Moulay Hafid Elalamy signe et persiste : le plan d'accélération industrielle, s'il a constitué par le passé un handicap, peut être désormais le vecteur de la relance. 500.000 emplois à l'horizon 2020, une enveloppe budgétaire de plus de 20 milliards. Le financement et le foncier ne constitueront plus l'obstacle au redéploiement et à la croissance. Dans le cadre de son cycle de conférences organisées pour ses adhérents et les opérateurs, la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc (CFCIM) a invité jeudi dernier Moulay Hafid Elalamy, ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique pour exposer le programme d'accélération du plan industriel du Maroc, présenté le mardi 2 avril dernier à Casablanca devant SM le Roi. La salle qui a abrité la conférence affichait complet, et témoignait de l'intérêt grandissant d'un public diversifié, venu assister à la performance du ministre. Parmi eux, beaucoup de représentants des groupes français, investisseurs et industriels. Près de trois mois donc après la prestation devant le Chef de l'Etat, Moulay Hafid Elalamy s'est employé à apporter les éclairages supplémentaires et annoncer deux chiffres majeurs : la mobilisation de 3 milliards de dirhams par an jusqu'à 2020, date censée marquer le plan industriel, et 500.000 emplois à terme, soit 100.000 pour commencer. Cette vision ambitieuse s'articule en six axes, appelés écosystèmes, inspirés de la Chine, dont le ministre, tout au long de son exposé, n'a cessé de louer les vertus. Ce qu'on appelle «l'usine du monde», avec son territoire gigantesque, sa population de 1,4 milliard d'habitants, ses ressources, ses ambitions stratégiques et ses problèmes a développé le programme des écosystèmes qui est à son économie ce que les pions sont au jeu, ou les pièces intégrées au puzzle. Pourquoi la Chine a-t-elle choisi le principe des écosystèmes ? A cette question, le ministre de l'Industrie et du Commerce s'est efforcé autant que faire se peut à apporter des réponses pédagogiques. Il a rappelé que le gouvernement chinois a pris la décision courageuse d'augmenter le salaire minimum (notre SMIG), désormais fixé à 500 dollars, alors qu'au Maroc il est figé à 3.000 dirhams. Il s'agit en l'occurrence de renforcer le pouvoir d'achat des citoyens et donc la consommation intérieure, véritable accélérateur à l'effet d'entraînement des activités économiques et de la production. Plus encore : «Dans le cadre de son plan quinquennal, la Chine, souligne le ministre, augmentera les salaires de 13% par an et, dans la foulée, «exportera» pas moins de 85.000 citoyens chinois dans les quatre coins du monde, parmi eux des industriels, des investisseurs, des chefs d'entreprises pour implanter et suivre des projets «chinois» à forte valeur ajoutée... Beaucoup d'entre eux souhaitent délocaliser leurs activités au Maroc et nourrissent à l'égard de notre pays des préjugés favorables. D'où ce fervent souhait lancé à l'endroit de son auditoire : «Je ne vous cache pas que je vise le petit 1% de ces 85 millions de Chinois...», et rappelant enfin que la deuxième entreprise employeuse au Maroc est japonaise, donc de l'Asie, avec 16.000 emplois. On aura deviné qu'il s'agit de Mitsubishi. Les vertus des écosystèmes L'écosystème a donné, selon Moulay Hafid Elalamy, ses bons résultats dans un grand pays, il n'y a pas de raison pour qu'il n'en fasse pas autant au Maroc où l'Etat met désormais l'accent sur cette nouvelle conception du développement. Le privilège d'ouvrir le cycle des écosystèmes revient donc au groupe OCP qui met sur le plateau le montant de 50 Mds de dirhams pour les années à venir. Trois écosystèmes seront mis en place : le premier à Khouribga où l'essentiel de l'activité minière du groupe est concentré. Il donnera lieu à une réorganisation en termes d'exploitation et d'infrastructures de pointe. Les industries ayant un rapport de complémentarité avec la chimie, la maintenance et la construction transiteront par Jorf Lasfar, tandis que la ville de Benguérir, promue en 2013 cité du savoir et de la culture avec l'Université polytechnique verte Mohammed VI, abritera l'écosystème de la science et du savoir, avec un programme interdisciplinaire de recherche et de développement. Ce premier cluster sera suivi par un autre regroupant les industries textiles. Il sera lancé en partenariat avec l'AMITH, programmé pour donner un nouveau souffle au secteur sinistré, avec à la clé la création à terme de pas moins de 100.000 emplois. L'écosystème prévu pour le textile s'articulera, quant à lui, sur six modèles de développement, a souligné le ministre, qui mettront notre industrie en position de compétitivité. «Notre objectif est de créer des écosystèmes performants dans différentes filières pour accélérer notre programme industriel», a-t-il lancé. Et de rappeler qu'en Tunisie, le système a bien pris pied, puisque les «écosystèmes» tunisiens créés il y a déjà un moment, regroupent diverses activités et sous-traitent pour le compte de groupes internationaux dans l'aéronautique notamment. Dans sa démonstration, le ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Economie numérique n'a pas sacrifié au «plaidoyer pro domo», il a largement reconnu que le succès d'accélération du plan industriel 2014-2020 est aussi tributaire de deux problèmes incontournables, le foncier et le financement qui pendent au nez de bon nombre d'opérateurs. Les 21 milliards de dirhams–arrondis à 20 milliards-, mobilisés à l'horizon 2020 pallieront le financement et constitueront en principe une force de frappe, plus qu'un ballon d'oxygène. Le problème du foncier, pour sa part, trouve un début de solution dans le plan consistant à mettre à disposition 1.000 hectares prévus et, le ministre joignant l'acte à la parole, quelque 80 hectares sont d'ores et déjà prêts dans le périmètre de Settat et de Berrechid. Ici, la coopération entre ministère de l'Industrie et la CFCIM est plus qu'exemplaire, car Settat exploite déjà le parc baptisé Settapark sur 19 hectares. L'offre qui est faite aux industriels potentiels est alléchante, selon le ministre, soit 5 à 6 dirhams par mois le mètre carré, hors TVA. Il est prévu d'accueillir quelque 85 unités industrielles, de quoi réjouir les autorités marocaines et ouvrir des perspectives pour beaucoup d'autres. Il convient de rappeler que dans le même souci, une décision commune entre ministère de l'Industrie et celui des Habous a été prise pour libérer 143 hectares situés à Médiouna Combattre l'informel par la persuasion Moulay Hafid Elalamy, tout à sa verve combative, s'est pourtant montré pédagogue quand la question lui a été posée sur l'informel et ses ravages sur l'économie. Evoquant l'année 1994-1995, de sinistre mémoire, il a dit que la fameuse campagne d'assainissement lancée à cette époque pour enrayer l'informel, a été marquée par de piètres résultats. «Il s'agit pour nous aujourd'hui d'accompagner ce pan de l'économie et non de le combattre par la violence. Des expériences test sont en cours à Rabat pour formaliser l'informel et convaincre leurs tenants de s'inscrire dans notre démarche et notre culture...».