Tout en saluant le projet de réforme du livre IV du Code des assurances, la Fédération nationale des agents et courtiers d'assurance (FNACAM) s'oppose à l'élargissement du champ de la bancassurance. Le point avec son Directeur général, Ali Benjelloun. Finances News Hebdo : Globalement, comment avez-vous accueilli le nouveau projet d'amendement du livre IV du Code des assurances ? Ali Benjelloun : Nous avons soutenu et salué certaines réformes, mais nous avons également exprimé quelques réserves, voire même une grosse réserve. Ces réserves ont été actées par procès-verbal lors de la dernière réunion de la Commission administration et organisation (CAO) du 22 janvier 2015. L'une des réserves, pour ne parler que de la plus importante, porte sur l'élargissement du champ d'intervention de la bancassurance à la multirisque habitation, mais aussi sur la possibilité dont disposerait l'administration d'autoriser ces mêmes banques de commercialiser plus tard d'autres catégories d'assurances liées au crédit sur simple décision, fut-elle à titre exceptionnelle, de la tutelle. Nous restons toutefois optimistes car le texte devra, après peut-être une dernière retouche, être soumis à l'appréciation du Secrétariat général du gouvernement (SGG) pour validation et mis plus tard dans le circuit législatif. Autant vous dire que rien pour l'instant ne peut être considéré comme définitif. F.N.H. : Justement, vous êtes farouchement opposés à cette disposition autorisant les banques à vendre, par voie réglementaire, d'autres catégories d'assurances liées aux produits bancaires. Craignez-vous à ce point la concurrence des banques? A. B. : Nous avons effectivement, au risque de me répéter, contesté vigoureusement cette disposition, car nous partons du principe que le métier de la banque est de vendre du crédit. Des produits complexes comme l'assurance dommage méritent une certaine expertise, un certain savoir-faire. Il s'agit en fait d'orienter le client sur le choix des garanties, l'étendue et la nature des exclusions, les moyens de prévention et d'assurer le service après-vente. Or, en cas de sinistre, pour ne citer que ce cas précisément, contrairement aux agents et courtiers, les banques n'ont ni les compétences ni l'expérience requises pour accompagner le client. L'objectif d'un intermédiaire est de fidéliser le client, d'où son intérêt à mieux le servir et le protéger. La banque, elle, n'a pas ce souci. Si d'aventure le texte est adopté dans sa rédaction actuelle, autant vous dire que de nombreux cabinets mettront la clef sous le paillasson, ce qui est loin de participer à la résorption du chômage qui semble prendre des proportions importantes dans notre pays. F.N.H. : La DAPS rassure que les autorisations exceptionnelles mentionnées dans le texte n'interviendraient qu'en cas de nécessité répondant à l'intérêt général de la nation ? A. B. : Nous n'avons aucune garantie. Nous faisons certes totalement confiance à l'administration actuelle. Mais nous sommes tous des mortels. Quant à l'intérêt général de la nation, vous m'accorderez que les intermédiaires d'assurance y sont aussi concernés! F.N.H. : Quid de l'examen d'accès à la profession, comment perçoit la FNACAM son maintien pour les courtiers et sa suppression pour les agents généraux ? A. B. : Nous sommes à l'unisson foncièrement contre cette mesure parce que nous estimons qu'un examen constitue un filtre et permet, par conséquent, de retenir, couplé au stage de formation, les meilleurs profils habilités à donner un certain crédit à notre métier. L'examen permet aussi de dissuader certains candidats dont l'apport au secteur serait faible et sans réel intérêt. Il y va aussi de la crédibilité des compagnies d'assuranceS car un agent qui ferme, c'est l'image de la compagnie qui en prend un coup. Créer des agences pour les fermer deux ans plus tard est une stratégie qui peut coûter très cher autant aux compagnies d'assurances qu'aux agents qui s'engagent dans ce type d'aventures sans en mesurer les risques, ni les conséquences souvent dramatiques. F.N.H. : Qu'en est-il de votre proposition consistant à autoriser les intermédiaires à percevoir auprès des clients des honoraires, outre la commission payée par les compagnies d'assurances? A. B. : C'est une pratique qui existe déjà en France et ailleurs. L'administration de tutelle nous a donné effectivement son accord. Ces honoraires vont être intégrés aux autres activités compatibles avec notre métier. Je dois toutefois souligner que ces honoraires ne sont pas cumulables avec la commission payée par la compagnie mais peuvent s'y substituer quand l'étude n'est pas suivie d'un ordre de placement et qu'un accord a été conclu dans ce sens ou quand le mandat de l'intermédiaire se limite à la seule production d'une étude. Il ne s'agit nullement d'une obligation mais d'un accord écrit entre un donneur d'ordre et un mandataire. F.N.H. : Pourquoi avez-vous émis des réserves sur la disposition introduisant la notion de séparation du compte d'exploitation de l'intermédiaire de celui des primes encaissées? A. B. : Nous sommes plutôt d'accord sur le principe, mais des difficultés risquent de surgir sur le plan pratique car de nombreux intermédiaires travaillent en compte courant avec les compagnies d'assurances, procèdent à des compensations en cas de sinistre. Aussi, envisageons-nous de discuter cette question avec la Fédération marocaine des sociétés d'assurance et de réassurance (FMSAR) de manière à mettre en place les mécanismes et les instruments à même de permettre une meilleure maîtrise du processus.