Toutes les grandes puissances ne reconnaissent pas la pseudo-Rasd, mais l'initiative de Stockholm risque d'inciter certains pays du Nord à lui emboîter le pas. L'intégrité territo-riale du Royaume est une ligne rouge à ne pas franchir, car on ne badine pas avec la souveraineté nationale sur le Sahara marocain. Les tensions apparues actuellement entre le Maroc et la Suède, qui a l'ambi-tion de reconnaître la «Rasd», montrent à qui veut le savoir que le Royaume est intransi-geant sur ce dossier. Les par-tis politiques, toutes tendances confondues, ont ainsi laissé leurs divergences de côté et se sont mobilisés pour défendre la cause nationale. A cet égard, une délégation composée de plusieurs parlementaires s'est rendue à Stockholm pour expli-quer la position de Rabat forte d'un appui total auprès des citoyens et de la société civile. Plus de 40.000 personnes ont manifesté, dimanche 4 octobre, devant l'ambassade de Suède à Rabat, pour protester contre la position hostile de ce pays. La sortie médiatique d'Anna Hammargren, ambassadrice de la Suède à Rabat, pour calmer les esprits n'a pas eu l'effet escompté. «Le gouvernement de mon pays n'avait aucune intention de reconnaître la pseudo-RASD et la motion du Parlement suédois en la matière n'aurait aucun impact sur la position officielle de Stockholm, basée sur le droit internatio-nal », affirme-t-elle. Une posi-tion confirmée plus tard par Margot Wallström, ministre suédois des Affaires étrangères, qui a précisé que «la Suède ne reconnaissait pas le Sahara occidental, ni la Rasd, comme Etat». Et d'ajouter : «La politique suédoise reste inchangée et nous avons de bonnes relations diplomatiques avec le Maroc et souhaitons continuer ainsi». Dans ces conditions, peut-on parler d'une nouvelle approche de la diplomatie marocaine plus offensive et plus agressive. «Notre diplomatie a toujours été taxée de laxisme et de timidité. On avance que plusieurs revers essuyés par le passé, auraient pu être évités si on était plus agressif et plus pragmatique. Les ennemis de la cause natio-nale, en l'occurrence l'Algérie, utilisent tous les moyens pour contrer notre positionnement. Le Maroc a intérêt à adopter une nouvelle approche pour défendre ses intérêts», explique Mohamed Belamlih, politologue. Face à la Suède, la fermeté des Marocains a surpris plus d'un. Qu'est-ce qui explique ce chan-gement d'attitude ? «Les pays qui reconnaissent la Rasd, concentrés essen-tiellement en Afrique et en Amérique latine, sont des Etats qui étaient dans le giron du bloc de l'Est ou qui avaient une certaine sympathie pour l'ex URSS. Pratiquement, toutes les grandes puissances, à com-mencer par les cinq membres permanents du Conseil de sécu-rité, ne reconnaissent pas cet Etat fantôme. On y ajoute égale-ment la quasi-totalité des Etats européens, le Japon et d'autres grandes nations. La Suède, par exemple, n'a pas le poids géos-tratégique que la France ou l'Allemagne en Europe, mais elle reste un modèle très res-pecté, dont les hommes poli-tiques sont très influents à plu-sieurs niveaux notamment dans les instances européennes. La reconnaissance de la Rasd par Stockholm risque de convaincre d'autres Etats à faire de même, à commencer par les pays scandinaves où la diploma-tie algérienne est très active, contrairement à la nôtre moins dynamique, ou quasi absente», poursuit Belamlih. La diplomatie comme la Défense nationale sont considérées comme des portefeuilles de souveraineté. Malgré la nomi-nation d'un ministre ayant une étiquette politique, en la per-sonne de Salaheddine Mezouar, chef du parti RNI, le Palais a le dernier mot et supervise toute la stratégie diplomatique natio-nale. Dans le conflit avec la Suède, il a choisi d'associer les partis politiques pour négocier avec Stockholm. «La diplomatie parlementaire existe partout dans le monde. Le Maroc a mobilisé ses partis politiques, notamment ceux de la gauche puisque le gouver-nement suédois est composé essentiellement de formations de gauche, pour dissuader les Suédois de leur futur projet. Rabat veut montrer l'unanimité des Marocains sur l'affaire du Sahara et le risque encouru d'une éventuelle reconnais-sance de la Rasd», conclut le politologue. Nabila Mounib a été choisie comme chef de file de la délé-gation marocaine. La secrétaire générale de la Fédération de la gauche unifié (FGU) veut mon-trer à la partie suédoise la dif-férence entre la reconnaissance de la Palestine, qu'elle a saluée en tant que chef d'un parti très à cheval sur cette question, et celle d'un «Etat au Sud du Maroc sous la tutelle du régime algérien», qui ouvrirait la voie à «l'instabilité» et à la «barbarie» dans la région. Le boycott, l'arme fatale Le Maroc, par la voix de Mostafa El Khalfi, ministre de la Communication et Porte-parole du gouvernement, a annoncé le boycott des produits suédois. Evoquant l'absence de certificat de non-conformité, le projet d'ouverture d'un grand magasin Ikea à Casablanca a été bloqué, et d'autres produits ou pro-jets devraient connaître le même. Pour rappel, les échanges entre les deux pays ont atteint, en 2014 ont atteint les 4,1 Mds de DH. La balance commer-ciale bilatérale bascule fortement en faveur de la Suède. Elle a affiché un solde déficitaire à fin 2013 au détriment du Royaume, avec un solde commercial estimé à 3,05 Md DH. Sur la période 2009-2012, la résorp-tion du déficit commercial du Maroc envers la Suède s'est accélérée, avant de baisser en 2013 de 22%. En cas de boycott des produits suédois, le Maroc serait peu pénalisé par des représailles notamment du fait qu'il en importe du papier, du carton, des voitures et des produits cosmétiques. Le volume des produits exportés essentiellement agricoles reste insignifiant.