Alors que les exportations marocaines en direction de l'Afrique subsaharienne ont crû de 70% durant la période 2009-2013, celles de la filière des agrumes a, en revanche, enregistré une baisse de 30%. 80.000 tonnes d'agrumes sont exportées par voie informelle en Afrique subsaharienne, échappant ainsi à tout contrôle. L'Ascam vise à atteindre 20% des exportations en direction de ce marché, soit 100.000 tonnes. Avec l'adoption des «actes délégués entrant dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune» (PAC) par le Conseil de l'Union européenne Agriculture et Pêche, l'étau de resserre sur les exportations marocaines des fruits et légumes. Pour les producteurs marocains, la nouvelle est tombée comme un couperet. Il faut dire que le marché européen est très exigeant et risque de changer les règles du jeu à tout moment. Malheureusement, avec une balance commerciale déficitaire établie à 84.940 MDH à fin mai 2014, le Maroc ne peut plus supporter une quelconque baisse des exportations. Cette réforme qui stipule la révision des prix d'accès et de dédouanement des fruits et légumes en provenance de pays tiers, et qui entre en vigueur en octobre prochain, ne fait que conforter la nécessité de diversifier les marchés à l'export. C'est désormais une obligation plutôt qu'un choix pour diminuer tant soit peu l'aggravation du déficit commercial. L'Afrique, nouvel eldorado... C'est le cas de la filière des agrumes qui se mobilise pour mettre en place un nouveau plan d'action pour aller à la conquête du marché de l'Afrique subsaharienne. Un grand marché de 910 millions d'habitants, soit 80% de la population totale de l'Afrique et un taux de croissance entre 5 et 7%. L'Association des conditionneurs d'agrumes du Maroc (Ascam) a récemment organisé une journée d'étude à laquelle ont pris part les différents acteurs du secteur. Le but étant de dresser un état des lieux des échanges commerciaux entre le Maroc et les pays de l'Afrique subsaharienne et examiner les perspectives de la demande d'agrumes frais sur ce marché. Le bilan est plutôt négatif pour la filière. En effet, malgré la croissance de 70% des exportations marocaines en direction de l'Afrique subsaharienne en quatre ans, passant de 9.425 tonnes en 2009 à 16.082 en 2013, la filière des agrumes a enregistré une baisse de 30%, passant de 2.126 tonnes en 2009, à 1.468 tonnes en 2013. Force est de constater que le marché européen continue d'être le principal destinataire de nos agrumes, soit 85 % des exportations, 12% pour l'Amérique et seulement 3% pour l'Afrique subsaharienne, malgré l'existence d'un fort potentiel d'expansion de la demande sur ce marché. Selon Khalid Bounajma, Secrétaire général de l'Ascam, ce constat est imputé à la prépondérance de l'informel. Cette concurrence déloyale exporte aujourd'hui 80.000 tonnes d'agrumes de façon informelle vers le Mali, le Sénégal et la Mauritanie, échappant ainsi à tout contrôle fiscal, douanier, sanitaire... Un manque à gagner aussi bien pour l'Etat que pour les exportateurs marocains, mais aussi une dégradation de l'image du produit marocain. «Conquérir le marché africain est aujourd'hui une évidence pour le développement de la filière des agrumes au Maroc. Or, en l'absence d'une stratégie claire visant la structuration de la filière, l'informel continuera de générer de grandes marges bénéficiaires au détriment du secteur formel», constate Khalid Bounajma. Il faut dire que le produit marocain a toutes les chances de s'imposer sur ce marché puisqu'il n'est pas concurrencé. Là où ça bloque Outre l'informel, d'autres handicaps notamment institutionnels, commerciaux, logistiques et juridiques freinent l'essor de cette filière. L'inapplication des accords bilatéraux signés avec certains pays, le manque d'infrastructures de transport inter-Etat adéquates, les taux élevés des droits de douane, la lourdeur des procédures administratives..., constituent autant d'obstacles que l'Ascam dénonce fortement aujourd'hui. «Les exportateurs font également face à un frein important relatif aux transactions financières puisque la législation de la plupart des pays n'autorise pas le versement de fonds chez les banques marocaines implantées dans la région», souligne le Secrétaire général de l'Ascam. Aujourd'hui, l'Association appelle à la mobilisation des autorités concernées (Office des Changes, douanes, ministères concernés, Maroc Export...) pour dynamiser les exportations marocaines vers cette région. L'objectif d'une nouvelle feuille de route est aussi d'élargir le calendrier des exportations actuellement réduit à quelques mois de l'année et focalisées sur la destination européenne. A l'issue de cette rencontre, une commission de pilotage a été créée pour faire le suivi du plan d'action décidé conjointement avec les différents partenaires. «Nous visons à atteindre 20% des exportations en direction de l'Afrique subsaharienne, soit 100.000 tonnes», conclut Imad Chentouf, membre de la nouvelle commission. Le secteur agrumicole en chiffres Le Maroc produit en moyenne 1,3 million de tonnes d'agrumes chaque année. 530.000 tonnes sont réservées à l'export, ce qui représente un volume de près de 3 milliards de dirhams. Selon l'ASCAM, on prévoit de dépasser les 2 millions de tonnes de production à partir de la campagne 2013-2014. Le secteur contribue à la création de 21 millions jours de travail par an, d'après le ministère de tutelle qui recense 13.000 producteurs d'agrumes exploitant une superficie globale de 92.000 hectares. La même source fait savoir que moins de la moitié (47%) des exploitations nationales sont équipées en système d'irrigation. Les principales régions de production sont Souss-Massa (38%), Gharb-Loukkos (20%), Moulouya (17%), Tadla (14%) et El Haouz (6%). Les principales variétés des agrumes marocaines sont la clémentine (39%), Maroc late (29%), Navel (22%), Oranges demi-saison (5%) ainsi que d'autres variétés.