D'une visite à l'autre, les choses semblent se confirmer : comme un fil d'Ariane, «l'amitié» égypto-algérienne prend de nouvelles dimensions. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est «a priori» dirigée contre le Maroc. En juin dernier, au lendemain de son plébiscite, Abdelfettah Sissi, maréchal de son état, a choisi de visiter l'Algérie et de rendre ses hommages à Abdelaziz Bouteflika. C'est peu dire que cette visite, placée sous le signe de l'amitié retrouvée, avait un caractère essentiellement politique, car elle reposait sur un postulat factice : la lutte et la victoire contre les islamistes, menée en Algérie et en Egypte. Les deux pouvoirs se jouaient et se jouent encore de cette épique guerre, faisant front commun... Mais il n'y avait pas que cette donne, perceptible et affichée. Il y avait également le prétexte de la situation explosive en Libye, après la disparition de Mouamar Kadhafi. L'Egypte et l'Algérie, voisins immédiats ou presque, se sont subitement trouvées une vocation : mettre en place une stratégie de mainmise sur ce pays qui possède les plus grandes réserves de pétrole et de gaz dans le Maghreb, devenu enjeu politique régional voire international. Et sur lequel les puissances étrangères, à commencer par la France et les Etats-Unis, jettent désormais leur dévolu et dont elles ont fait précipiter la chute et l'implosion que l'on sait. Quel rapport, dira-t-on, entre le resserrement des liens égypto-algériens et le Maroc, ou plutôt le Sahara marocain ? La réponse est claire : le rapprochement entre les deux pays, ou mieux, entre le maréchal Sissi et Abdelaziz Bouteflika, s'inscrit dans une tradition, je dirais «nassériste», sur fond d'un populisme incarné par les régimes «militarisés» ! Plusieurs personnalités égyptiennes, de hauts responsables n'ont cessé depuis quelques mois de prendre le chemin de l'Algérie et de Tindouf, et le dernier d'entre eux est le vice-ministre de la Culture égyptien qui à la tête d'une délégation vient de visiter les camps de Tindouf et être reçu en pompe par les hauts responsables du polisario...On rappellera qu'un certain Hassan Nafâa, dont la sympathie au polisario n'a d'égale que sa hargne au Maroc, se rend régulièrement dans les camps de Tindouf pour pérorer sur les «droits des Sahraouis à l'autodétermination». Cette semaine, c'est au tour du secrétaire général du ministère de la Culture égyptien de se rendre à Tindouf et de cautionner officiellement les séparatistes. Autrefois, une telle visite aurait constitué aux yeux du monde, et des responsables marocains en particulier, une manière de reconnaissance par l'Egypte du polisario. Autrement dit, ce qui n'avait jamais pu exister aux temps des présidents Moubarak et Anouar Sadate, voire Mohamed Morsi...se réalise indifféremment au grand dam des Marocains. L'Egypte du maréchal Sissi a changé radicalement sa position dans le conflit du Sahara marocain. Elle s'aligne désormais ouvertement sur la position algérienne, et applique la vision d'un certain Nabil al-Araby, actuel secrétaire général de la Ligue arabe, dont le soutien à la politique algérienne dans cette affaire ne fait aucun doute et qui impose au maréchal Sissi une «feuille de route», pour le moins spécieuse et anti-marocaine depuis sa visite à Alger en avril 2012. Que l'Egypte s'engage de manière partiale dans l'affaire du Sahara, en choisissant de manière aveugle le camp hostile au Maroc, en s'alliant à un gouvernement qui n'a de cesse de combattre le Maroc et de contester son intégrité territoriale et sa souveraineté nationale, ne peut à terme que retarder la solution politique et renvoyer aux calendes grecques le projet fédérateur d'un Maghreb arabe uni. L'on comprend cependant que la politique a ses lois, et le cynisme aidant dicte des comportements paradoxaux : après son coup d'Etat contre Mohamed Morsi et les islamistes, ses exactions répétées contre ces derniers, l'Union africaine a exclu d'office l'Egypte de ses rangs...Mais voilà, comme par miracle, que Bouteflika s'est personnellement engagé et investi pour la réintégrer dans l'organisation panafricaine, devenue visiblement son instrument...