Les défaillances du système sont liées à son fonctionnement et à l'aspect généraliste de la loi qui traite également les coopératives agricoles, artisanales ou commerciales. Un nouveau texte permettra de combler ces lacunes. Malgré l'accélération de la cadence des réalisations, l'offre en logement reste insuffisante par rapport à la demande et le plus souvent inadéquate. La solution n'est pas uniquement liée à la production, mais elle est également d'ordre législatif et réglementaire. Il est question d'investir toutes les pistes qui peuvent booster le secteur immobilier. La coopérative immobilière est une formule pertinente surtout pour les personnes issues de la classe moyenne du fait qu'elle permet de réduire au maximum le coût de revient d'un logement. Ces organismes bénéficient notamment de l'exonération fiscale pour ce qui est de l'IS. Ils permettent des économies d'échelle sur tous les achats, en particulier le foncier. D'autant plus qu'au final on n'attend pas de marge bénéficiaire qui revient généralement au promoteur. En pratique, un logement construit dans le cadre d'une coopérative revient moins cher d'au moins 25% par rapport à un habitat dans un circuit normal. Contrairement aux mobiles d'un promoteur immobilier qui sont strictement commerciaux, la coopérative peut répondre à un certain cadre de vie pour ses membres en matière d'architecture et d'environnement urbanistique. C'est une expérience qui a été réalisée avec brio par plusieurs groupements de personnes notamment des corporations professionnelles comme les enseignants, les fonctionnaires, les retraités ou autres. Toutefois, dans certains cas, certaines coopératives ont conduit leurs membres à la catastrophe. Près de 50.000 Marocains ont adhéré à 1.092 coopératives d'habitat et investi quelque 5 Mds de DH. Mais les défaillances de cette formule commencent à dissuader de plus en plus de gens qui auparavant manifestaient de l'interêt. Les médias se font de temps à autre l'écho des affaires en justice concernant la mauvaise gestion, dilapidation ou détournement de fonds, non-respect de délai ou des engagements. «Nous sommes un groupement d'enseignants de 40 personnes. Nous avons décidé de constituer une coopérative immobilière pour la réalisation d'un complexe résidentiel. Au début, tout se déroulait conformément au programme, notamment le volet juridique, l'acquisition du terrain, le lancement des gros oeuvres. Mais les problèmes ont surgi par la suite quand le promoteur a exigé de revoir à la hausse ses prestations évoquant le renchérissement des matériaux de construction. Certains membres ont accepté et d'autres non. Depuis cette date, le projet est à l'arrêt et l'affaire est devant les tribunaux. Je n'ai pas acquis mon logement et je n'ai pas pu encore récupérer l'argent investi», explique Abderrahmane Hassani, enseignant à Casablanca et membre d'une coopérative. Sur le terrain, le fonctionnement des coopératives immobilières a montré ses limites, surtout en matière de réalisations et d'objectifs. Les études menées ont montré que parmi les causes de l'échec de plusieurs coopératives figure le traitement général du fait qu'il y a un même texte de loi aussi bien pour les coopératives agricoles, artisanales que commerciales alors que chaque secteur a ses propres spécificités. Cette situation a précipité la loi dédiée exclusivement aux coopératives immobilières. Dans le nouveau texte ou la loi 112-12, le nombre maximum est fixé à 60 personnes et le minimum à 5. Il est difficile de gérer une coopérative composée de milliers de personnes comme c'est le cas en agriculture. «L'objectif de la coopérative d'habitation est le plus souvent limité dans le temps notamment à la réalisation du projet immobilier. Il mobilise des fonds importants sur une période de deux à quatre ans. Alors que pour les autres secteurs comme l'agriculture, la coopérative joue le rôle d'agrégateur dont le rôle est l'encadrement, la production, la collecte ou la commercilisation», souligne Mohammed Amrani, professeur d'économie. Malgré ces contraintes, les coopératives demeurent un élément clé pour permettre l'accessibilité au logement et une bonne gestion des complexes immobiliers au terme de leur achèvement. La loi 112-12 devrait donner une nouvelle impulsion à ce créneau puisque le texte met beaucoup l'accent sur le contrôle notamment comptable et administratif afin de limiter les abus. Elle vise également la prise en considération des grandes particularités des coopératives et la nécessité de leur promotion. Pratique La loi 112-12 La réforme de l'ancienne loi sur les coopératives a été imposée pour plusieurs considérations. Parmi lesquelles, celle de relever les grands défis dans le secteur en matière d'augmentation de l'offre afin d'atténuer le déficit. L'objectif de la loi 112-12 est de prendre en considération les différentes contraintes à la fois réglementaires, juridiques et foncières. En effet, le nouveau texte édicte les grandes lignes qui encadrent l'organisation, le fonctionnement ainsi que la plupart des aspects de la vie d'une coopérative d'habitation, de sa constitution jusqu'à sa dissolution. On y trouve, entre autres, les règles relatives aux pouvoirs et à la capacité de coopérative, la structure de son capital, les particularités du statut de membre et de l'adhésion, les règles relatives à l'assemblée des membres, celles de fonctionnement de son Conseil d'administration et les pouvoirs et devoirs de ses administrateurs. Pour remédier aux malversations, le texte instaure des pratiques de bonne gouvernance. Par exemple, un auditeur devra être désigné pour garder un oeil sur la gestion de la coopérative, avec pour obligation d'exposer un rapport à l'assemblée générale. La loi exige l'affectation d'un commissaire aux comptes pour les coopératives réalisant un chiffre d'affaires de plus de 10 millions de dirhams ainsi que la nomination d'un Conseil d'administration pour les entités réalisant un chiffre d'affaires de plus de 5 millions de dirhams. Aussi, pour empêcher l'éjection abusive des adhérents du tour de table, la transmission et la cession de leurs parts sont rigoureusement encadrées. Plus encore, la loi prévoit de nombreuses possibilités de contrôle de la gestion des coopératives par le ministère de l'Habitat. Ce dernier est désigné comme nouvelle autorité de tutelle de ces entités, alors que cette responsabilité relevait de l'Office de développement de la coopération (ODCO).