Quand la France s'enrhume, le Maroc éternue. Pour dire que tout ce qui se passe dans l'Hexagone est, en général, suivi de très près ici. Pourtant, la réforme de l'orthographe, qui suscite un débat monstre en France, sur fond de joutes verbales entre défenseurs de la langue de Molière et réformistes, semble ne pas avoir grand écho dans le Royaume. Sauf que, justement, cette réforme devrait interpeller, particulièrement à l'heure où le Maroc s'apprête à enterrer trois décennies d'arabisation pour retourner au français. C'est, en effet, la teneur de la réforme de l'enseignement portée par le ministre de l'Education nationale, Rachid Belmokhtar. Le français aura désormais une place de choix dans le système éducatif : les matières scientifiques et techniques seront enseignées en français, langue qui sera introduite dans l'école publique dès la première année du primaire et non la troisième année, comme c'est le cas actuellement. De quoi relever le niveau des diplômés, dont, pour beaucoup, le défaut de maîtrise de la langue française reste un frein majeur à l'accès à l'emploi dans un Maroc ouvert sur l'extérieur et résolument tourné vers la modernité. Raison pour laquelle la réforme proposée en France nous intéresse à plusieurs égards. Entre la disparition de l'accent circonflexe sur le «i» et le «u», la suppression du trait d'union pour certains mots composés et la simplification de l'écriture pour d'autres, ce sont au total 2.400 mots qui sont concernés. Et quand d'aucuns assimilent cette «purge» à un appauvrissement de la langue française, d'autres, au contraire, estiment que celle-ci doit évoluer et s'adapter à l'évolution de la société. Et, convenons-en, l'une de ces évolutions est portée par les fameux SMS, ces petits messages où l'on a tendance à tout écrire comme on l'entend. Je pourrais écrire «ortograf» ou «j'ariv tou de suite» que ça ne choquerait personne. Mais ces vulgaires raccourcis orthographiques et syntaxiques cachent bien souvent des défauts de maîtrise de la langue de Molière, voire des tares linguistiques bien plus profondes. Dans le monde professionnel actuel, que ce soit au Maroc ou ailleurs, ces carences constituent un véritable handicap. Dans un contexte où l'essentiel des échanges avec l'extérieur se fait via courrier électronique et où il faut être réactif, envoyer des écrits bourrés de fautes engage la réputation et la crédibilité de l'entreprise, et peut même lui faire perdre des contrats. Et être obligé de se faire corriger tout le temps par un collègue est évidemment chronophage. D'ailleurs, l'émission «Envoyé spécial», diffusée dernièrement sur France 2, s'est penchée de manière éloquente sur le coût de ces fautes d'orthographe. A voir absolument.