En 2014 les prévisions en termes de prestations du régime atteindraient 16,8 MMDH, contre 16,2 MMDH de cotisations. Mohamed El Alaoui El Abdallaoui, directeur de la Caisse Marocaine des Retraites, revient en force sur la pomme de discorde avec les syndicats. Finances News Hebdo : Le RPC est-il devenu déficitaire en 2014 comme le prévoyait la Cour des comptes ? Si oui, de quel ordre est ce déficit ? Pouvez-vous nous donner une idée du niveau des prestations par rapport à celui des ressources pour l'année 2014 ? Mohamed El Alaoui El Abdallaoui : Comme l'avaient prédit toutes les études réalisées par la CMR ainsi que celle réalisée par la Cour des comptes en 2013, le déficit prévu pour l'année 2014 est effectivement constaté. Un déficit technique s'est opéré avec une première alerte fin 2013 (octobre et novembre) et de manière plus structurelle à partir de février 2014. Les déficits techniques constatés durant les 7 premiers mois de l'année en cours s'élèvent à 450 MDH. En 2014, les prévisions en termes de prestations du régime atteindraient 16,8 MMDH contre 16,2 MMDH de cotisations. F.N.H. : Le RPC a-t-il commencé à puiser dans ses réserves ? Dans quelles proportions ? M. E. A. E. A. : En 2014, le régime a commencé par retirer dans les produits générés par son fonds de réserve. Par la suite, suivra le capital constitué jusqu'à son extinction en 2022. En l'absence de la réforme, le niveau des réserves pourrait atteindre en 2019 le seuil minimum réglementaire fixé à deux fois la moyenne des 3 dernières années. Et à partir de l'année 2022, avec l'épuisement totale de la réserve, les cotisations ne suffiront plus pour payer la totalité des prestations d'où l'impératif pressant d'ajuster rapidement les paramètres du régime afin d'assurer pleinement la survie du service des prestations octroyées par ce régime et garantir la pérennité nécessaire à ses bénéficiaires pour cette décennie et celle à venir. F.N.H. : Quelles conséquences cela aura sur l'activité de l'investisseur institutionnel que vous êtes et sur l'économie de manière générale ? M. E. A. E. A. : Pour ce qui est de la gestion financière des cotisations des affiliés, l'univers d'investissement est fixé par la loi, et accompagné d'un arrêté qui en détermine les marges de risque. La CMR encadre l'investissement des réserves du RPC en harmonie avec les besoins futurs de liquidité. Aujourd'hui, le portefeuille est érigé de telle manière à disposer, au fur et à mesure, des disponibilités de liquidité pour faire face aux prestations. Vu l'horizon de viabilité actuel du régime, l'essentiel des investissements est porté par des placements en bons de Trésor, récupérables à une échéance donnée et offrant le plus faible risque en capital. Dans le même cadre, il faut préciser que la Caisse n'utilise pas pleinement les marges de manoeuvre offertes par le cadre législatif actuel. A signaler aussi qu'une augmentation de l'horizon de viabilité du RPC retardera les flux et les besoins de trésorerie et nécessitera de repenser la politique d'investissement de manière à garantir le meilleur rendement par rapport aux échéances en besoin de liquidité ainsi qu'une meilleure diversification de ces investissements. Il faut rappeler que jusqu'à cette année, le RPC a contribué positivement à la constitution de l'épargne nationale, et en absence de réforme, il contribuera négativement au besoin croissant de financement de notre pays. F.N.H. : Que vous inspire le débat, ou plutôt la confrontation, entre syndicats qui rejettent catégoriquement la réforme paramétrique et le gouvernement ? Quel message souhaitez-vous leur faire passer ? M. E. A. E. A. : Pour ce qui est des enjeux de la future réforme, il y a lieu de rappeler que le RPC est un régime par répartition basé sur la solidarité intra et inter générationnelle. Pour consolider cette solidarité, la réforme a pour objectif de s'adapter à l'évolution de l'environnement extérieur marquée par une amélioration continue de l'espérance de vie et des conditions de vie et d'une entrée de plus en plus tardive à la fonction publique. Concernant la consolidation de la situation financière du RPC, les paramètres de ce régime sont à réajuster dans les meilleurs délais, car la problématique n'est pas d'ordre uniquement financière mais intègre des aspects importants liés à l'équité et à la solidarité. Ceci nécessite un équilibrage dans le réajustement des paramètres du régime pour permettre une convergence vers la prochaine étape de la réforme systémique, celle du pôle public. Chaque année qui passe sans réforme alourdit davantage la dette cumulée du régime pour les générations actuelles et futures. Le fait de ne pas agir constitue en soi une incompréhension. Si on se comporte de manière réfléchie dans le cadre d'une vision globale, cela ne pourrait qu'être bénéfique à l'ensemble de la population. Il ne faut jamais perde de vue que la réforme paramétrique n'est que la première étape dans le projet de la réforme systémique des retraites au Maroc. Le RPC ne concerne finalement que 7% de la population active. L'objectif de la réforme globale vise à étendre la couverture vieillesse limitée actuellement à 37% de la population active. Il faut également rappeler les avantages de la réforme proposée. Cette dernière n'impacterait aucunement les retraités actuels et préserve la même méthode de calcul de la future prestation pour l'ensemble des années travaillées avant la date de cette réforme. Ce sont là des acquis incontestables, car sous d'autres cieux, les réformes entreprises n'intègrent pas ces avantages car la notion de «droit acquis» ne peut exister dans un système basé sur la répartition, donc sur la solidarité intra et inter générationnelle. Cette dernière est primordiale, et elle est incompatible avec une option de choix de l'âge de départ à la retraite car dans ces circonstances, on passerait d'un système solidaire à un système d'intérêt individuel. Cette réforme est nécessaire non seulement aux retraités actuels pour lesquels on pérennise un revenu dans l'immédiat et sur un moyen terme, mais également aux affiliés actuels, auxquels on maintient le calcul quant aux années travaillées avant la date de cette réforme. Sans oublier la facture que devrait supporter l'ensemble des Marocains, à travers l'impôt, en cas de déficit du régime. F.N.H. : Tout le monde s'accorde à dire, y compris la CMR, que la réforme paramétrique ne sera pas suffisante au-delà de 2021. Quelle est votre vision sur le long terme de la CMR pour assurer sa viabilité ? M. E. A. E. A. : Effectivement, le projet de réforme paramétrique du RPC proposé par le gouvernement n'est pas suffisant mais reste quand même nécessaire pour assurer la viabilité du régime à moyen terme. Cette réforme accordera au RPC un répit de 8 années supplémentaires et permettra de reporter la date du premier déficit du régime à 2022 et l'épuisement des réserves à 2031. Cependant, cette réforme n'est que la première étape de la réforme systémique actée par la Commission nationale le 30 janvier 2013. Notre vision ne pourrait en aucun cas différer de ce processus global de réforme systémique et dont la prochaine étape qui nous concerne est relative à la fusion du RPC et du RCAR, dans le cadre de la mise en place du pôle public.