Malgré les subventions allouées, les taximen semblent peu intéressés par l'opération de renouvellement. Outre leur méfiance envers les nouveaux véhicules, des considérations administratives seraient le principal handicap. A deux semaines de l'expiration du délai accordé par le gouvernement pour le renouvellement des grands taxis, le nombre de véhicules ayant bénéficié de la subvention ne dépasse guère les 4.000 véhicules, soit à peine moins de 9% du parc. Les réalisations sont loin des objectifs, et les autorités de tutelle n'ont d'autre choix que de lancer un nouveau délai. Ce blocage reflète la problématique profonde d'un secteur qui n'arrive pas à réussir sa mise à niveau. Car malgré les offres alléchantes des concessionnaires, le renouvellement se fait au compte-gouttes. «Il y a plusieurs facteurs qui bloquent le renouvellement, ou du moins le perturbent. Il y a d'abord cette image ancrée chez les taximen de la Mercedes 240 comme un véhicule irremplaçable et qui n'a pas d'égale en matière de fiabilité. Plusieurs chauffeurs estiment que les nouvelles voitures sont fragiles et difficiles à entretenir et que leurs pièces de rechange sont chères», explique Larbi Mouahidi du syndicat des chauffeurs de taxis de Casablanca. En effet, les transporteurs, en général, raisonnent selon une approche dépassée, qui stipule qu'un taxi doit être un véhicule robuste pour durer le plus longtemps possible. Il n'y a pas de notion d'amortissement dans leur pensée. Le taxi doit être géré avec un schéma d'exploitation bien précis où une partie des recettes est réservée pour amortir l'investissement et financer, par la suite, le renouvellement. Mouahidi souligne par ailleurs qu'«il n'y a pas assez de communication sur le sujet. Les concessionnaires communiquent sur le produit sans montrer le gain réel pour le taximan. Il ne faut pas oublier que c'est un professionnel qui raisonne en termes de coût et de rendement. Pour prendre une décision qui l'engage sur des années; il a besoin d'être convaincu». Un avis que ne partagent pas les concessionnaires qui commercialisent des véhicules taxis. «Nous avons mené des campagnes dédiées, et nous essayons de montrer aux taximen les atouts d'un véhicule neuf et les avantages qu'ils procurent en matière de réduction de la consommation, de diminution de la pollution, de sécurité et de confort pour les passagers», souligne Pierre Truss, directeur marketing chez Renault Commerce Maroc. Partout dans le monde, les chauffeurs de taxis sont des professionnels très exigeants. Ils cherchent les bons produits, le meilleur service et des prix compétitifs. «Nous avons eu des échos favorables pour toutes les personnes ayant opté pour ce véhicule». Mais il y a d'autres facteurs qui pénalisent le renouvellement du parc des grands taxis.. Mais le principal blocage est surtout lié au système d'agrément. De nouvelles pistes sont à étudier pour remédier à cette situation. Il a été décidé de reprendre les agréments moyennant des indemnités. Mais ce projet encore à l'état embryonnaire a rencontré beaucoup d'hostilité. La problématique de son financement est aussi un handicap majeur. Il faut rappeler que Casablanca, à elle seule, regroupe 8.000 grands taxis, Rabat et Salé 4.000. L'Etat veut s'attaquer en priorité aux taxis opérant dans les métropoles, avant de passer à ceux du transport interurbain. «Tant que nous n'avons pas remédié aux défaillances du système des agréments, la problématique des grands taxis demeurera toujours posée», explique Hassan, chauffeur de taxi à Casablanca. «Un grand nombre de ces agréments devait être retiré depuis longtemps du fait que leurs propriétaires sont décédés. Avec les héritiers, il est difficile d'obtenir un crédit bancaire pour renouveler le véhicule. Cette situation crée une anarchie dans le secteur», souligne-t-il. Ce qui rend encore la situation plus délicate, c'est la présence de trois parties dans l'opération : le propriétaire de l'agrément, le propriétaire du taxi et le chauffeur. Un véhicule peut être loué à deux, voire trois chauffeurs. Tout programme de restructuration doit prendre en considération les doléances des différentes parties.