Dans sa première sortie médiatique depuis sa nomination début mars dernier, le Directeur général de l'Office des changes, Hassan Boulaknadal, revient sur les nouvelles dispositions encadrant la régularisation des avoirs détenus à l'étranger par les ex-MRE. Finances News Hebdo :Vous êtes à la tête de l'Office des changes depuis presque six mois. Pouvez-vous nous parler des actions prioritaires menées durant cette période ? Hassan Boulaknadal: J'aimerais tout d'abord insister sur le rôle central que joue l'Office des changes dans la politique de modernisation du tissu économique marocain. Cette politique de modernisation, enclenchée il y a plus de trente années, commence à donner ses fruits aujourd'hui à travers la diversification des relais de croissance ainsi que la modernisation du corpus légal et réglementaire, permettant ainsi aux acteurs économiques de saisir pleinement les opportunités d'une économie de plus en plus mondialisée. Dès lors, le plan d'actions de l'Office des changes se trouve totalement inscrit dans cette vision de modernisation et d'ouverture. La modernisation sera appréhendée à deux niveaux : le premier étant celui de la révision de la réglementation afin qu'elle puisse accompagner le niveau d'ouverture de l'économie marocaine et de préparer les évolutions futures. Le deuxième niveau est celui de la mise en place d'un système d'information à même de faciliter et fluidifier la relation entre l'Office et ses assujettis. F.N.H. : L'Office des changes a élaboré plusieurs textes de lois visant à régulariser les avoirs détenus à l'étranger. Où en êtes-vous ? H. B. : Le Maroc a initié une opération de régularisation des avoirs détenus à l'étranger. Cette opération a été un franc succès grâce à la coordination entre le GPBM et l'Office des changes, ce qui a permis de cibler une large couche de la population concernée et d'atteindre un niveau très satisfaisant de régularisation. Cette opération a aussi mis à jour la spécificité de certains de nos concitoyens résidents qui ont constitué des avoirs lors de leur résidence à l'étranger. Il fallait donc répondre à ce besoin par une loi spécifique pour les Marocains ayant la qualité de ex-MRE. F.N.H.: Justement, où en est l'opération de régularisation de la situation des MRE devenus résidents fiscaux au Maroc ? H. B. : J'aimerais juste rappeler qu'avant la loi 63-14, tout ex-MRE avait l'obligation de déclarer ses avoirs trois mois après le rétablissement de sa résidence fiscale au Maroc et devait rapatrier toutes ses liquidités. Il ne pouvait disposer de ses avoirs à l'étranger, même après déclaration, que sur autorisation de l'Office des changes, ce qui était assez contraignant. Les dispositions de la loi 63-14 viennent alléger ces dispositions et offrir aux ex-MRE un cadre largement plus souple. Primo, le délai de déclaration est porté de trois mois à une année. Pour les personnes concernées rentrées avant octobre 2015, la période de déclaration d'une année prendra fin le 19 octobre 2016. Secundo, toute personne qui souscrit à cette ouverture déclarative peut continuer de disposer de ses avoirs à l'étranger (maintien des comptes bancaires et des biens) sans aucune obligation de rapatriement. Tertio, seuls les revenus de 2015 sont sujets à une déclaration fiscale. Pour permettre aux personnes concernées de remplir leur devoir de déclaration, l'Office des changes a entrepris une série d'actions visant à vulgariser les dispositions de la loi, notamment : -Réunions avec les membres du GPBM afin de relayer l'information auprès de leurs clients; -Publication de la circulaire en arabe et en français afin de la rendre accessible à une couche élargie de la population. –Mise en place d'un système de télédéclaration pour faciliter l'accomplissement de l'acte déclaratif. -Mise en place au sein de l'Office des changes d'une cellule dédiée afin d'accompagner les déclarants. -Une série de réunions d'information avec des associations professionnelles... F.N.H.: L'opération de régularisation des ex-MRE prendra fin le 19 octobre prochain. Que va-t-il se passer à l'expiration de ce délai ? Et comment allez-vous gérer la phase post-contribution libératoire ? H. B.: La loi visant la régularisation des avoirs des ex-MRE prendra fin le 19 octobre. D'ici là, j'invite toute personne ayant le statut d'ex-MRE à saisir cette opportunité de régularisation sachant que, comme je vous ai dit, elle apporte aussi une série d'ouvertures qui permettront aux concernés de continuer de jouir de leurs avoirs à l'étranger sans aucune contrainte ni au Maroc ni dans le pays où se trouve l'avoir. Passé cette date, les dispositions transitoires cesseront d'avoir force de loi et toute régularisation devra se faire dans le cadre des dispositions réglementaires en vigueur. F.N.H.: Concrètement, que risque une personne qui ne souscrit pas à la loi ex- MRE ? Et de quels moyens dispose l'Office ? H. B.: La loi 63-14 est une opportunité unique de couvrir de régularité son patrimoine. Ne pas la saisir, alors que de plus en plus de places exigent la conformité par rapport aux lois du pays d'origine, ne serait pas compréhensible. L'Office des changes est investi d'une mission de contrôle des changes, qui lui permet de s'assurer de la régularité de l'utilisation des réserves de change du pays et leur reconstitution. Pour ce faire, plusieurs approches peuvent être envisagées. L'Office des changes, en plus desdépartements sédentaires qui opèrent un contrôle sur pièces, dispose d'un corps d'inspection, habilité de par la loi à enquêter auprès des personnes physiques ou morales au même titre qu'auprès des intermédiaires agréés. Actuellement, l'Office des changes accède, de plus en plus, à plusieurs types d'informations dont les recoupements peuvent conclure à l'identification des personnes et des entreprises qui détiennent des avoirs à l'étranger. Cet accès est renforcé grâce à des dispositifs de coopération bilatérale et multilatérale. Il faut préciser que la signature par le Maroc de la convention de l'OCDE portant sur l'assistance administrative mutuelle facilitera la traçabilité des mouvements des biens et des avoirs. F.N.H.: Le Maroc s'apprête à opérer une transition cruciale en adoptant un régime de change flexible. Qu'est-ce que cela implique pour votre institution et quel regard portez-vous sur cette nouvelle donne ? H. B. : Le projet de mise en place d'un régime de change flexible s'inscrit dans le cadre d'un processus de réformes globales menées par notre pays depuis la sortie du PAS au début des années 80. L'objectif étant l'édification progressive d'une économie de marché, compétitive et pleinement intégrée dans l'économie mondiale. Cette intégration, consolidée et renforcée par l'adhésion du Maroc à plusieurs accords internationaux, bilatéraux et multilatéraux, a été accompagnée par un mouvement de libéralisation des différents marchés et secteurs de l'économie et par d'importantes réformes ayant concerné la politique du commerce extérieur, la politique monétaire et financière, la politique budgétaire et la politique de change. Ce projet est prioritaire pour le ministère de l'Economie et des Finances, Bank Al Maghrib et l'Office des changes. Les concertations avec les organismes internationaux ont d'ores et déjà commencé. Les conclusions et les étapes de cette importante transition seront publiées dès leurs approbations. Du côté de l'Office des changes, l'accompagnement de ce chantier se fera sur le plan de la règlementation des changes par le biais de l'adoption de mesures facilitant la transition vers un régime de change flexible. F.N.H.: L'Office des changes a l'ambition de regrouper en un seul recueil toute la réglementation des changes. Où en est ce chantier et quelles sont les raisons qui motivent ce choix ? H. B. : La stratégie globale de la mise à niveau de la réglementation des changes s'articule autour de deux axes principaux. Le premier concerne la codification en un seul recueil de toute la réglementation des changes. Le deuxième axe traite de la pertinence économique de cette réglementation et son adaptation aux réalités économiques et aux pratiques commerciales internationales. L'objectif de cette démarche est de permettre un niveau élevé de convergence entre le régime de contrôle des changes et la réglementation des changes. Cet objectif passe d'abord, dans une première étape, par une couverture des opérations libres en vertu du régime de contrôle des changes du Maroc