Le 30 septembre 2015, dernier délai pour la présentation des résultats semestriels et jusqu'à midi, aucune trace de ceux d'Alliances. La société a préféré fournir un communiqué de presse électronique dont le marché a pris connaissance vers 13 heures. Le plan de restructuration présenté quelques mois plutôt faisait office d'alerte, mais personne ne s'attendait à voir un résultat net déficitaire. Ce jour-là, tout le monde a compris l'urgence de la situation. Petit à petit, la situation s'est redressée et la société entrevoit enfin le bout du tunnel. Petit retour en arrière. Durant le mois d'août, la société a préféré jouer carte sur table. Dans un communiqué aux allures d'aveux, le management explique qu'il connaît des diffi-cultés et qu'il va restructurer le tout avec l'aide de ses parte-naires. Ces mêmes partenaires dont on entend beaucoup par-ler en ce début d'année 2016. L'idée était de rallonger la matu-rité de ses dettes en remplaçant des obligations remboursables en actions émises en 2012 par de nouvelles, d'un montant de 1 milliard de dirhams, rembour-sables dans deux ans et huit mois. Les créanciers étaient obli-gés de souscrire car, autrement, le groupe coulait et les banques allaient y laisser des plumes, voire la carcasse toute entière pour certaines. Deux mois plus tard, Alliances publiait un résul-tat net part de groupe de -384 MDH contre 207 MDH au pre-mier semestre de 2014. On reprend tout à zéro Face à l'ampleur des dégâts, le groupe n'avait plus à rassu-rer, il devait agir. Son plan de restructuration a été revu car il devenait impossible de calmer les créanciers. Il leur a été ainsi proposé d'obtenir des actifs en contrepartie des obligations et le management s'est engagé à augmenter le capital, tout en revoyant son organigramme. Dans la foulée, Alliances a coupé le mal à sa racine en mettant les sociétés EMT Bâtiment et EMT Routes, du pôle construction, en liquidation judiciaire. EMT, leur maison-mère, allait être mise en redressement. Pour amplifier les effets de court terme, d'impor-tantes coupes dans les charges du personnel de ses filiales ont été négociées puis opérées. La SFI entre en jeu Alliances devrait, par ailleurs, procéder à une augmentation de capital à hauteur d'un milliard de dirhams. Selon nos informations, Alami Lazrak mettrait sur la table 355 MDH, alors que la SFI parti-ciperait à hauteur de 644 MDH. A côté, la Banque européenne pour la reconstruction et le déve-loppement (Berd) devrait égale-ment entrer en jeu cette année. La Berd, qui ne participe pas au capital des sociétés, mais plutôt à leur reconstruction via l'octroi de financements adé-quats à des taux préférentiels, procède, lors de ses «accom-pagnements » d'entreprises, à des financements à la carte à travers trois types de formules. Alliances aurait opté pour la moins contraignante juridique-ment, ce qui permet à la Berd de l'accompagner avec souplesse. Cette formule englobe des finan-cements entre 300.000 et 5 millions d'euros. Alliances pour-rait donc bénéficier d'un prêt allant de 3,3 à 55 MDH. Ce financement servira strictement à relancer des projets à l'arrêt en Afrique subsaharienne. Que vaut vraiment Alliances ? C'est la question que tout le monde se pose actuellement. Car pour opérer son augmenta-tion de capital, la société a mis la banque d'affaires Rotschild sur le coup. Cette dernière a réévalué l'entreprise en retraitant son actif des biens donnés en contrepar-tie aux créanciers et le passif des dettes remboursées. Mais, dans son évaluation, la banque d'af-faires a pris en compte certains éléments du bilan qui devraient disparaître, mais qui y figurent encore juridiquement. Il faudra que le bilan de la société soit complètement apuré avant de dévoiler le chiffre tant attendu. Mais, selon nos informations, le cours qui a été arrêté est de 195 DH. Est-ce raisonnable alors que l'action se négocie autour de 40 DH depuis plusieurs semaines en Bourse ? Peut-on avoir un si grand écart entre ce que nous pouvons appeler valeur à la casse et cours de Bourse ? Des opérateurs boursiers interrogés à ce sujet nous ont expliqué que la même chose s'applique à d'autres valeurs du secteur comme Addoha, qui se négocie sous sa valeur comptable. Effet psychologique peut-être. En tout cas, si cette augmentation de capital se réalise dans les délais, c'est-à-dire avant la fin du premier trimestre, la société reviendra à un ratio de dettes/ fonds propres dans la moyenne du secteur. Il ne lui restera plus qu'à optimiser la rentabilité de ses investissements. Quoi qu'il en soit, Alliances devrait sortir de ce tourbillon infernal car beaucoup de choses sont en jeu, et le risque systé-mique pour le milieu financier est important. Le «Too big to fail» est opposé à ceux qui en doutent. D'ailleurs, si le pro-moteur arrive à jouer sur son périmètre de consolidation tout en maîtrisant les charges de per-sonnel, cela risque de produire un résultat positif ou, plutôt, presque à l'équilibre en 2016. C'est du moins ce qu'a promis le management dans sa dernière communication. Les derniers développements Grâce aux remboursements qui s'opèrent au profit des créanciers actuel-lement, les charges financières devraient baisser à quelque 130 MDH à fin 2016 contre plus de 650 MDH en 2014. Par ailleurs, selon nos informations, la société a réalisé une plus-value sur cession d'actifs de plus de 256 MDH qui devrait apparaître dans les comptes de 2016. Une bouffée d'air pour sa trésorerie. Enfin, Alliances devrait rembourser 2,2 Mds de sa dette obligataire en dation et le reste sera regroupé dans un seul emprunt obligataire de 2,3 Mds de dirhams. "Cette fois-ci l'intégralité de la dette sera assortie de garanties réelles", nous confie notre source. Cet emprunt devrait disposer d'une fran-chise du capital et des intérêts sur une période de 3 ans et les négociations ont abouti à un taux de 4%. Par ailleurs, la société ne devrait pas mettre les actifs qui se trouvent sur l'axe Casablanca- Rabat - Kénitra à disposition de ses créanciers en contre partie de leurs obligations. Cela lui permet de garder les actifs de valeur. Les banques n'avaient pas du tout apprécié cette disposition, mais au final "un accord aurait été trouvé le 1er février dernier", apprend-on auprès de notre source.