* Les priorités sont définies selon les filières et selon les régions. * La mise à niveau de l'agriculture nécessite l'intervention de plusieurs départements. * Il faut au moins dix ans pour appliquer les réformes et une refonte totale du système de financement. Finances News Hebdo : Quelles sont les priorités de la Comader dans vos négociations avec le ministère de l'Agriculture ? Ahmed Ouayach : A l'issue du Conseil d'administration de la Comader fin septembre 2006, le bureau a exposé les premières propositions au ministre de l'Agriculture. Il y a trois propositions principales : d'abord, un plan de mise à niveau de l'agriculture. Ce plan nécessite une étude, genre étude Plan Émergence faite par le ministère de l'Industrie. Cette étude globale doit faire un diagnostic et formuler par la suite des propositions qui doivent se situer autour des filières afin de restructurer le champ agricole : filière lait, filière viande, filière céréales... ; tout en déclinant ces offres selon les régions. Le volet régional est très important afin de tenir compte des spécificités locales et réduire les disparités au niveau national. La deuxième proposition principale est qu'il faut restructurer les organisations professionnelles et voir de quelle manière on peut soutenir l'action des associations et des coopératives afin de leur permettre de jouer leur rôle et se substituer aux pouvoirs publics qui sont en train de se désengager. Le troisième point de notre proposition concerne la recherche et le développement. Le Maroc entre dans une nouvelle ère, à savoir une phase d'ouverture marquée surtout par les ALE (USA, UE, Turquie, pays arabes). La mise à niveau de notre agriculture va assurer notre compétitivité aussi bien au niveau local qu'au niveau international. Si on n'est pas compétitif au niveau local, on risque d'importer certains de nos produits des pays voisins. La compétitivité concerne aussi bien le prix que la qualité. Cependant, on a un problème technique : il faut que les agriculteurs soient bien encadrés. Le volet recherche et développement doit être adapté au contexte marocain. On ne va pas importer des formules clés en main, mais des concepts qui répondent parfaitement à nos besoins. Il faut aussi encourager l'investissement au niveau de la recherche, surtout privée. F. N. H. : Quelles sont alors les contraintes ? A. O. : Il y a tout d'abord la problématique de l'eau qui devient une denrée rare. Il est question de chercher une gestion adéquate des ressources hydriques. Il y a aussi cette question du financement du secteur. Le Crédit Agricole couvre à peine les 10 à 15% des besoins des exploitants. Il faut développer d'autres voies, surtout les micro-crédits. Il faut aussi revoir en profondeur le système des incitations agricoles. Il faut par conséquent redéployer et réadapter le système des subventions. La structure agraire est aussi à revoir. La législation du travail doit être également réadaptée. Nous avons une dizaine de points que nous devons attaquer en urgence. F. N. H. : Est-ce qu'il y a un calendrier précis pour entamer les réformes ? A. O. : Nous avons demandé au ministre de tutelle que nos propositions soient prises en considération dans un délai très proche. Nous avons sollicité un agenda de réformes. Nous avons imposé une date butoir, à savoir la tenue de la prochaine édition du Salon de l'Agriculture ; c'est-à-dire avril 2007. Nous devons avoir une visibilité et arrêter un programme de réformes. Le temps presse et nous avons un grand retard. On commence à s'interroger sur le manque d'intérêt du gouvernement pour le secteur agricole alors qu'il a déjà signé des contrats-programmes avec d'autres secteurs. F. N. H. : Mais cela n'empêche que certaines mesures ont déjà été initiées ? A. O. : Il faut reconnaître que l'Etat a pris plusieurs mesures de grande envergure comme la baisse des taux d'intérêt au niveau du crédit agricole. Il y a aussi les subventions et autres primes pour l'investissement dans les équipements d'économie d'eau. Il y a aussi des décisions qui ont été prises pour encourager la mécanisation. Mais ces décisions auront peu d'impact si on ne met pas en place un plan de développement global et intégré. Il est question d'élaborer des mesures d'accompagnement. F. N. H. : A combien évaluez-vous la durée de la mise à niveau et le montant de son financement ? A. O. : Le coût n'a pas été encore arrêté. Il sera intimement lié aux objectifs et à l'agenda des réformes. Mais il n'empêche qu'il existe des mesures qui ne coûtent aucun centime au Trésor public. C'est un problème d'organisation et de choix de politique. Ainsi, si nous prenons le cas de la filière sucrière, le privé a pris en charge les études et l'accompagnement des agriculteurs. Au niveau de la production laitière aussi, les industriels sont prêts à mettre la main à la poche pour la mise à niveau en amont de la filière. L'idée de la Comader est d'intégrer l'agro-industrie dans chaque filière. Nous avons adopté ce modèle afin d'encourager les options de complémentarité et d'intégration. Pour la durée, la mise à niveau va nécessiter une période d'au moins dix ans et la durée va différer selon les filières et surtout selon les régions. On doit accélérer la cadence durant les cinq premières années pour rattraper le retard. Les réformes ne concernent pas uniquement le ministère de l'Agriculture. D'autres départements sont appelés à y contribuer, comme l'Intérieur, les Finances, le Commerce extérieur, l'Aménagement du territoire, l'Environnement et l'eau... F. N. H. : Quelques mois après sa constitution, quelles sont les réalisations de la Comader ? A. O. : Nous sommes toujours au stade de la mise en place de nos structures. Nous n'avons pas encore terminé les 90 jours d'activité; nous avons démarré au début du mois d'octobre. Nous avons un mandat de trois ans avec un rendez-vous d'évaluation chaque année. L'essentiel est que la Comader fédère 36 associations et elle est en passe de rallier à ses rangs 20 autres associations. Elle est présente dans de nombreuses commissions et connue auprès de divers départements ministériels et organismes nationaux et internationaux d'intérêt commun. F. N. H. : Où en sont les négociations agricoles Maroc-UE ? A. O. : Toutes les associations ont été consultées par le ministère. Nous avons fait nos propositions. Mais à ce jour, en tant que professionnels, nous n'avons pas encore reçu de propositions ni du Maroc ni de l'UE.