Des mesures correctives commerciales ne peuvent être prises qu'à partir d'investigations dûment documentées et justifiées. Des enquêtes antidumping sont ainsi en cours de finalisations, notamment celles relatives aux importations d'insuline en provenance du Danemark, entre autres. A partir du mois de septembre prochain dans les différentes régions du Royaume, seront organisés des séminaires d'information et de vulgarisation au profit des opérateurs marocains sur les différentes dispositions de ce mécanisme de défense commerciale. L'Association marocaine des exportateurs (ASMEX), vient d'organiser, le 5 juillet, une rencontre relative à la défense commerciale et à laquelle ont pris part aussi bien le ministère de tutelle que le patronat. Force est de reconnaître que le sujet interpelle à plus d'un titre. En effet, même si l'on a enregistré un léger mieux des échanges extérieurs au terme des quatre premiers mois de l'année 2013, cela est essentiellement dû à la baisse des importations et des exportations des biens et services de 0,6% et de 0,9% respectivement. Le déficit commercial, pour sa part, demeure important pour des raisons liées à la faiblesse de compétitivité de notre tissu économique et de la faible valeur ajoutée de nos exportations. Pis encore, nos produits sont même concurrencés sur le marché national. Comment dès lors redresser la barre ? L'ASMEX et la CGEM ont appelé à une évaluation des accords de libre-échange signés par le Maroc. Rappelons également que le gouvernement et le patronat ont activé récemment le comité de lutte contre la sous-facturation, mis en place avec un groupe de membres de la CGEM et le gouvernement précédent, avec l'appui du ministre de l'Industrie de l'époque, et avec le concours de la Direction des impôts. D'aucuns estiment que pour freiner ce déficit, il faut aussi bien améliorer la compétitivité que l'offre exportable marocaine. Comment y parvenir ? Présent également lors de cette rencontre, Abdelkader Amara, ministre de l'Industrie, du Commerce et des Nouvelles Technologies a assuré qu'à mesure que la libéralisation a ouvert le commerce mondial à la libre concurrence - qu'il soit au niveau bilatéral, régional ou multilatéral - des mesures correctives commerciales sont prises au niveau national pour contrôler l'accès au marché au motif que les prix des exportateurs sont déloyaux ou inondent massivement le marché, sachant que les produits en provenance des pays en développement et des économies en transition sont de plus en plus visés par ces mesures. «Suite à la conclusion d'une série d'accords commerciaux préférentiels prévoyant une libéralisation progressive de ses importations, et en vue de corriger, voire de prévenir toute distorsion issue des pratiques de concurrence déloyale, le Maroc s'est doté d'un cadre législatif et réglementaire (loi 15-09 et son décret d'application) conforme aux dispositions des Accords multilatéraux de l'OMC y afférents», précise le ministre. Et d'ajouter que la question de défense commerciale a constitué, en effet, l'une de ses préoccupations fondamentales au regard de l'évolution qu'a connue notre commerce extérieur durant les dix dernières années. Amélioration de la compétitivité Selon Abdelkader Amara, le choix irréversible de la politique d'ouverture économique, se justifie aussi bien par la création d'un environnement propice à l'amélioration de la compétitivité et des conditions d'approvisionnement de l'entreprise marocaine, que par le développement de nouveaux marchés à l'exportation pour les biens et services d'origine nationale, en mettant en place, au profit de l'entreprise exportatrice, les opportunités en termes d'accès préférentiel offertes sur les marchés les plus dynamiques dans la région (l'UE) et au monde (les Etats-Unis). «Toutefois, et à l'instar de tous les pays développés ou en développement, le tissu productif national n'a pas échappé à la concurrence déloyale des prix de certains produits à l'import ou l'accroissement d'importations massives d'autres produits, générant de facto des contreperformances en termes de capacité de production ou de développement à l'international», poursuit le ministre. Ce qui rend nécessaire de pouvoir répondre d'une manière adéquate et efficace à ces pressions par un dispositif réglementaire, sans pour autant remettre en cause les engagements internationaux du Royaume. «Cette réponse se doit de réparer tout préjudice causé, ou pouvant porter des menaces graves, suite à l'accès sur le marché national des importations dommageables», promet solennellement le ministre. Le cadre réglementaire actuel regroupe un ensemble de règles et de procédures qui découlent des accords de l'OMC, notamment l'Accord relatif aux mesures antidumping, l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires et l'Accord sur les sauvegardes. Le ministre, explicitant plus ce cadre, explique que telles que fixées par les dispositions de la loi sur les mesures de défense commerciale, les mesures antidumping peuvent être appliquées contre les importations réalisées à des prix anormalement bas (dumping). Il y a aussi les mesures compensatoires contre les importations ayant bénéficié d'un soutien public, quelle que soit sa nature, dans le pays d'exportation et les mesures de sauvegarde contre les importations d'un produit dont le volume a connu une augmentation massive et inattendue, même si elles sont réalisées en total respect des taxes exigibles à la frontière, des règles d'origines ou vis-à-vis des prix pratiqués sur le marché national. Mais, entre réalité et textes réglementaires, il s'agira pour l'administration compétente, en l'occurrence le ministère chargé du Commerce extérieur, de mener des enquêtes auprès des parties concernées nationales, afin de mettre en œuvre ces mesures. Au terme de ces enquêtes, l'administration compétente doit déterminer, sur la base d'éléments de preuves objectives, l'existence d'un dumping ou subvention ou accroissement massif des importations; l'existence d'un préjudice grave ou dommage (ou menace de dommage) causé à une branche de production nationale produisant un produit similaire ; et le lien de causalité entre les importations faisant l'objet d'un dumping/subvention/importations massives et le dommage causé à la branche de production nationale. A cet effet, le processus de mise en œuvre desdites mesures est conçu de telle manière à garantir un maximum de transparence, un équilibre entre les droits et obligations des parties concernées et une équité et objectivité dans le jugement et la prise de décisions pour les autorités gouvernementales. «A ce titre, j'ai souvent appelé, dans mes interventions à différentes occasions, que l'utilisation de ce mécanisme de défense commerciale est «une ingénierie en soi», notamment en termes de pré-requis nécessitant un savoir-faire pointu et des ressources humaines spécialisées permettant de construire des jugements ou des décisions défendables devant les parties antagonistes. Chose qui nous a poussés à mobiliser plus de moyens pour renforcer nos capacités en la matière », poursuit le ministre. Meilleure connaissance des droits Pour la tutelle, l'efficacité de tout système de défense commerciale passe, tout d'abord, par une meilleure information et compréhension de la communauté des affaires de leurs droits et obligations à l'égard des mesures prévues par ce dispositif. Rappelons d'ailleurs que ces procédures sont les seules, dans le système de l'OMC, à octroyer un rôle actif à la communauté des affaires. Les gouvernements ne prennent des mesures correctives commerciales qu'à l'instigation, dûment documentée et justifiée, des entreprises locales ou pour des raisons commerciales. «Pour ce faire, le ministère s'est fixé dans son agenda l'objectif de remplir pleinement son rôle en organisant, en étroite collaboration avec la CGEM et l'ASMEX, à partir du mois de septembre prochain, dans les différentes régions du Royaume, des séminaires d'information et de vulgarisation au profit des opérateurs marocains sur les différentes dispositions de ce mécanisme. Nous nous attelons également sur la mise en place d'une plateforme en ligne sur la réception des requêtes (ou demandes d'informations) des producteurs ou exportateurs sur ce sujet, ainsi que toute autre problématique liée à l'opération d'exportation», relève A. Amara. Celui-ci a d'ailleurs énuméré la panoplie de mesures de défense commerciale entreprise par le ministère. En l'occurrence, le droit antidumping de 25% appliqué sur le contreplaqué originaire de Chine, le droit antidumping provisoire variant de 25% à 63% sur le PVC originaire des Etats-Unis ; ou encore le droit additionnel spécifique de 550 DH/tonne sur les importations de fer à béton et fil machine, en tant que mesure de sauvegarde. Aussi, d'autres enquêtes sont-elles en cours de finalisation, notamment l'enquête antidumping relative aux importations d'insuline en provenance du Danemark; l'enquête antidumping sur les tôles laminées à chaud originaire de l'Union européenne et de la Turquie; et l'enquête antidumping sur les importations du papier (format A4) originaires du Portugal. Le ministre a rappelé que le gouvernement marocain est résolument engagé, d'une part à encourager le développement d'un tissu productif national hautement compétitif générant de plus en plus de valeur ajoutée. Et d'autre part à protéger sa performance via le cadre réglementaire adéquat et dans le respect de ses obligations à l'égard des pays partenaires. Un cadre réglementaire qui, rappelons-le, sera vulgarisé davantage à partir de septembre, en collaboration avec la CGEM et l'ASMEX.