Faute de maintenance et d'entretien, deux incidents «graves» se sont produits au sein de la raffinerie depuis l'arrêt de la production en août 2015. Le phénomène de corrosion a provoqué une fuite de produits suite au cisaillement d'une ligne pleine de gasoil. Le front syndical Samir appelle plus que jamais l'Etat à la responsabilité, et à intervenir pour sauver la raffinerie. Des demandes insistantes, qui sont restées lettres mortes à ce jour. Lorsque l'on évoque le dossier Samir, ce sont surtout les problèmes liés à la dette abyssale du raffineur, qui reviennent le plus souvent dans les discussions et les analyses. Et pour cause, le raffineur de Mohammedia doit pas moins de 40 milliards de dirhams à ses créanciers, au premier rang desquels on retrouve la douane (13 milliards de DH), les banques (plus de 8 milliards de DH) ainsi que les fournisseurs. Pourtant, on aurait tort de se focaliser exclusivement sur cet aspect de la crise, dans la mesure où l'arrêt de la production de Samir, qui dure depuis maintenant 4 mois, a d'autres conséquences tout aussi dramatiques. Il s'agit bien entendu du sort des quelque 1.000 salariés du raffineur, mais surtout, de la détérioration rapide de l'appareil productif. Un appareil qui, il y a encore quelques années, faisait parti des joyaux de l'industrie marocaine, et qui, aujourd'hui, menace de tomber en lambeaux. Selon une source bien informée et proche de l'appareil productif au sein de Samir, deux incidents «graves» se sont ainsi produits au sein de la raffinerie depuis son arrêt en août 2015, mettant en danger le personnel. Il s'agit notamment, toujours selon notre source, «d'une fuite de produits faisant suite au cisaillement d'une ligne pleine de gasoil, dû au phénomène de corrosion». Ce phénomène de corrosion s'explique par le fait que l'arrêt de la production s'accompagne d'un arrêt de l'entretien nécessaire de l'outil productif. L'arrêt des activités de Samir depuis l'été 2015 augmente considérablement les risques de détérioration de l'outil de production, et partant, la survenance d'incidents. Pire, en l'absence de solutions immédiates et urgentes pour permettre le redémarrage de la raffinerie, «la détérioration rapide de l'outil productif fait peser la menace d'incidents encore plus graves, sans compter qu'il sera pratiquement impossible de reprendre les activités de raffinage dans des conditions normales», explique notre source. Une question se pose alors : Est-il normal que la sécurité de l'une des usines les plus importantes du Royaume soit prise en otage par la partie de bras de fer qui met aux prises l'Etat à l'actionnaire majoritaire du raffineur, Mohammed Al Amoudi ? Sur la question du redémarrage des activités de raffinage, les demandes incessantes du front syndical Samir plaidant en faveur d'une reprise rapide de la production, sont pour l'instant restées lettres mortes auprès des pouvoirs publics. Contacté par Finances News, Houcine El Yamani, secrétaire général du syndicat des industries du pétrole et du gaz, relevant de la CDT, déplore l'attitude des membres du gouvernement qui restent sourds face aux revendications des syndicats qui demandent la reprise imminente de la production, et le sauvetage de Samir. «Ils n'ont même pas daigné nous recevoir. Le Chef de gouvernement ne réagit pas, tout le monde se regarde», s'indigne El Yamani. Les syndicats ont donc décidé de frapper à une autre porte, celle de la représentation nationale en l'occurrence. «Nous allons au Parlement pour demander à ce que le problème de Samir soit mis à l'ordre du jour et fasse l'objet de l'attention des députés et des conseillers», explique El Yamani. En d'autres termes, le front syndical veut sortir le dossier Samir des couloirs des ministères pour le mettre sur la place publique, au vu des impacts de la déroute de Samir sur l'économie nationale et ses intérêts stratégiques. Al Amoudi tente le tout pour le tout En attendant, la situation du raffineur est dans l'impasse. L'actionnaire majoritaire, qui détient 67% du capital social, n'a pas, comme promis, apporté sa quote-part de 672 millions de dollars à l'augmentation de capital décidée lors du conseil d'administration du 16 octobre. Cette augmentation de capital, d'un total de 10 milliards de dirhams, et dont le dernier délai a été fixé au 15 novembre 2015, était la condition sine qua non pour rétablir la confiance entre le raffineur et ses créanciers. Pour échapper à ses créanciers, et notamment la Douane, qui est en droit, à tout moment, de réaliser la saisie conservatoire sur les comptes de Samir, Al Amoudi joue sa dernière carte : celle de se mettre sous la protection du Tribunal de commerce de Casablanca, en sollicitant un règlement à l'amiable. En effet, si le président du Tribunal de commerce de Casablanca juge recevable la demande d'Al Amoudi, cela entraînera une suspension immédiate des procédures de règlement. De quoi gagner du temps ; jusqu'à plusieurs mois. Pour donner du crédit à son recours devant le Tribunal de commerce de Casablanca, Al Amoudi et ses proches ont entamé ces derniers jours une offensive médiatique. Ils y accusent l'Etat marocain de ne rien faire pour tenter de trouver un accord sur le rééchelonnement de la dette, et d'être la raison du blocage. Pas sûr que ce soit la bonne stratégie. L'Etat a déjà fait part de sa fermeté, et rien n'indique qu'il changera de posture. Al Amoudi semble plus que jamais se débattre seul dans cette affaire. D'ailleurs, plusieurs Directeurs généraux viennent de se désolidariser de leur actionnaire majoritaire. Mais d'aucuns pensent que la réaction de ces dirigeants, qui faut-il le rappeler «ont longtemps participé à la gestion désastreuse de Samir», aurait pu gagner en crédibilité si elle était intervenue bien avant le déclenchement du scandale en août dernier.