La ville ocre est pendant quelques jours la capitale mondiale de la libre concurrence. Elle accueille en effet depuis le 22 avril la conférence annuelle du Réseau international de la concurrence sous le thème : «Des marchés intérieurs compétitifs : une base pour stimuler le commerce et la compétitivité». Selon la Banque mondiale, de nombreux pays en développement ignorent encore les bénéfices d'un marché réellement concurrentiel, se privant ainsi de sérieuses retombées en matière de croissance de développement et de réduction de la pauvreté. Un constat que la Banque déplore, et qu'elle s'efforce de combattre par la promotion de la libre concurrence à travers le monde et par l'assistance aux gouvernements désireux de se lancer dans des réformes allant dans ce sens. Alors que jusque-là, c'était la Banque de Bretton Woods qui nous a habitué à se faire le chantre de la libéralisation, de l'ouverture des marchés et des frontières, et de la déréglementation sous toutes ses formes, portées ou non par des arrières-pensées idéologiques que beaucoup ont critiquées ou en ont questionné la pertinence. Toujours est-il que la conférence annuelle du Réseau international de la concurrence a tenu ses débats cette année à Marrakech, avec la participation des organismes de concurrence régionaux et nationaux, dont le Conseil de la concurrence du Maroc (CCM), principal organisateur, représenté par son président Abdelali Benamour. A noter que le Maroc est le premier pays arabe et africain à accueillir cet important évènement. L'objectif de cette rencontre est de favoriser un partage d'expériences sur les effets positifs d'une concurrence accrue du marché sur la productivité et la croissance. C'est également un plaidoyer qui vise à sensibiliser les gouvernements sur les impacts négatifs en termes économique et social d'un manque de concurrence, et sur la nécessité d'implémenter des réformes pour abandonner les réglementations anticoncurrentielles. L'argument en faveur de ces réformes est de taille, car comme le dit un expert, «éliminer les lois anticoncurrentielles dans des secteurs clés pourrait accroitre les exportations d'un pays à hauteur de 30% et engendrer une hausse du PIB de l'ordre de 0,4%». Un saut quantitatif et qualitatif que les pays émergents, dont le Maroc, auraient tort de s'en passer. Depuis les années 2000, le Maroc a procédé à une ouverture sans précédent de son économie, par le biais de différentes législations. L'objectif de cette ouverture est d'instaurer les bases d'une économie de marché saine et concurrentielle. Les privatisations qui ont été mises en oeuvre, l'ouverture de nombreux secteurs comme celui des télécommunications, ainsi que la mise à niveau du cadre légal et réglementaire des affaires, ont été autant d'étapes importantes vers une économie basée sur un environnement positif des affaires à même d'attirer les investisseurs et de s'inscrire dans un cycle de croissance durable. Néanmoins, en dépit de ces efforts de libéralisation, de nombreux secteurs de l'économie nationale pâtissent encore de l'absence de concurrence loyale et de certaines positions oligopolistiques entretenues par certains grands groupes, au détriment du consommateur qui en paie le prix fort. Selon la Banque mondiale, cet état de fait «impacte fortement la compétitivité du Maroc et les stratégies sectorielles dans la mesure où se sont créées des situations de rente qui empêchent l'émergence d'entreprises innovantes et créatrices de valeurs». Une des solutions envisagées a été le lancement par le gouvernement en 2013 de la réforme de la loi sur la liberté des prix et la concurrence (loi 06-99) qui avait besoin d'un sérieux lifting, dans le sillage de la Constitution de 2011. Cette réforme vise à octroyer au CCM davantage de prérogatives, comme la capacité de mener des enquêtes et de prononcer des sanctions à l'égard des pratiques anticoncurrentielles et déloyales et des concentrations économiques. Cette réforme doit également garantir au CCM plus d'indépendance et le pouvoir de prendre des décisions, alors qu'auparavant son rôle était strictement consultatif. Fort de ces nouveaux pouvoirs, le CCM va pouvoir jouer totalement son rôle de régulateur et de gendarme, mettre en place les saines pratiques concurrentielles, et s'attaquer aux oligopoles, même s'il aura fort à faire avec les différents lobbies. Signalons que, selon le département du climat d'investissement du groupe de la Banque mondiale, «le Maroc a joué un rôle essentiel dans les résultats du forum de l'année dernière» (organisé à Varsovie), puisqu'il a pu partager ses expériences de réforme du secteur du transport aérien. «Grâce à cet échange, un expert marocain du CCM s'est rendu en Arménie pour informer le processus de réforme de la politique de l'aviation marocaine». Le Maroc, en accueillant cette manifestation internationale, où près de 120 pays sont représentés, démontre sa volonté de s'inscrire davantage dans un processus de modernisation de ses fondamentaux économiques et de développer pleinement son marché domestique, en garantissant un jeu équitable pour toutes les entreprises. L'objectif a moyen et long terme est l'élimination pure et simple de toutes les barrières à la concurrence, pour assurer à la fois compétitivité et croissance. La partie n'est pas gagnée d'avance, tant certaines pesanteurs ainsi que quelques pratiques sont bien ancrées dans notre paysage économique.