Les responsables politico-économiques ne sont pas sur la même longueur d'onde quant à l'effectivité de la flexibilité du régime de change en 2017. La déclaration de Mohamed Boussaid, ministre de l'Economie et des Finances, durant la dernière conférence relative à la présentation des agrégats macroéconomiques, fait planer le doute sur un éventuel régime de change plus flexible en 2017. Interrogé à cet égard, le ministre des Finances a déclaré : «Toutes les conditions sont réunies pour opérer cette réforme qui se fera de façon graduelle et concertée». «Le passage au régime flexible se fera en étapes graduelles. La première, qui va s'étendre sur plusieurs années, sera consacrée à l'estimation du coût de l'opération et sera accompagnée d'une politique de communication importante», précise-t-il. Parler de concertation et de progressivité s'étalant sur des années, au moment où on s'attend à une entrée en vigueur de la flexibilité du régime de change au courant de cette année, avorte l'enthousiasme ressenti, après les propos de Hassan Boulaknadal, Directeur général de l'Office des changes. Il y a un peu plus d'un mois, H. Boulaknadal était l'invité de la Chambre française de commerce et d'industrie au Maroc (CFCIM) pour faire le point sur les nouvelles dispositions de la réglementation des changes. Une occasion pour le directeur de l'Office des changes de débattre avec les opérateurs économiques des mesures ayant pour principal dessein la simplification de la réglementation des changes. Une occasion également pour discuter d'une mesure très attendue dans le microcosme économique, à savoir la convertibilité et la flexibilité du Dirham. Les conditions préalables sont réunies «La flexibilité, c'est la possibilité pour le Dirham d'évoluer dans un corridor un peu plus élargi que celui dans lequel il évolue actuellement», explique d'emblée le numéro 1 de l'Office des changes. Et d'ajouter : «La Banque centrale ne va pas se contenter d'élargir la bande de cotation du Dirham, mais elle va aussi changer la manière de fonctionner du marché de change en adoptant bien entendu la position d'apporteur de liquidités vis-à-vis des banques (chose qu'elle ne fait pas aujourd'hui) si le Dirham varie de manière excessive». Son ton euphorique a même laissé entendre que la flexibilité du Dirham aura lieu au courant de 2017. Pourquoi pas ? Si on part du principe que la transition vers un régime de change plus flexible nécessite une série de conditions préalables pour garantir sa réussite et que ces conditions sont aujourd'hui réunies, selon les différentes institutions aussi bien nationales qu'internationales. Que ce soient C. Lagarde, directrice du FMI, A. Jouahri, gouverneur de la Banque centrale ou A. Lahlimi, haut-commissaire au Plan, et tout récemment M. Boussaid, l'argentier du Royaume, ils sont unanimes à dire que le Maroc satisfait ces conditions : le Royaume dispose d'un secteur bancaire solide à même de faire face aux nouveaux risques pouvant être engendrés par les fluctuations possibles du marché de change. La deuxième condition ayant trait à la soutenabilité des finances publiques est également remplie, selon ces mêmes personnes. Interrogé sur cette divergence de discours, une source au sein de l'Office des changes estime qu'il n'y a pas de contradiction entre les propos de Boussaid et ceux de Boulaknadal et de Jouahri qui, à son tour, avait annoncé que le régime de change flexible va commencer à partir de juin 2017. «Je pense qu'ils sont tous d'accord sur le fait que la procédure se fera graduellement et qu'il n'y aura pas de changement du panier (60% Euros, 40% Dollars) à partir de cette date. Le flottement du DH se fera progressivement jusqu'à ce que l'offre et la demande déterminent sa valeur», explique notre source. En tout cas, au sein de l'OC, les textes réglementaires sont prêts et attendent l'aval du ministère des Finances. Un autre dossier bloqué à cause du retard dans la constitution du gouvernement. Mais cela n'empêche pas de dire que lorsque Boussaid parle de communication et de sensibilisation pendant des années, il embrouille les esprits. Ceci étant, suite à la déclaration du ministre des Finances, certains analystes sont tentés de dire que d'un point de vue opérationnel, même si le Maroc semble dans la situation actuelle réunir l'essentiel des conditions précitées, le passage vers un régime plus flexible en matière de change devrait suivre une démarche graduelle et étalée dans le temps afin de permettre les ajustements nécessaires des opérateurs et des marchés : «La proposition de lancer le processus de transition vers la flexibilité en limitant dans un premier temps les marges de fluctuation de la monnaie nationale avant de les élargir par la suite s'avère dans ces conditions des plus opportunes». D'autres plus sceptiques à cette progressivité de la mesure campent sur leur position et considèrent que l'intensification des échanges et la recherche d'une plus grande intégration de l'économie dans son environnement international à travers une convertibilité grandissante imposent désormais de nouvelles conditions en matière de politique de change. Par S. E. Quel rôle pour l'Office des changes ? Dans cette nouvelle configuration, l'OC est appelé à faciliter les opérations sur le marché des changes. Parce que la flexibilité suppose également que les opérateurs économiques disposent d'une réglementation beaucoup plus souple leur permettant de se couvrir par rapport aux fluctuations, non seulement les fluctuations des devises, mais aussi celles des matières premières et des intrants pour la fabrication des produits.