Limitation de l'offre des pays de l'OPEP, production de pétrole de schiste par les Etats-Unis, hausse des taux directeurs par la FED, Brexit, quel impact sur l'économie marocaine en 2017 ? Analyse de Hicham Bensaid Alaoui, directeur des risques, de l'information, des sinistres et du recouvrement à Euler Hermes Maroc. Finances News Hebdo : Sur le plan international, d'aucuns considèrent qu'il est vain d'espérer que le commerce mondial retrouve, même après 2016, son dynamisme d'avant la crise financière. D'après-vous, est-ce exact ? Si oui, quels sont vos arguments ? Hicham Bensaid Alaoui : D'après les estimations du Groupe Euler Hermes, la croissance du PIB mondial devrait se situer en-deçà des 3% (2,8% environ) en 2017. Avant la crise de 2008, cette croissance dépassait les 5%, drivée particulièrement par la résilience des pays de l'OCDE (3% de croissance en moyenne à l'époque), mais aussi et, surtout, par les performances exceptionnelles des pays appartenant à ce que l'on qualifie usuellement de grands émergents, qui enregistraient pour certains (Chine et Inde spécifiquement) des croissances à 2 chiffres ou presque. La croissance du commerce mondial devrait en toute logique suivre une tendance similaire, et nos estimations pour 2016 et 2017 font état d'une augmentation des volumes échangés (respectivement de 2,1% et 3,1%), mais à des niveaux encore bien inférieurs à ceux d'avant-crise, lorsque ces taux de croissance dépassaient les 7%. Toutefois, il peut y avoir certains motifs d'espoir dans le fait que les prix devraient également enregistrer des croissances positives pour la première fois depuis de longues années, chose qui peut présumer d'une éventuelle reprise économique, notamment après des années de tendances baissières des prix des principales matières premières. F.N.H. : 2017 serait marquée par une hausse du prix du baril du pétrole suite à la décision des pays de l'OPEP de limiter l'offre, et par la hausse des prix des autres matières premières à cause de la décision de la FED d'augmenter le taux directeur. Quel serait l'impact de cette hausse sur l'économie mondiale en général et sur le Maroc en particulier (balance commerciale) ? H. B. A. : Premièrement, il conviendrait à mon sens de minimiser les effets escomptés de la réduction à venir de la production de pétrole par les pays de l'OPEP. Tout d'abord, en raison de la réduction marquée, au cours des 30 dernières années, de la part de l'OPEP dans la production mondiale de pétrole, à 40% environ actuellement. Ensuite, parce que la réduction actée demeure encore trop faible pour réellement influer sur les cours, à moyen et long terme, de même qu'elle demeure fragile et sujette à de potentiels changements dans les périodes à venir. En effet, passé l'effet de surprise et d'annonce, il n'est pas impossible que les prix n'évoluent plus vers la hausse. Enfin, parce que l'orientation marquée vers le pétrole de schiste, une des priorités économiques du pré- sident Donald Trump, devrait renflouer les volumes en circulation et donc, concourir à la baisse des prix. En revanche, il est vrai que nous anticipons également une hausse des prix des autres matières premières, mais la corrélation avec la décision de réduction des taux directeurs par la FED n'est pas automatique, puisque justement, des taux d'intérêt plus chers devraient induire une baisse de la consommation et, par voie de conséquence, une pression déflationniste. Je dirais plutôt que la hausse escomptée des prix des autres «commodities» est davantage liée à un effet mécanique de correction des prix, avec des prix artificiellement élevés jusqu'en 2012, alors que l'hémorragie semble maintenant s'arrêter et la tendance se renverser. L'impact de cette hausse des prix devrait profiter favorablement à l'économie mondiale, avec des frais de structure mieux absorbés et une meilleure rentabilité des producteurs, même si les effets à court terme ne devraient pas être réellement perceptibles. Quant au Maroc, nous observons actuellement une tendance plutôt défavorable de l'évolution du déficit commercial, notamment induite par l'effet négatif de la baisse des prix du phosphate et de ses dérivés. Gageons que l'évolution encore favorable du prix des hydrocarbures, couplée à une reprise des cours du phosphate, permettrait de renverser quelque peu la tendance, mais les perspectives pour 2017 devraient en théorie être meilleures, du point de vue du déficit commercial et des grands équilibres macroéconomiques, que celles de 2016. La réalité microéconomique est de fait différente. F.N.H. : Au cas où les Etats-Unis reprennent la production de pétrole de schiste, un scénario plausible, les prix du pétrole suivront-ils la même tendance qu'en 2016 ? H. B. A. : En 2016, les prix du baril, tant celui du brent que celui du brut léger, ont renchéri de 50%. Assez mécaniquement, si la production de pétrole de schiste augmente, ce qui semble réellement être l'orientation actuelle aux Etats-Unis notamment, les prix devraient s'en ressentir à la baisse, en tant que conséquence directe d'une offre plus abondante comparativement à une demande, chinoise notamment, encore en phase de reprise. F.N.H. : En ce qui concerne le Brexit, on parle du calme avant la tempête. Pouvons-nous nous attendre à un impact négatif sur l'Europe en 2017 et donc, sur l'économie marocaine, l'Europe étant notre principal partenaire ? H. B. A. : L'effet Brexit a déjà commencé à se faire ressentir sur la Grande-Bretagne, sterling depuis le début du second semestre 2016, les exportations de la Grande Bretagne avec une croissance du PIB de 1,6% en 2016, contre plus de 3% en 2014 et 2,2% en 2015. Les dépenses publiques sont passées sous la barre des 1% en 2016 (contre près de 2,5% en 2014 par exemple), alors que l'investissement a régressé de près de 1% par rapport à 2015. Avec des perspectives pour 2017, selon les estimations de notre Département d'études économiques, encore moins favorables (croissance du PIB de 0,7%, baisse de l'investissement de 2,3%....), et surtout, du fait de la poussée déflationniste de la Livre devraient s'en trouver dopées, alors que les importations devraient marquer le pas. Du fait de cette configuration, les principaux exportateurs à destination de la GrandeBretagne, et notamment l'Allemagne, première puissance de l'Union européenne, devraient ressentir des impacts négatifs, et il devrait en être de même, par transitivité, pour les pays relativement centrés autour de l'Union européenne, dont le Maroc.