La rédaction finale du projet de réforme se fera au sein du gouvernement avant de le soumettre au vote du Parlement. Pour la CMR, il ne reste plus que trois ans (2015-2017) pour mener la réforme de manière volontaire. Passé ce délai, elle sera obligée d'imposer à ses adhérents une augmentation des taux de cotisation. Pourrait-on retarder la réforme des retraites ? La réponse du gouvernement est catégorique : «Non, la réforme est à la fois nécessaire et urgente». Voilà ce qui ressort d'un document officiel rendu public en fin de semaine dernière. Intitulé «La réforme du régime civil des retraites : approche préliminaire», l'Exécutif dirigé par Abdelilah Benkirane y met toute sa force de conviction, chiffres et simulations alarmantes à l'appui, le tout enveloppé d'un style didactique et accessible. Le ton est donné dès le départ. La crise a frappé l'ensemble des régimes, mais celui de la Caisse marocaine des retraites (CMR) se trouve déjà au bord de l'asphyxie. Ses recettes ne suffisent désormais plus à honorer ses engagements, d'où un déficit estimé à 750 millions de DH en 2014, puis à 2,8 milliards de DH en 2015. En effet, si rien n'est fait pour rétablir l'équilibre, le déficit de la CMR devrait atteindre 135 milliards de DH à l'horizon 2023. Pour colmater les brèches, la Caisse a dû, cette année, puiser dans ses réserves, sauf que celles-ci (environ 80 milliards de DH), à défaut d'une réforme, risquent de s'effriter jusqu'à l'épuisement d'ici à 2022. Cela dit, le document gouvernemental nous rappelle un petit détail réglementaire qui a toute son importance. Il ne reste plus que trois ans (2015-2017) pour mener la réforme de manière volontaire. Dès 2018 par contre, les réserves serviront à régler l'équivalent de deux années de pensions seulement et, par conséquent, la CMR tomberait sous le coup d'une circulaire datant de 1996 qui l'autorise à imposer à ses adhérents une augmentation des taux de cotisation. 10 ans de retard ! Après avoir passé en revue les causes de la crise, en lien avec la dégradation de l'équilibre démographique des régimes de retraite, ainsi qu'avec le mode généreux de calcul des pensions, le gouvernement revient sur le retard de 10 ans qu'accuse le traitement de ce dossier. Depuis que l'Etat, du temps du gouvernement Jettou (2004), a déboursé 11 milliards de DH d'arriérés conformément à un accord signé avec les syndicats, et ce dans le cadre de la Commission nationale chargée de la réforme des retraites. «Si la réforme avait été initiée il y a cinq ans, on aurait pu économiser 85 milliards de DH», peut-on lire dans ledit document. Ce dernier propulse la réforme au rang de «devoir national en faveur des fonctionnaires et des intérêts de l'économie marocaine». Le gouvernement Benkirane semble ainsi bien décidé à aller jusqu'au bout de sa démarche. Peu lui importe le coût budgétaire et électoral, «la réforme aura bien lieu et se ferait de manière progressive et solidaire, tout en préservant les droits acquis». L'Exécutif privilégie la voie combinant simultanément les trois fameux curseurs classiques : recul de l'âge de départ à la retraite, révision du mode de calcul de la pension, augmentation des taux de cotisation. La CMR, apprend-on de la même source, sera amenée à mettre à la disposition des fonctionnaires un système d'information leur permettant de simuler l'impact de la réforme sur leur retraite. Par ailleurs, le gouvernement rejette l'idée chère à certains syndicats d'une prolongation «volontaire» de l'âge de départ à la retraite. Le volontariat, argue-t-il, se traduirait par une contribution inégale entre les futurs retraités, alors qu'ils devraient bénéficier des mêmes droits. En revanche, la réforme devrait maintenir le droit d'accès à la retraite anticipée, de même qu'elle tiendrait compte des inégalités de traitement dues à la pénibilité de certains métiers.