Eclairage de Said Mouline, Directeur général de l'ADEREE, sur l'état des lieux de la formation en matière d'énergies renouvelables, ainsi que sur les initiatives prises afin de créer des filières spécialisées pour garantir une main-d'œuvre qualifiée. Finances News Hebdo : Durant ces dernières années, le Maroc a accompli un grand pas dans le domaine des énergies renouvelables, avec le lancement de projets de grande envergure. Cependant, la question qui se pose, aujourd'hui, concerne la formation professionnelle dans le domaine. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Said Mouline : Le lancement de ces projets structurants n'a pas été opéré dans le seul but de répondre à la demande croissante en énergie dans notre pays. Dès le départ, il a été question de lancer les programmes solaires, éoliens mais aussi hydrauliques pour atteindre les 6000 MW de capacité en énergies renouvelables en 2020, dans notre pays, au lieu des quelques 2000 MW produits actuellement. L'objectif est triple : intégration industrielle des projets, c'est-à-dire création de nouveaux marchés et de filières industrielles génératrices d'emplois, approvisionnement énergétique durable et propre, et limitation de la dépendance énergétique qui avoisine les 95%. Les secteurs concernés qui sont principalement l'énergie solaire photovoltaïque, l'énergie solaire thermique et l'énergie éolienne, font que le Maroc a lancé plusieurs initiatives visant à renforcer la formation de base dans ces technologies, au niveau des facultés, instituts techniques et écoles d'ingénieurs. Les spécialités ciblées sont l'ingénierie, la fabrication et la maintenance des équipements. Tous les efforts sont actuellement menés par les différents acteurs dans ce secteur, (ministères, universités, instituts, OFPPT, ...), les établissements et entreprises publiques du secteur dont l'ADEREE, pour fédérer leurs activités et appuyer la création de nouvelles filières techniques et instituts spécialisés dans ce domaine, avec un appui financier au niveau de la R&D. Des partenariats ont aussi été noués dans ces secteurs entre des institutions nationales publiques et privées, et des institutions internationales spécialisées dans le secteur de la formation et du renforcement de capacité. Autre volet concernant ces nouveaux métiers, la Commission économie verte de la CGEM prépare une base de données de ces entreprises spécialisées. F. N. H. : Avez-vous évalué les besoins en matière de ressources humaines qualifiées pour couvrir les besoins des différents projets lancés ? S. M. : Simultanément avec le lancement de cette dynamique, une étude nationale avait estimé que plus de 13.000 ingénieurs, techniciens et ouvriers devront être formés à l'horizon 2020 dans les filières éolienne, solaire, biomassique et hydraulique pour répondre aux besoins du marché. Ces estimations ont été réalisées avec, en amont, l'établissement d'un bilan global des compétences des différents acteurs et l'identification des compétences prioritaires à développer. L'estimation des besoins en formation a porté successivement sur la formation initiale et la formation continue. Fondamentalement, il s'agit de créer dans les écoles d'ingénieurs et les instituts de technologie, des filières appropriées pour la fabrication, l'exploitation et la maintenance d'équipements, ainsi que la conduite d'audits énergétiques. Un travail important a, par ailleurs, été mené pour identifier les partenariats au niveau national disposant de l'encadrement pédagogique et des moyens logistiques à même d'adapter certains de leurs programmes de formation aux futurs besoins du marché. Une instance nationale de coordination et de suivi de réalisation du plan d'action regroupant les acteurs institutionnels a été créée à cet effet. F. N. H. : Qu'en est-il du programme de formation professionnelle, avez-vous mis en place, en partenariat avec les différents acteurs de l'enseignement supérieur, une feuille de route afin de préparer les compétences nationales nécessaires? S. M. : Avec le lancement de filières spécialisées de techniciens et d'ingénieurs dans plusieurs écoles d'ingénieurs et instituts de technologie, trois instituts de formation spécialisés en énergies renouvelables et efficacité énergétique verront le jour respectivement à Oujda, Ouarzazate, et Tanger. L'objectif de toutes ces initiatives est de créer des filières spécialisées à même de garantir une main-d'œuvre qualifiée pour accompagner le secteur. Il s'agit aussi d'assurer au personnel des entreprises de ce secteur, des formations, ainsi que des cours de perfectionnement, en vue de répondre à leurs besoins. Les formations ciblent les domaines du solaire, de l'éolien, de la biomasse, de la micro-hydroélectricité et de l'efficacité énergétique. Le premier institut devra voir le jour à Oujda. De plus, un programme national de formation des formateurs est actuellement en cours de réalisation par l'ADEREE en partenariat avec ses partenaires nationaux dont l'OFPPT, avec la formation de formateurs dans le montage et la réalisation des projets dans le domaine des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. Le but étant de créer au niveau national des formateurs avec des outils pédagogiques modernes et adaptés. L'ADEREE offre aussi, depuis plusieurs années, à travers sa «green-plateform» pédagogique de formation aux étudiants, chercheurs et au secteur privé, un espace d'échange et de formation pratique pour mettre à niveau, compléter et confronter leur formation universitaire avec les réalités du terrain. Plus récemment, cette plateforme a été placée sous l'égide de l'UNESCO comme centre régional pour les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique, car nous formons aussi nos frères africains dans ce domaine. F. N. H. : Ne pensez-vous pas qu'il peut y avoir un décalage entre l'offre et la demande, sachant que les projets sont mis en route alors que la formation est toujours à la traîne ? S. M. : L'existence de modules de formation sur les énergies renouvelables ou de masters remonte bien avant le lancement de ces programmes, mais avec une capacité insuffisante. Il a fallu accélérer la mise sur le marché des compétences pointues, en adaptant les formations offertes avec les besoins immédiats du marché au niveau de la formation professionnelle. Il s'agit d'offrir au sein des établissements de l'enseignement supérieur, en mode de formation continue, des programmes d'enseignement adaptés qui satisferont les besoins en compétences humaines requises par les entreprises. On peut saluer la réactivité des milieux universitaire et professionnel qui a été très efficace. Les enseignants et chercheurs ont accueilli favorablement ces initiatives, avec la mise en place, dans des délais très courts, de cursus universitaires ou techniques qui répondent aux besoins immédiats du marché, principalement au niveau de la maintenance et la conduite des équipements de production d'énergies renouvelables. Finalement, il est primordial de multiplier les initiatives de sensibilisation à destination des jeunes et des entreprises. Certaines grandes écoles organisent annuellement des forums dédiés à l'économie verte. Une rencontre est aussi prévue lors de la prochaine Conférence de Rabat pour le développement durable, prévue en novembre et ayant pour thème les innovations et opportunités de l'économie verte en Méditerranée, où étudiants et universitaires se retrouveront pour échanger à ce sujet.