Abdou Diop, associé-Directeur de Mazars, cabinet qui a appuyé Maroc Export lors de sa récente mission de prospection au Sénégal et en Mauritanie, dresse un bilan positif de cette opération. Il analyse les perspectives de partenariat qui existent sur les deux marchés, tout en rappelant la nécessité d'adapter l'offre marocaine au niveau de développement des secteurs ciblés dans les deux pays. L'associé-Directeur de Mazars conclut en insistant sur l'impératif d'accorder plus d'attention au suivi après les missions de prospection. Finances News Hebdo : En tant qu'associé-Directeur de Mazars, cabinet qui appuie Maroc Export, le bras marketing des entreprises marocaines à l'étranger, quel bilan faites-vous de ces deux missions de prospection au Sénégal et en Mauritanie ? Abdou Diop : J'estime que le bilan est globalement positif. Il est clair que les dates choisies pour la mission pour chaque pays pouvait être plus propice en d'autres périodes car il se trouve qu'on est au lendemain du Magal (fête religieuse au Sénégal), à la veille des fêtes de fin d'année et dans une période d'inventaire pour les entreprises qui sont un peu prises. A cela s'ajoute que la durée de la mission par pays était de 2 jours et demi. Mais, en dépit de ces contraintes, le bilan est à mon sens à saluer car les entreprises marocaines ont pu rencontrer de nombreux acteurs-clefs du secteur des TIC dans les deux Etats. Elles ont été en contact direct avec des clients finaux potentiels (publics et privés) avec lesquels il y a possibilité de nouer des partenariats. Pour ce qui est du secteur public, les opérateurs nationaux ont eu l'occasion de présenter leur savoir-faire aux directions générales des TIC, aux agences en charge de l'informatique de l'Etat et à quelques établissements publics et ministériels des deux pays. Au niveau privé, nos opérateurs nationaux ont rencontré les opérateurs bancaires et industriels et ceux des secteurs des télécoms. Je dois vous dire qu'à tous les niveaux, il y a eu une identification d'un certain nombre de besoins ou de projets dans lesquels les entreprises marocaines peuvent apporter de la valeur ajoutée et nouer des partenariats. L'autre point particulièrement positif est que certaines entreprises marocaines ont été invitées par les partenaires potentiels mauritaniens et sénégalais à voir leurs clients finaux. Tout cela prouve à l'évidence que le potentiel de faire du business existe et que la mission est globalement réussie. F.N.H. : Qu'est-ce qui a motivé à votre avis, le ciblage de ces deux pays pour y effectuer une mission de prospection ? A. D. : Je pense qu'à la base Maroc Export et la Fédération marocaine des technologies de l'information, des télécommunications et de l'offshoring (Apebi), ont compris que beaucoup de choses se passent dans les deux pays que vous mentionnez. Le Sénégal a déjà été exploré lors de précédentes missions. Si Maroc Export et l'Apebi ont décidé de remettre ce pays à l'ordre du jour, c'est que les premières missions ont révélé des choses intéressantes en termes de potentiel que les entreprises peuvent mettre à profit. Pour ce qui est de la Mauritanie, le Maroc jusque-là, n'avait pas encore pris conscience de ce que pouvait apporter ce pays dans le cadre d'un partenariat économique durable. Toutefois, le Royaume est en train de rectifier le tir. Pour preuve, cette mission est la première d'une longue série puisqu'il faudra revenir pour réexplorer le marché mauritanien. Il est clair que vu le niveau de développement du pays, certains estiment qu'il n'y a pas beaucoup d'opportunités en Mauritanie. Mais les choses bougent dans ce pays, même si son marché n'est pas facile. A mon sens, il est nécessaire d'y déployer une réelle action pour positionner l'offre marocaine. Il faut savoir que dans le secteur des services, les Tunisiens ont pris une certaine longueur d'avance sur le marché mauritanien. Le Maroc peut combler ce gap en multipliant cette typologie de missions. F.N.H. : L'offre marocaine du secteur des TIC est clairement en avance par rapport aux deux pays. Ne pensez-vous pas qu'il y a lieu de la redimensionner pour l'adapter aux besoins spécifiques locaux ? A. D. : Vous savez que le secteur des TIC est le domaine où le gap entre les pays du Nord et ceux du Maghreb est le plus restreint. Contrairement au gap industriel ou infrastructurel qui est très important. En ce qui concerne les TIC, je peux dire que les niveaux sont pratiquement similaires. Ce qui peut être conforté par le fait que le taux de pénétration du mobile en Mauritanie (122%) est l'un des plus élevés au monde. Au Sénégal et en Côte d'Ivoire, les opérateurs testent déjà la 4G tandis que certains pays développés tardent encore à l'introduire. Tout cela pour vous dire que l'écart de développement dans le secteur des TIC se réduit rapidement. Une technologie qui sort en Europe est opérationnelle dans les pays du Sud en moins de deux ans. Maintenant, il est vrai que le Maroc est en avance comme prestataire de services des TIC sur les deux pays. Toutefois, il subsiste des entreprises en Afrique subsaharienne (Sénégal, Kenya) qui ont un réel savoir-faire dans ce domaine et qui l'exporte par ailleurs. Il faut juste qu'il y ait une cohérence entre l'offre marocaine et les besoins spécifiques dans ces pays. Car les secteurs auxquels s'adressent les entreprises marocaines au Sénégal et en Mauritanie, ont des niveaux de développement différents par rapport au Maroc. Le secteur bancaire marocain est en avance en comparaison à ces deux pays. Il en est de même pour la microfinance par exemple. Ce qui implique nécessairement une adaptation de l'offre marocaine vu l'écart de développement des secteurs dans les différents pays. Sur le plan industriel, il est clair que les industries sénégalaises et mauritaniennes accusent du retard et ont moins besoin d'automatisation que les structures marocaines. Pour autant, certaines usines au Sénégal pour ne citer que Sédima, industrie très moderne, visitée par les opérateurs marocains, a besoin des meilleures technologies en automatisation. Donc, la question de l'adaptation de l'offre se pose davantage par rapport au secteur auquel on s'adresse qu'à la technologie elle même. Il faut être en phase avec l'état de développement du secteur cible. Au demeurant, les cartes à puce et les passeports biométriques sont autant demandés au Nord qu'au Sud. F.N.H. : Depuis quelques années maintenant, Maroc Export déploie des efforts considérables pour accompagner les entreprises marocaines à l'international. Que vous inspire ce nouveau souffle? A. D. : Cette nouvelle dynamique est très importante. Tous les pays n'ont pas l'avantage qu'ont les entreprises marocaines à travers Maroc Export. Ainsi, beaucoup d'entreprises sénégalaises confient qu'elles auraient aimé que l'agence de promotion des exportations du Sénégal offre les mêmes possibilités et ait les mêmes moyens que Maroc Export pour les accompagner. Elles seraient prêtes à payer jusqu'à 80% du coût des voyages de promotion. Tout cela pour dire que Maroc Export est aujourd'hui un pilier indispensable pour les entreprises marocaines qui se projettent à étendre leurs activités sur d'autres marchés extérieurs. Toutefois, l'entité en charge de la promotion des exportations marocaines doit mettre des garde-fous car le suivi de ces missions de prospection est crucial. A chaque fois les voyages dans les pays visités ouvrent des perspectives intéressantes, mais un problème de suivi se pose même si Maroc Export essaye d'instaurer des «incoming missions». Je pense que les entreprises doivent davantage jouer le jeu dans ce sens. Il est impératif qu'elles établissent pour chaque contact identifié un workflow de suivi sur toute l'année, tout en planifiant leurs actions dans le cadre d'un horizon temporel de court, moyen et long terme (courrier de remerciements, offre globale, relance, visite sur place, bilan). Ce qui permet de conserver en l'état l'intérêt des partenaires même à distance. En définitive, le volet du suivi est important pour la crédibilité des missions de prospection futures dans ces pays. Maroc Export devra mettre en place un dispositif pour accorder plus d'importance à cet aspect qui me semble cardinal.