Invité des rédactions du Groupe JMA Conseil (Finances News, Autonews et La Quotidienne), Jacques Prost, Directeur général du Groupe Renault Maroc, a répon-du aux questions des journalistes, notamment sur le volet industriel, en l'occurrence le développement de l'usine de Tanger, le chapitre commercial et aussi la responsabi-lité sociale de l'entreprise. Le site de Tanger reste un chal-lenge au niveau de sa conception et sa réalisation. Il a permis au Maroc d'entrer de plain-pied dans le club restreint de l'industrie auto-mobile. L'usine a permis d'amé-liorer sensiblement la production et aussi l'exportation. Avec le pro-gramme d'accélération industrielle, le groupe ambitionne de conforter l'intégration industrielle. Nommé en 2012 à la tête du Groupe Renault Maroc, Jacques Prost a fait toute sa carrière chez le constructeur français. Il est motoriste de formation et a occupé plusieurs types de res-ponsabilité, deux fois directeur d'usine et directeur de projet avant d'occuper le poste de directeur de l'ingénierie mécanique. Il est membre du comité de direction Renault depuis janvier 2008. C'est un expert rompu aux rouages de l'industrie automobile. Sa nomination à la tête de la filiale marocaine s'inscrit dans la logique, au regard de ses compétences et de son expérience, surtout qu'il devait piloter le développement de l'usine de Tanger. «Nous avons beaucoup fait pour lancer cette usine, mais beaucoup de choses restent à faire. L'industrie automobile est une activité qui met du temps pour s'imposer. Il faut compter entre 5 et 10 ans», explique Prost. Le méga site a nécessité jusqu'à présent un investissement de 1,1 milliard d'euros, pour une capacité de production de 340.000 véhicules par an. «Le développement du site de Renault de Tanger est conforme au programme. Nous allons doubler nos volumes en 2014 par rapport à 2013 pour avoisiner les 200.000 voitures». explique-t-il. S'agissant des contraintes liées à la production et à l'approvisionne-ment chez les équipementiers, Prost précise que «les équipementiers sont comme les constructeurs, les volumes des marchés ne sont pas plus importants que ce qu'ils pouvaient imaginer initialement. Nous avons tous investi, donc il faut amortir cet investissement. Certains constructeurs peuvent s'approvisionner directement au Maroc pour alimenter leurs usines en Europe. C'est un point de plus pour nous. Cela va ren-forcer nos fournisseurs et les rendre plus compétitifs. Par ailleurs, l'Association marocaine pour l'industrie et le commerce de l'automobile (Amica) est prête pour développer son réseau et s'impliquer dans l'écosys-tème. Le sourcing complémentaire permet de baisser les coûts; il est actuellement concentré en Roumanie et en Turquie, mais nous nous battons pour le réorienter vers le Maroc». Améliorer le niveau d'intégration industrielle est l'autre objectif que s'efforce de réaliser Renault. Actuellement, le taux d'intégration est de 42%, l'objectif étant de le porter à 55%. Partenaire privilégié de l'Etat Renault se considère comme un partenaire privilégié du gouvernement marocain pour développer l'industrie automobile, en cohérence totale avec le Plan d'accé-lération industrielle 2014-2016. «Nous sommes à ce stade le seul constructeur installé, avec notre pôle industriel constitué par nos deux usines de Casablanca et de Tanger. Notre objectif est d'aller à terme vers la pleine activité. D'abord, nous travaillons avec la maison-mère pour installer de nouveaux projets, dans le cadre de la stratégie Afrique de Renault, qui renforceront notre activité industrielle. Ensuite, nous développons une plateforme qui permet l'export de pièces réalisées dans l'usine Renault-Nissan de Tanger ou chez des fournisseurs locaux, vers d'autres usines de Renault, notamment en Inde, au Brésil, en Russie ou en Colombie», affirme Prost. Et d'ajouter : «je crois beaucoup au plan d'accélération industrielle. Il peut donner une nouvelle impulsion au secteur et améliorer l'intégration industrielle. Nous travaillons étroitement avec le ministère du Commerce et de l'Industrie pour surmonter certains blocages». C'est dire que le Maroc est un choix pertinent pour Renault qui exporte actuellement 95% de la production du site de Tanger. «Actuellement, nous avons un cumul de production de 280.000 véhicules, dont 252.000 sont exportés. Tanger est la 5ème usine du groupe en termes de production», indique Prost. Pour les débouchés à l'export, le DG de Renault Maroc tient à préciser que «nos produits intéressent plusieurs marchés et ils reçoivent un accueil favorable de la part des clients». Si l'Afrique est un marché intéressant pour Renault, Prost précise toutefois que «le marché de l'auto en Afrique est plus anglophone que franco-phone. Des pays comme l'Afrique du Sud ou le Nigéria présentent un grand potentiel, vu le nombre de leur population et le niveau de leur économie. L'Afrique du Sud est un marché mature, la seule contrainte est liée à la taxe à l'entrée. Par contre au Nigeria, le marché doit basculer des véhicules d'occasion vers les véhicules neufs mais il y a des entraves commerciales et tarifaires que nous essayons de surmonter avec le ministère du Commerce et de l'Industrie, surtout pour le Nigéria. Pour conquérir ces marchés, il faut du temps, entre 10 et 15 ans». Positionnement à consolider Pour ce qui est de la formation des ressources humaines, Prost souligne qu'«il y a déjà un grand plan de formation qui a permis d'avoir des ressources humaines qualifiées. Par ailleurs, l'arrivée de Renault a permis le transfert d'expertise dans des domaines inexistants auparavant au Maroc. Ce transfert a été réussi grâce aux expatriés qui ont transmis leur savoir-faire à la relève marocaine dont Renault est si fière aujourd'hui». L'usine de Tanger est actuellement dédiée au mon-tage et à l'habillage des véhicules. Il n'est pas exclu, plus tard, dans le cadre du développement de l'activité, d'inclure la construction des moteurs. A ce niveau, Prost a mis en exergue la qualité des moteurs Renault, surtout le fameux 1,5 dCi qui équipe différents véhi-cules qui connaissent un succès remarquable. Outre les modèles Dacia et Renault, ce moteur équipe aussi la Mercedes classe A qui fait 30% des ventes de la marque, ou encore la Nissan Qashqai. Simple, perfor-mant et sobre, les atouts de ce moteur ne sont plus à démontrer. En outre, le groupe veut toujours capitaliser sur son image de marque pour consolider son positionnement dans le marché marocain, notamment en termes de ventes. Si «pour un Marocain, rouler en voiture Renault ou Dacia est avant tout un symbole de fierté et de confiance», il n'en demeure pas moins que cet acquis, Renault compte bien le consolider. En cela, pour garder son leadership, Prost évoque trois axes : avoir une gamme large et moderne, disposer d'un réseau qui doit être professionnel et répondant aux normes du constructeur et enfin offrir une bonne qualité de service après-vente. C'est une autre façon de satisfaire et fidéliser les clients. Au niveau de la responsabilité sociale de l'entreprise, Renault Maroc a mis en place, depuis quelques années, une politique de RSE déclinée en la mobilité durable, l'éducation et la sécurité routière. «Le dispo-sitif «Tkayes», organisé en partenariat avec d'autres acteurs comme le CNPAC, a permis à Renault de réaffirmer son engagement en faveur de la sécurité routière. Il a ciblé 3.000 collégiens», explique encore Prost. Par ailleurs, Renault Maroc reste un acteur engagé dans le domine culturel, à travers son accompagne-ment des festivals comme celui de Tanjazz ou du film de Marrakech. Des perspectives prometteuses pour Lodgy La production de Lodgy ne sera pas arrêtée et ce véhicule a des perspectives prometteuses. Il présente un potentiel important à l'export. Dans certains mar-chés comme l'Allemagne, la croissance atteint les 40%. Le projet des grands taxis est également un atout de taille pour ce monospace. «Lodgy avait un problème de notoriété qu'on essaie de combler avec un plan de promotion. C'est un bon véhicule et il dispose de grands atouts. Notre offre pour les grands taxis est intéressante, surtout que c'est un véhicule qui affiche une consommation en moyenne de 4,5 l», explique Prost. «Nous avons approché les représentants des chauffeurs des grands taxis et nous comp-tabilisons déjà une cinquantaine de commandes. A l'instar du succès de Logan et de Sandero pour les petits taxis, je crois que Lodgy peut réussir le challenge et investir le marché des grands taxis. Nos commerciaux sont prudents pour l'année 2015, mais avec le bouche-à-oreille, nous nous attendons à un effet boule de neige», conclut Prost.