Ahmed Lahlimi Alami a profité de la journée «Portes ouvertes» du Haut commissariat au plan (HCP) pour répondre à ses détracteurs. Il s'est livré à un difficile exercice d'équilibriste, cherchant à la fois à désamorcer la polémique, en dédramatisant la guerre des chiffres, et à défendre vigoureusement son «intégrité morale et son indépendance». C'est un Lahlimi fatigué, selon son propre aveu, qui s'est présenté à la tribune du HCP, à l'occasion de la journée «Portes ouvertes», organisée récemment par son département. Visiblement ébranlé par les tirs nourris en provenance de certains membres du gouvernement à son égard, il a justifié ses chiffres et sa méthode d'une voix basse, posée, cherchant d'emblée à dédramatiser la situation. S'il reste droit dans ses bottes concernant la qualité et la fiabilité de ses prévisions, tout juste concède-t-il un manque de pédagogie de sa part, qui aurait peut-être permis d'éviter une polémique montée en neige par des médias friands de ce genre de controverse. Revenant sur les écarts constatés entre ses chiffres et ceux du ministère de l'Economie et des Finances, il les juge minimes. Il affirme que ces écarts ne constituent «ni un tremblement de terre, ni une catastrophe» et ne doivent pas êtres utilisés à des fins politiciennes. À l'opinion publique qui suit avec intérêt cette séquence de la vie politique marocaine, il assure n'avoir «aucun problème avec le gouvernement» et «entretenir de très bons rapports avec Abdelilah Benkirane». Il ajoute qu'il souhaite «la réussite» de ce dernier, avant de lancer malicieusement que «c'est le gouvernement du Maroc et non du PJD». Ce ton conciliant a laissé place à l'indignation, lorsqu'il s'est agi de défendre son intégrité morale. Tapant du poing sur la table, il juge que «c'est son devoir de garantir l'indépendance de l'institution HCP» comme «le discours du Roi le précise», s'affranchissant ainsi des arrières-pensées politiques. À ceux qui lui reprochent son rang de ministre, il rétorque que le Haut commissaire au plan possède ce statut «non par confort, mais comme gage d'indépendance». Il termine sa diatribe en clamant: «notre mission ne changera jamais, et nous allons la continuer». Cette phrase résonne comme une ultime bravade, lancée à ceux qui réclament son départ, ou du moins la mise sous tutelle de son département. Concernant l'économie marocaine, il la juge «en bonne santé, musclée, avec des acquis importants» mais, selon lui, des réformes structurelles sont nécessaires «pour régler les problèmes macro-économiques qui freinent son évolution». Il conclut en évoquant un défi autrement plus crucial que cette guerre des chiffres: le recensement général de la population et de l'habitat en 2014, appelant «toutes les familles à ouvrir leurs portes aux enquêteurs». Enfin, en marge de la journée «Portes ouvertes», il s'est brièvement confié à notre journal, adressant un message aux décideurs et aux chefs d'entreprises : «qu'ils aient confiance en leur pays, qu'ils aient confiance en leurs institutions, qu'ils aient confiance dans les travaux du HCP qui sont au même niveau d'exigences que ceux des pays développés». Il se dit aussi persuadé que les entreprises «ne donnent pas autant d'importance aux taux de croissance, car ce n'est pas le seul chiffre que nous produisons. Nous présentons également les chiffres relatifs à l'investissement, la consommation, le financement, et soyez sûrs que les entreprises tiennent compte de ces données pour ajuster leur activité».