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Rapport sur le «modèle de développement»: Des questions fondamentales mises de côté, consolidation de la centralité de l'exécutif réel, persistance de la non-redevabilité !
Propositions et recommandations • La boussole s'oriente vers la déresponsabilisation de l'élaboration et la mise en œuvre des politiques publiques ! Le rapport avance que le «nouveau» modèle proposé se décline en trois composantes qui forment un système cohérent et intégré : i) Une ambition qui définit le cap, donne la direction et mobilise tous les acteurs; ii) Un référentiel de développement fondé sur une nouvelle doctrine organisationnelle autour du rôle de l'Etat. Ce référentiel inclut également un dispositif de pilotage et de conduite du changement; iii) Des choix et des orientations stratégiques pour atteindre l'ambition nationale. Dans ce cadre, cinq objectifs de développement sont retenus : assurer la prospérité, la capacitation (empowerment), l'inclusion, la durabilité, et le leadership régional dans des domaines ciblés. Plus précisément, le rapport de la commission nous rassure que dorénavant, nous serons dans un Maroc des compétences, où tous les citoyens disposent des capacités et jouissent du bien-être ce qui leur permettrait «de prendre en main leur projet de vie et de contribuer à la création de valeur». Bien évidemment, le capital humain est estimé constituer le moteur de la dynamique de développement, d'inclusion et de réactivation de l'ascenseur social (qui est en panne actuellement selon l'appréciation du rapport). L'inclusion promise offrirait, de son côté, des opportunités et une protection à tous avec une consolidation du social. L'objectif de l'inclusion devrait intégrer et s'intéresser à 25% de la population, jugée une «aubaine démographique du pays et adultes de demain». Pour l'anecdote, en 2016-17, le Maroc disposait d'une stratégie intégrée pour sa jeunesse qui a demandé beaucoup de temps, de moyens et de concertation pour être finalisée. Sa mise en place à peine entamée, qu'un discours officiel demande l'élaboration d'une nouvelle stratégie pour les jeunes. Comment peut-on ignorer que les politiques de la jeunesse (différentes formulations et rapports n'ont pas été mis en œuvre) et continuer à demander de manière répétée la même chose sans avancer une explication de l'absence de concrétisation. • Situation et ambition du projet du modèle de développement En ce qui concerne l'économie productive, diversifiée, créatrice de valeur ajoutée et d'emplois de qualité, l'ambition du modèle de développement est d'accélérer la croissance pour atteindre un rythme moyen annuel supérieur à 6%. En conséquence, il est supposé que le PIB par habitant sera doublé à l'horizon 2035, malgré l'impact de la covid-19 dramatique pour l'ensemble de l'économie et en particulier pour certains secteurs comme le tourisme. Avec les 5 objectifs retenus, le Maroc est supposé devenir prospère et en mesure de créer des richesses et des emplois de qualité à la hauteur de son potentiel. Espérons que le rêve se transforme en réalité, mais il est difficile d'oublier que cette promesse a été faite et programmée depuis très longtemps. Pour concrétiser les ambitions du modèle de développement, le Maroc est invité à relever aussi cinq défis d'avenir qui sont de : i) Devenir une nation numérique, où le potentiel transformationnel des technologies numériques est pleinement mobilisé; ii) S'ériger en hub régional de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation; iii) Devenir le champion régional de l'énergie à bas carbone; iv) Acquérir le statut de pôle financier régional de référence; v) Faire du Made in Morocco un marqueur de qualité, de compétitivité, etc. Le rapport indique que la réflexion sur le référentiel de développement interpelle le rôle et les missions de l'Etat, son organisation et son interaction avec les autres acteurs. Cependant, dans les faits tous les aspects fondamentaux et constitutionnels sont mis de côté et considérés comme des dogmes. Ce qui est paradoxal, c'est que la commission affirme en même temps que le fonctionnement traditionnel et central de l'Etat n'est plus approprié au niveau du contexte national et international marqué notamment par l'incertitude et l'interdépendance. La commission propose-t-elle une nouvelle doctrine organisationnelle comme elle l'affirme, celle de la complémentarité entre un «Etat fort et une société forte» ? Quelles sont les chances de la continuité d'un Etat «sécuritaire» pas forcément fort qui poursuit et consolide sa tutelle sur les citoyens et les institutions ? Apparemment, la commission ne fréquente pas la société civile, ni les réseaux sociaux et n'a aucun contact avec des personnes qui s'appellent, à titre d'exemple, Maâti Mounjib, Souleiman Raissouni, Omar Radi, T. Bouachrine, Nacer Zefzafi, etc. La liste est très longue. Peut-on porter de la vision du développement – en toute neutralité –, garantir l'équilibre et la justice quand on est dans une posture aussi hostile à une grande majorité de la population, ceux qui refusent de porter les lunettes du Maroc officiel, exclusivement en rose ! Le développement est économique, social, culturel…L'innovation et l'épanouissement du capital humain ne peuvent éclore sous la mise sous tutelle absolue et l'imposition des tabous y compris à la pensée. Quelles sont les chances et les conditions pour qu'un pays qui s'appuie sur le sécuritaire et le contrôle (économie de rente oblige), puisse se transformer en Etat stratège, mobilisateur et protecteur ? Le rapport ne fournit pas d'indications, et surtout il ignore des comportements autoritaires de l'Etat. Quatre axes principaux de transformation ont été sélectionnés. Il est dit qu'ils devraient être conduits selon les principes et approches promus par le référentiel de développement et la doctrine organisationnelle. Ainsi, l'économie est appelée à évoluer «d'une économie à faible valeur ajoutée et à basse productivité, avec des niches rentières et protégées, à une économie diversifiée et compétitive». Le capital humain doit être renforcé, ce qui suppose la mise en route de réformes essentielles et urgentes, des systèmes de santé, d'éducation et d'enseignement supérieur et professionnel. Le troisième axe de transformation aborde l'inclusion et vise la participation de toutes et de tous, à la dynamique nationale de développement. Enfin, la politique des territoires – rénovée – est considérée par le quatrième axe de transformation. Les incitations sont généralement orientées et captées par les rentiers qui se trouvent au cœur du système politique Dans le sens de mettre en place des bases pour le «nouveau» modèle de développement, plusieurs propositions ont été avancées comme : consolider les organes de régulation déjà existants en leur garantissant leur indépendance, en privilégiant la probité et l'expertise dans les nominations de leurs structures de gestion, et améliorer l'accès à l'information et la gestion de conflits. En fait, ceci a été déjà dit et censé être appliqué depuis au moins la mise en place de l'instance centrale de prévention de la corruption (2007). Ce que le public a besoin de comprendre, ce sont les raisons qui se trouvent derrière le non-fonctionnement et l'inefficacité des institutions de régulation et de lutte contre la corruption. Si la commission ne s'était pas fixée des lignes rouges à ne franchir sous aucun prétexte, un examen attentif du fonctionnement des institutions aurait permis de mieux saisir les blocages et les raisons de l'inefficacité et le déficit structurel de gouvernance. Pour favoriser l'investissement dans des activités productives, il est suggéré de revoir le cadre incitatif. Et par ailleurs, d'utiliser la commande publique comme «levier stratégique de développement productif». Qu'est-ce qui garantirait que les investissements et la commande publique puissent changer d'être au service de la rente pour servir l'intérêt commun et l'économie productive ? Sans des réformes politiques sérieuses, il est très probable qu'on maintiendra au stade des vœux pieux. La commission invite les pouvoirs publics à mettre en place un service civique national pour renforcer la participation citoyenne et l'esprit de civisme des jeunes et consolider leurs compétences et leur employabilité. Le Maroc a connu une expérience du service civil, à très grande échelle. Elle a été abandonnée depuis longtemps pour différentes raisons (finances, utilité, etc.). Plus récemment, le service militaire a été instauré sans que qu'on puisse comprendre les raisons d'une décision pareille en dehors des circuits habituels de l'Etat. Le service militaire sera-t-il poursuivi ? Quels sont les enseignements dégagés de ces différentes expériences. Quel financement sans réforme fiscale ? La commission souligne que ce qu'elle propose nécessite la mobilisation de ressources financières conséquentes, ce qui requiert la mise en place d'une stratégie de financement adéquate. Selon les évaluations qu'elle juge préliminaires, il a été estimé que les réformes et projets proposés, nécessiteront des financements publics additionnels de l'ordre de 4% du PIB annuellement en phase d'amorçage (2022-2025) et de l'ordre de 10% du PIB en rythme de croisière à l'horizon 2030.» (p.154). L'amorçage risque d'être particulièrement difficile, du fait de la situation sanitaire et de sa gestion et de ses conséquences sur l'économie. Mais aussi du surendettement où se trouve le Maroc. Il faut signaler que la principale voie qui aurait permis de dégager des ressources propres et durables a été totalement ignorée : il s'agit d'une réforme fiscale sérieuse qui éliminerait les dépenses fiscales qui enrichissent les rentiers sans véritable apport productif. Et aussi agir dans le sens de l'élargissement de l'assiette fiscale qui retient les principes de l'équité et de la progressivité.