L'opposition estime que le texte prévoit des hypothèses pouvant entraîner beaucoup de marges d'erreur. Les mesures prises par le gouvernement restent insuffisantes pour donner une nouvelle dynamique à l'économie. Sur le plan fiscal, les réalisations restent en deçà des recommandations des Assises de la fiscalité tenues en avril 2013. Une fois dévoilé, le projet de Loi des Finances 2015 a été décortiqué, surtout par les formations politiques pour présenter leur remarques, recommandations ou amendements. Si les partis de la majorité ont accueilli favorablement le texte, ceux de l'opposition n'ont pas hésité à tirer ouvertement sur le projet, le jugeant inapte à apporter des réponses concrètes aux ambitions du Maroc qui traverse une conjoncture défavorable. Hakim Benchemmas, chef du groupe du Parti de l'Authenticité et de la modernité (PAM) à la Chambre des conseillers, affirme que «le PLF 2015 n'apporte rien de nouveau qui puisse renverser la donne. Il y a une forte déception chez la classe politique et les citoyens. On ne peut pas mener à bien les différentes réformes comme les retraites, la régionalisation ou la compensation sans qu'il y ait des mesures de grande ampleur». Sa collègue de la Chambre des représentants, Milouda Hazib, estime que «les hypothèses retenues par le PLF 2015 peuvent induire beaucoup de marges d'erreur, comme le taux de croissance de 4,4% jugé trop optimiste. Le Maroc reste à la merci des aléas endogènes et exogènes». Abdelali Doumou, professeur universitaire et député de l'USFP, n'a pas, lui aussi, mâché ses mots. Il a critiqué les choix budgétaires du gouvernement qui n'arrive pas encore, ni à maîtriser ses dépenses ni à élargir l'assiette fiscale pour redresser les recettes. D'après lui, l'équilibre budgétaire se fait au détriment de plusieurs secteurs à connotation sociale. En effet, certains produits alimentaires à large consommation comme le thé, les pâtes et le riz ont vu leur taux de TVA grimper à 20%. Même son de cloche, du côté de l'Union constitutionnelle qui, à son tour, émet ses appréhensions : «L'Exécutif reste fidèle à l'orthodoxie budgétaire imposée par le FMI et la Banque mondiale. Il n'y a pas de mesures innovantes capables de donner une nouvelle dynamique à l'économie marocaine. On revient au cycle d'endettement de l'Etat, avec tout ce que cela comporte comme fardeau pour les générations futures. Le taux de la dette publique commence à inquiéter. Cela montre clairement que ce gouvernement ne respecte pas ses engagements promis lors de son investiture». Pour sa part, la CGEM a noté avec satisfaction la mouture du PLF 2015 qui a pris en considération plusieurs de ses doléances, notamment l'exonération des charges sociales pour la création de nouveaux emplois, le soulagement de la trésorerie des entreprises à travers la non-limitation de l'imputation par les entreprises des excédents d'IS versés à l'administration. La Confédération patronale se dit satisfaite de l'exonération de la TVA sur investissement pour les 3 premières années d'existence de l'entreprise. Et aussi la poursuite de la réforme de cet impôt comme préconisé lors des Assises de la fiscalité. Le patronat a évoqué le renforcement de la transparence fiscale à travers l'avis préliminaire de l'administration sur les transferts intergroupes que prévoit le PLF. Mais, il précise toutefois que le gouvernement n'a pas répondu favorablement à toutes ses revendications, surtout celles ayant trait au soutien de la PME, la lutte contre l'informel ou la simplification fiscale. Sur le plan fiscal, le patronat n'a pas manqué d'exprimer sa grande déception quant à l'absence d'amendement de l'écotaxe et l'alourdissement du coût des opérations de cession des valeurs mobilières soumises actuellement à un droit d'enregistrement de 3%. Celles-ci seront assujetties à taux de 4%, comme c'est le cas pour les cessions d'immeubles construits ou de terrains nus à construire. La hausse de la TVA sur le crédit immobilier qui passe à 10% (au lieu de 7%) suscite également des inquiétudes chez les professionnels. Les promoteurs y voient une hausse de leurs charges et les banquiers s'attendent à ce qu'elle augmente le coût du crédit pour les acquéreurs. Sur le plan technique, les spécialistes estiment qu'il n'y a pas eu assez de mesures conformes aux Assises de la fiscalité tenues en avril 2013. «Le gouvernement procède à des mesures aux cas par cas au lieu de repenser tout le système et assurer de la visibilité aux investisseurs», explique Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal à l'université de Settat. Le compromis est privilégié pour les amendements Le gouvernement dispose d'une confortable majorité pour valider le PLF 2015. A l'instar des précédents exercices, il devra privilégier l'approche du compromis pour les amendements au lieu de les rejeter en évoquant l'article 77 stipulant la faisabilité financière. Et ce malgré les luttes intestines entre majorité et opposition. Les partis de l'opposition devraient présenter une vingtaine de propositions chacun. Ils seraient moins exigeants en matière d'exonération conformément à l'article 77 de la nouvelle Constitution qui a abrogé l'article 51, très décrié en son temps par les parlementaires. En effet, le nouveau texte responsabilise le Parlement en matière d'équilibre financier mais le gouvernement peut opposer de manière motivée, l'irrecevabilité financière. En clair, il peut rejeter «des propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ayant pour conséquence, par rapport à la Loi de Finances, soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique».