Le ministère de l'Economie et des Finances, Bank Al-Maghrib, le Haut-commissariat au plan et le Centre marocain de conjoncture : voilà autant d'institutions qui produisent des statistiques relatives à l'économie nationale. Incontestablement, elles restent une source d'information précieuse pour les opérateurs économiques, les bailleurs de fonds et investisseurs internationaux, mais également pour la presse nationale et internationale. Mais en ce qu'elles présentent des écarts parfois significatifs, les prévisions économiques établies par ces institutions sont souvent l'objet de critiques, voire créent de vives polémiques. Et, aujourd'hui, plus que jamais, les chiffres relatifs à la croissance divisent. Dans ce jeu des chiffres, le gouvernement n'aime visiblement pas être contrarié. C'est effectivement le sens qu'il faut donner à la sortie au vitriol du ministre des Affaires générales et de la Gouvernance, Mohamed El Ouafa, contre le Haut-commissaire au plan, Ahmed Lahlimi. Invité de la radio Aswat, il a qualifié de «faux» les chiffres du HCP, allant jusqu'à remettre en cause la légitimité des statistiques produites par cet établissement qui, selon lui, «s'attaque à l'image du pays». A en croire El Ouafa, seules les prévisions du gouvernement, par la voix du ministère de l'Economie et des Finances, font foi dans ce pays. C'est quand même gros comme affirmation. Surtout que, justement, et c'est connu, en matière de prévisions, le gouvernement a toujours fait preuve d'un certain excès d'optimisme qui agace les économistes et les observateurs de la scène économique nationale. De plus, est-il sensé de croire que le HCP œuvre contre les intérêts de la nation ? Nommé par le Roi, Lahlimi, qui a rang de ministre, peut-il agir contre les intérêts du Maroc ? Faut-il remettre en cause la légitimité d'une structure qui se conforme dans ses statistiques et ses études aux normes internationales et est admise depuis 2005 à la Norme spéciale de la diffusion des données du Fonds monétaire international ? Le ministère des Finances est-il le seul habilité à établir des prévisions économiques ? Quid de Bank Al-Maghrib ? Aujourd'hui, ce qui, à l'évidence, semble déranger le gouvernement, c'est que le HCP est une «institution jouissant d'une indépendance institutionnelle et intellectuelle dans l'établissement de ses programmes et la conduite de ses travaux d'enquêtes et d'études». Loin des considérations politiques, ses prévisions en termes de déficit budgétaire et de croissance, souvent en décalage par rapport à celles du ministère des Finances, irritent forcément le gouvernement dont l'action et les orientations économiques sont déjà largement critiquées. Encore faut-il préciser qu'en termes de prévisions, la guerre des chiffres a toujours existé au Maroc où la bonne ou mauvaise campagne agricole est globalement le fil conducteur retenu par les conjoncturistes pour établir leurs scénarios de croissance, à côté bien évidemment d'autres facteurs (endogènes et exogènes) et hypothèses dont l'impact sur l'économie nationale est appréhendé de manière assez différente d'une instance à une autre. En tout cas, la sortie virulente d'El Ouafa renseigne sur la sensibilité de ce sujet. Mais la meilleure réponse aurait été, peut-être, d'attendre encore quelques mois et de confronter les chiffres réels. Croyez-moi, au sein de Finances News Hebdo, nous le ferons. NB : Le HCP organise aujourd'hui une journée «Portes ouvertes». Le but est de débattre des concepts, méthodologies et outils d'analyse utilisés dans les domaines de prévision de la conjoncture et des analyses économiques.