. Par ailleurs, le régime de change fixe serait incompatible avec la politique marocaine d'ouverture sur l'économie mondiale (56 accords de libre échange, la politique africaine du Maroc menée par le Roi Mohammed VI, la diversification des partenaires, le positionnement de Casablanca Finance City, le Hub financier, etc.). «La démarche du chameau» Aujourd'hui selon Jouahri, les prérequis sont là : «Nous avons attendu que les réserves de change, les équilibres macroéconomiques et la résilience des banques s'améliorent pour nous lancer dans cette réforme». La transition se fera de manière graduelle et ordonnée, pour être sûr qu'à chaque étape, les prérequis soient encore présents. «C'est la démarche du chameau : il pose un pied, et ne pose l'autre qu'une fois assuré que le premier est stable», explique-t-il en des termes imagés. Et de prévenir : «le passage à un régime plus flexible n'est pas une assurance tout risque. C'est un levier qui peut appuyer favorablement les réformes, mais il faudra à chaque étape rester vigilants sur les équilibres et sur la poursuite des réformes».