La rigidité des règlementations nationales en matière de change et le niveau élevé des coûts transfrontaliers des transactions freinent la mobilité des capitaux. Des experts évoquent des pistes qui peuvent aider à l'accélération du processus d'intégration régionale dans sa dimension «marchés et services financiers». Le coût du non-Maghreb est estimé à deux points de croissance : il s'agit là d'un constat connu de tous. La panne politique dans la région prend ainsi en otage toute intégration d'ordre économique ou financier, alors que tous les acteurs et opérateurs de la région estiment que les opportunités de développement sont énormes si les cinq pays qui la composent se solidarisent entre eux. Afin d'etudier les possibilités de coopération et de synergies entre opérateurs de la région, le Bureau pour l'Afrique du Nord de la Commission économique des Nations unies pour l'Afrique (CEA) et le Maghreb Economic Forum ont organisé récemment à Rabat une table-ronde sur le thème «Intégration financière et développement des coopérations fonctionnelles : le rôle des acteurs privés». En effet, toute intégration, économique ou politique soit-elle, ne saurait se concrétiser sans le bras financier. Cette table-ronde s'inscrit ainsi dans le cadre général de la mission d'appui de la CEA aux initiatives sous-régionales en Afrique du Nord et dans la vision du Maghreb Economic Forum qui s'est fixée comme objectifs «d'identifier et mettre en avant les synergies positives..., afin de promouvoir les opportunités de coopération au Maghreb». Elle fait suite à une réunion de concertation, tenue en janvier 2013, entre les principaux animateurs de l'intégration régionale, réunion qui avait recommandé la promotion des coopérations fonctionnelles portées par des réseaux d'acteurs maghrébins, ou des partenariats sectoriels entre des entités privées et parapubliques autonomes. L'objectif général étant d'identifier les vecteurs d'accélération du processus d'intégration régionale, dans sa dimension «marchés et services financiers». «Il s'agissait, à partir d'un état des lieux exhaustif, d'analyser les voies et moyens permettant de lever les obstacles à une intégration financière et de définir le rôle que peuvent jouer les professionnels de la banque et des marchés financiers pour une dynamique plus soutenue en matière de mobilité des facteurs en Afrique du Nord», explique-t-on du côté du Bureau pour l'Afrique du Nord de la CEA. Pour répondre à ces deux axes principaux de débat, une trentaine de hauts dirigeants et professionnels de la banque et de la Bourse, des investisseurs et des universitaires/chercheurs ont pris part à la rencontre marquée par la présence de Kamel Lazaar, Président du MEF et Executive Chairman de la banque d'affaires Swicorp, Karima Bounemra Ben Soltane, Directrice du Bureau pour l'Afrique du Nord de la CEA et Habib Ben Yahya, Secrétaire Général de l'UMA qui ont tous insisté sur la nécessité d'accélérer le processus d'édification d'un marché maghrébin. Il est indéniable que l'intégration est un facteur de transformation économique et sociale de l'UMA. Mais voilà près d'un quart de siècle que cet objectif est bloqué par le politique. D'autres contraintes s'ajoutent aussi à la liste. En effet, les analyses, débats et échanges de vue ont permis d'identifier celles qui freinent la mobilité des capitaux et des investissements entre pays maghrébins, en particulier les règlementations nationales en matière de change, la diversité des profils bancaires des Etats, l'existence de traitements différenciés entre investisseurs, ou encore le niveau élevé des coûts transfrontaliers des transactions. Au terme de la rencontre, il a été, entre autres, préconisé la mise en place d'un fonds maghrébin d'investissement par les opérateurs économiques, la création d'une plate-forme d'échanges entre les acteurs privés, et l'institution par l'Union maghrébine des banques et l'Union maghrébine des employeurs d'un lobbying d'influence dont les objectifs spécifiques seraient notamment une ouverture ciblée du Compte capital des Etats, la mise à niveau des systèmes financiers nationaux avec les standards internationaux et un fast-track administratif sur les transactions transfrontalières. Comme l'a souligné Karima Bounemra Ben Soltane, Directrice du Bureau pour l'Afrique du Nord de la CEA, «la pertinence des idées et actions préconisées sera tributaire de la volonté et de la capacité des investisseurs et des professionnels de la finance à s'approprier les résultats de la table-ronde et à les traduire en projets de partenariat qui donneraient une nouvelle impulsion à l'intégration maghrébine. La concrétisation de cette perspective servirait à la fois de support et de catalyseur à d'autres acteurs privés et parapublics, pour d'autres coopérations sectorielles, dans des domaines aussi porteurs pour la sous-région que les télécommunications, l'industrie des énergies renouvelables, les transports, l'agroalimentaire, la pétrochimie ou encore le tourisme». Il faut également souligner qu'en marge des travaux des 48èmes assemblées annuelles de la banque, qui se sont tenues du 27 mai au 1er juin 2013, à Marrakech, l'ancien ministre de l'Economie et des Finances, Nizar Baraka, avait annoncé que la Banque maghrébine d'investissement et de commerce extérieur élira son siège dès 2014 en Tunisie. Aussi, un dispositif devait déterminer une feuille de route à même d'aider les organes décisionnels de la BMICE à adopter les mesures et stratégies qui s'imposent. Le financier finira-t-il par réussir là où le politique est à la peine ? C'est tout le mal qu'on souhaite à cette région et au devenir de ses citoyens.