* L'idée sous-jacente au recours à la gestion déléguée est la même que celle de la privatisation, à savoir le désengagement de l'État des activités pour lesquelles son intervention n'est pas indispensable. La liste des sociétés privatisables est aujourd'hui en voie de tarissement. Et à défaut de privatisations, c'est la gestion déléguée qui va prendre le relais, essentiellement dans les services publics. En effet, le recours au partenariat public-privé dans la réalisation ou la gestion d'infrastructures n'est pas nouvelle. Mais elle est de plus en plus indispensable, nécessairement dans un contexte marqué par l'accélération des réformes. Dans un pays comme la France, la plupart des infrastructures de transport, des réseaux d'électricité ou d'approvisionnement en eau, ayant accompagné la révolution industrielle de la fin du 19ème siècle, ont été créées avec la participation des entrepreneurs qui les considéraient comme indispensables au développement économique. Et suite à un déclin de ce partenariat entre les deux guerres, il retrouve désormais ses lettres de noblesse, sachant que de nombreuses lois ont ainsi permis la concession de l'exploitation des ouvrages de production et de distribution d'eau. Au Maroc, l'infrastructure n'a pas échappé à cette tendance. Récemment, plusieurs concessions ont été attribuées dans les secteurs de l'électricité, de l'eau et de l'assainissement liquide. Aujourd'hui, on apprend que 13 polycliniques de la CNSS seraient sous le régime de la gestion déléguée. Cette opération marquera l'aboutissement du processus d'optimisation du fonctionnement de la CNSS entamé à la fin des années 90. La raison en est que la CNSS ne peut pas cumuler sa mission de gestionnaire du nouveau régime de couverture médicale avec celle de prestataire de services. D'après un responsable de la Division des Secteurs de l'Infrastructure, plusieurs raisons motivent les pouvoirs publics à encourager le développement de la gestion déléguée. D'abord, la performance reconnue à la gestion privée et, d'autre part, le caractère marchand des services à fournir au moyen de la gestion privée. L'idée sous-jacente au recours à la gestion déléguée est la même que celle de la privatisation, à savoir le désengagement de l'État des activités pour lesquelles son intervention n'est pas indispensable. La théorie nous a enseigné que dans les services publics, l'optimum n'est atteint que lorsque ces services sont vendus au juste prix. Un objectif qui ne peut être réalisable que par l'intermédiaire d'un libre jeu de la concurrence et d'une allocation optimale de ressources. Mieux encore, cet appel aux investissements privés entre dans le cadre d'une politique gouvernementale en la matière et dont les principales orientations sont la libéralisation des secteurs grâce au programme de privatisation et de démonopolisation entamé depuis 1993. A cela s'ajoute l'importance croissante des besoins en infrastructures par secteur au Maroc. Ces besoins concernent les services essentiels tels que les télécommunications, le transport, l'électricité, l'eau potable et l'assainissement liquide et croissent régulièrement à un taux annuel moyen se situant, selon les secteurs et les régions, entre 7 et 12%. D'où la nécessité de faire face aux besoins en vue de répondre aux attentes de la population en matière de qualité, de diversité et de proximité de services et de résorber les retards accumulés dans certains secteurs . Quel cadre juridique ? Consistant à assurer la fourniture de services publics par des entreprises de droit privé, ce mode de gestion qui suscite de nombreux débats a amené le législateur marocain à définir, récemment, les couleurs juridiques (loi n°54-05 relative à la gestion déléguée adoptée par le Parlement au titre de la législature 2005) longtemps imprécises de la notion de contrat de délégation de service public. Complétant la réglementation en vigueur (décret du 29 décembre 1998, circulaire du Premier ministre n°27/99 du 8 octobre 1999) qui fixe les conditions générales et les formes de passation des marchés par les différentes entités publiques (Etat, collectivités, établissements publics) ainsi que les modalités de contrôle (dahir du 14 avril 1960 sur le contrôle financier), la nouvelle loi 54-05 a pour objet de spécifier les conditions de passation des contrats de concessions de services publics. Au sens de cette loi, la gestion déléguée est définie comme étant un contrat par lequel une personne morale de droit public, dénommée déléguant, confie, pour une durée déterminée, la gestion d'un service public à une personne morale de droit public ou privé, dénommée concessionnaire ou délégataire, en lui reconnaissant le droit de percevoir une rémunération ou de réaliser des bénéfices sur ladite gestion ou les deux à la fois. De ce fait, la gestion déléguée est différente de la privatisation dans la mesure où les équipements nécessaires à l'exécution du service deviennent la propriété de la collectivité délégante, même s'ils sont financés par les opérateurs et ce, à l'issue de la période contractuelle. Elle diffère également de la sous-traitance puisque le délégataire assume l'ensemble des fonctions liées au service concédé, à savoir la conception, la réalisation, l'exploitation et la maintenance des infrastructures selon un cahier des charges préétabli. La nouvelle loi stipule la nécessité du recours à la concurrence pour le choix du délégataire en procédant à la publication d'appels à la concurrence en vue de garantir l'équité entre les prestataires. Il insiste également sur l'objectivité des critères de sélection, la transparence des opérations de sélection et l'impartialité dans la prise des décisions. Le délégant ne peut recourir à la négociation directe avec le délégataire que dans des circonstances exceptionnelles liées (contraintes liées à la Défense nationale ou à la Sécurité publique, etc ). Il convient de souligner, par ailleurs, que le choix du service à déléguer et la préparation des documents d'appel à la concurrence doivent faire l'objet d'une approbation par le ministère de l'Intérieur pour les collectivité locales et le Conseil d'administration pour les établissements publics. Toujours est-il que le recours aux concessions se justifie non seulement par des considérations financières, mais aussi par des considérations techniques et de recentrage des entités publiques sur leurs missions de base. S'agissant, d'abord, des contraintes financières, il est à relever que l'étroitesse des ressources financières des collectivités locales et des établissements publics a joué un rôle déterminant dans l'option pour la délégation de certains services publics ; le lourd endettement des communes ne leur permet plus de lever les fonds nécessaires à l'engagement des investissements que requièrent l'extension, l'entretien et la rénovation des installations et des équipements nécessaires à l'exploitation. Concernant l'expertise, force est de constater qu'après plusieurs années de gestion à tâtons, il s'est avéré que les collectivités territoriales, par exemple, ne disposent pas de l'expertise nécessaire à la gestion de certains services publics.