2014 sera l'année du renouveau pour la place financière de Casablanca. En effet, la Direction du Trésor et des finances extérieures (DTEF) et la Bourse de Casablanca travaillent main dans la main pour mener à son terme une série de réformes afin de donner un nouveau souffle au marché financier. Le but est de doter Casablanca Finance City (CFC) des moyens de son ambition : devenir un hub financier de référence pour l'Afrique. Depuis une vingtaine d'années, le Maroc a entrepris tant bien que mal une série de réformes structurelles afin de mener son économie et son système financier aux standards internationaux. L'ambition avouée est de positionner «la place Maroc» en tant que hub financier de portée régionale et internationale : vers l'Europe, la région MENA, et surtout l'Afrique subsaharienne en plein boom économique. C'est dans cette optique que le projet CFC a vu le jour. La rencontre initiée par par la Chambre de commerce britannique a été l'occasion de faire le point sur la situation. Les dérivés arrivent Le Maroc s'est doté d'infrastructures modernes, d'un cadre législatif et réglementaire solide, et d'une offre de services différenciée afin d'attirer les investisseurs étrangers. C'est le message qu'a tenu à communiquer Nouaman Al Aissami, chargé du pôle financier DTEF. Il estime que les réformes entamées dans les années 90 ont permis de mettre en place un marché de capitaux fiable et «aligné sur les standards internationaux en matière de supervision et de réglementation». Aujourd'hui, face aux besoins grandissants du marché, et l'évolution rapide des normes internationales, ce train de réformes doit être accéléré pour consolider un secteur financier marocain arrivé, selon lui, à «maturité». Ces réformes concernent en premier lieu l'approfondissement du rôle du marché de capitaux grâce à une nouvelle génération d'instruments financiers (Futures sur taux et Futures sur indice), et la titrisation des actifs. La loi sortira courant 2014, mais sans qu'aucune date ne soit avancée. Une telle innovation implique donc la création d'une chambre de compensation à la BVC pour les marchés à terme. Cela implique également la mise en place d'un dispositif de veille prudentielle pour la gestion des risques systémiques liés à ces nouveaux produits. La Bourse prépare sa mue La DTEF, qui pilote ces réformes, planche également sur le nouveau schéma du marché boursier qui doit aboutir à une démutualisation de la Bourse. La loi en cours de discussion a pour dessein de donner plus de latitude à la BVC pour lui laisser la possibilité de créer de nouveaux compartiments, comme un marché de la PME, prévu pour fin 2014. A terme, la BVC souhaite pouvoir lancer de nouveaux produits sans passer par la loi (processus lent) mais par des réglementations, lui conférant plus de flexibilité pour gérer le flottant. De manière générale, le ministère de l'Economie et des Finances jouera à l'avenir un rôle plus stratégique qu'opérationnel, garantissant plus d'indépendance pour les autorités de supervision. Karim Hajji, Directeur général de la BVC, se félicite de ces avancées, et déclare que «la Bourse de Casablanca n'a pas à rougir», la qualifiant de «fiable, efficace et sécurisée». Pour autant, il n'occulte pas certains points noirs. Le premier d'entre eux est évidemment la liquidité, qu'il nomme «le talon d'Achille» de la Bourse. Avec 15% de flottant seulement, elle arrive loin derrière celle d'un pays comme l'Egypte qui enregistre un flottant de 45%. La solution, selon K. Hajji, réside dans le prêt/emprunt de titres, qu'il voit comme «le pilier du développement de nouveaux outils de la BVC» (les titres qui n'ont pas vocation à être cédés peuvent être prêtés). La loi étant passée au Parlement, il espère voir cette activité démarrer dès cette année. Le deuxième point noir soulevé concerne la contribution de la BVC dans le financement de l'économie. En effet, ce rôle reste marginal, puisque les émissions contre espèces des sociétés cotées ne représentent que 3,4% de la formation brute du capital fixe (FBCF), le gros des investissements étant assurés par les crédits bancaires. Ces lacunes ont valu au Maroc d'être rétrogradé dans l'indice des Frontier Market. Un mal pour un bien pour Hajji car cela donnera plus de visibilité à la BVC (8 sociétés cotées et un poids de plus de 6% dans la composition de l'indice, contre seulement un poids de 0,08% et 3 valeurs lorsque le Maroc faisait partie de l'indice Emerging Market). Toutes ces transformations doivent permettre au CFC de bénéficier d'un socle réglementaire solide, pour en faire une place financière internationale compétitive, à vocation africaine. Le Nord-Ouest de l'Afrique, c'est 530 millions d'habitants, un PIB proche de celui de l'Indonésie, des besoins en infrastructures estimés à plus de 500 milliards de dollars US, une croissance de plus de 5% par an. C'est également «une région qui manque d'une place financière d'envergure, il y a donc une opportunité à saisir», selon Lamia Merzouki, directeur stratégie au Moroccan Financial Board. Elle estime que toutes les conditions sont réunies pour faire de CFC une plateforme multimétier dédiée à l'Afrique, au cœur d'un «écosystème intégré». L'optimisme est donc de mise, mais il n'est pas forcément partagé par tout le monde. Certains participants à la conférence ont, en effet, déploré le décalage entre la lenteur du législateur et la rapidité avec laquelle les marchés évoluent, reprenant à leur compte l'expression : «on est toujours en retard d'une gare»...