Ce sont les versements exigés avant achèvement du bien qui exposent l'acquéreur aux dangers les plus importants. Face à la diversité des risques, le législateur a progressivement dégagé des mécanismes protecteurs.
Par B. Chaou
La vente en l'état futur d'achèvement VEFA est un contrat type de la promotion immobilière, dans lequel l'acquéreur doit être propriétaire des constructions au fur et à mesure de leur achèvement. La contrepartie, c'est qu'il participe au financement de l'opération de construction avant son aboutissement. Ceci l'amène donc à se retrouver obligé de verser au vendeur les sommes correspondant à la valeur cumulée de la propriété du terrain qui lui a été transférée et des constructions effectivement réalisées dessus. D'ailleurs, l'article 618-1 de la loi 107.12 modifiant et complétant la loi n° 44-00 relative à la vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement est clair : «Est considérée comme vente d'immeuble en l'état futur d'achèvement, toute convention par laquelle le vendeur s'oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé et en transférer la propriété à l'acquéreur en contrepartie d'un prix à payer par ce dernier, au fur et à mesure de l'avancement des travaux». Les contraintes de la VEFA au Maroc Ce sont les versements exigés avant achèvement qui exposent généralement l'acquéreur aux risques. En effet, ce dernier se trouve face à un risque d'inachèvement du bien immeuble et à celui d'une non-restitution des versements de fonds effectués. Les besoins de protection au fur et à mesure de l'avancement des travaux sont donc très pressants. Si la VEFA connaît une embellie ailleurs, par exemple en France où plus de la moitié des projets immobiliers se fait sous cette forme, au Maroc, elle comporte plusieurs risques majeurs liés à l'exécution des projets. Ils peuvent émerger à tout moment : abandon du chantier, inachèvement de l'immeuble, liquidation judiciaire de l'entreprise venderesse, du promoteur ou des constructeurs, retards dans la livraison... D'autres problématiques, comme la mauvaise foi des promoteurs, sont aussi récurrentes, face auxquelles certains mécanismes juridiques ont été mis en place. Pour Maître Soulimane Thaili, avocat au Barreau de Casablanca et fondateur du cabinet Thaili Law Firm, «face à la diversité de ces risques, le législateur a progressivement dégagé des mécanismes protecteurs, d'intensité variable, destinés à assurer une protection efficace des intérêts des parties. Ces mécanismes protecteurs tiennent essentiellement à l'encadrement des versements pouvant être exigés par le promoteur et à la fourniture de diverses garanties ayant pour objet soit le remboursement des sommes versées, soit l'achèvement de la construction de l'ouvrage projeté». Se protéger face aux délits Cependant, malgré l'existence d'un cadre juridique encadrant la VEFA, il comporterait, selon les spécialistes, certaines faiblesses et ne protègerait pas de manière complète les acquéreurs. Dans la pratique, le contrat de réservation est provisoire et devrait être un tremplin vers la conclusion d'un contrat préliminaire de vente. Selon Maître Thaili, «les contrats de réservation ne comportent aucun engagement du vendeur ni sur le délai de livraison ni sur les garanties des clauses compromissoires d'arbitrage. Cette situation vide la loi 107.12 et la notion de VEFA de toute sa substance». Effectivement, en l'absence de contrat préliminaire notarié ou établi par des professionnels, il n'y a pas de délai de livraison. C'est pour cela que le contrat de réservation, en principe provisoire, reste le seul lien entre les parties. En cas de délits, les victimes peuvent toujours ester en justice sur la base des dispositions légales. Les procédures à suivre diffèrent selon le caractère pénal des transgressions. «Il s'agit d'actions en nullité, la restitution des fonds avancés et l'obtention des dommages-intérêts. Les victimes devront, pour s'en prévaloir, prouver l'intention frauduleuse du vendeur du bien immeuble qui reste souvent difficile en matière de VEFA, vu le caractère civiliste des contentieux en la matière», nous éclaire Thaili. À noter que ces actions en justice ne seraient juridiquement acceptables que si l'acquéreur a exécuté ses obligations contractuelles du contrat préliminaire, principalement le paiement du prix convenu au profit du vendeur. En conclusion, afin d'éviter de subir des escroqueries, Me Thaili insiste sur le fait qu'il serait judicieux d'établir un contrat préliminaire par voie notariale ou par un professionnel dûment habilité pour assurer la sécurité et l'équilibre contractuel nécessaire, et afin de suivre le processus de la VEFA. L'accompagnement d'experts est donc nécessaire afin de se protéger.