L'affaire Samir aura tenu en haleine le monde des affaires pendant plusieurs mois. Et ça continue encore, sauf que cette fois-ci, un autre palier a été franchi. Il ne s'agit plus de parler des énormes difficultés financières du raffineur, mais plutôt de sa liquidation judiciaire, telle que prononcée, le lundi 21 mars, par le tribunal de commerce de Casablanca. Ce dernier a néanmoins autorisé la continuation de la société pendant trois mois à compter de la date du juge-ment. Autrement dit, l'activité de la Samir prendra fin officiellement le 20 juin 2016. Ironie du sort, le lundi 14 mars 2016, Jamal Ba-Amer, Directeur général de la raffinerie et vice-président de l'Asso-ciation des raffineurs africains (ARA) en 2015, a été porté à l'unanimité président de l'Association lors de l'AG annuelle tenue à Marrakech. Va-t-il alors pouvoir exercer son mandat ? Mais revenons-en à la Samir. La liquidation est-elle, en fin de compte, une surprise ? «Je pense que la décision du tribunal était attendue devant l'absence d'accord entre la Samir et la Douane. En effet, en l'absence d'accord, les comptes bancaires de la Samir étaient bloqués de manière concomitante à l'impossibilité d'importation de pétrole brut», sou-ligne Farid Mezouar, expert financier et directeur de flm.ma. Un jugement qui, à l'évidence, signe en quelque sorte le début d'une nouvelle affaire. Car la liqui-dation étant prononcée, ce sont désormais les créanciers qui se tirent les cheveux: ce sont quelque 45 Mds de DH de dettes qui se pavanent dans la nature. L'Etat marocain, à lui seul, réclame plus de 10 Mds de DH au raffineur. C'est clair : les créanciers vont y laisser des plumes. Surtout ceux qui espéraient jusqu'au bout un plan de sauvetage susceptible d'assurer la pérennité de l'activité de la Samir. «Le paiement des créanciers constitue le but essentiel de la liquidation. Toutefois, cette opération reste délicate en pratique compte tenu de la dépréciation de la valeur des biens de l'entreprise en liquidation judiciaire et du risque des créanciers de ne recevoir qu'une portion congrue de leurs créances», nous expliquait, à juste titre, Me Meriem Benis, avocate au barreau de Casablanca, dans notre précédente édition (www.financenews. press.ma). «Il faudra revoir l'inventaire des actifs pour évaluer la valeur globale liquidative des diffé-rents éléments. Toutefois, la lenteur du processus de liquidation (près de 13 ans pour GTM) fait qu'en attendant la vente des actifs, les créanciers devront provisionner», note, pour sa part, Mezouar. Pour autant, même si les banques et les compa-gnies d'assurances sont très exposées au risque Samir, il n'y a pas péril en la demeure : ce sont des structures solides. Certaines disposent de garanties réelles et toutes ont déjà provisionné en consé-quence. Ce seront «juste quelques petits milliards de dirhams» qu'il va falloir «oublier». Et, juste-ment, les grands oubliés des déboires de la Samir semblent être les petits porteurs. En effet, ceux qui, à une certaine époque, ont été séduits par le titre Samir à la Bourse vont tout perdre. «Les petits porteurs devront certainement faire le deuil de leur participation estimée à 500 MDH. En effet, la radia-tion de la société liquidée fait que les actions ne vaudront certainement plus rien», relève Mezouar, non sans faire remarquer que «cette mésaventure repose certainement la question de la pertinence de la suspension des sociétés en difficulté financière, vu que depuis l'arrêt du raffinage en août 2015, les petits porteurs ne pouvaient plus vendre leurs titres Samir». En tout cas, avec la disparition de la Samir, c'est tout l'écosystème économique qui gravitait autour de l'activité du raffineur qui s'écroule. Le Maroc va-t-il s'accommoder de la situation et se contenter d'importer des produits pétroliers ? Ou tient-il à toujours disposer d'une unité de raffinage ? Difficile à dire pour l'instant. «Il semble que les pouvoirs publics tiennent au maintien de l'industrie du raffi-nage au Maroc, ce qui laisse suggérer l'encourage-ment à la reprise de la raffinerie et/ou le montage d'un projet à Jorf Lasfar», confirme Mezouar. En attendant, les rumeurs vont bon train sur le marché : la SNI et le Groupe Akwa seraient intéressés pour rependre le raffineur. Et pourquoi pas aussi la CDG ?