◆ Le secteur continue de subir de plein fouet les conséquences de la crise sanitaire. ◆ Les pertes s'élèveraient à 3% du PIB en 2020.
Par S. Kassir
La pandémie liée à la Covid-19 a fortement impacté l'industrie automobile mondiale, y compris celle du Maroc. Le think tank Policy Center for the New South a fait un focus sur le sujet, dans un document intitulé «Industrie automobile nationale face à la Covid-19 : Faut-il se préoccuper de l'impact sur le compte courant ?». Durant les 3 premiers mois de l'année, avant même que l'état d'urgence soit décrété, les exportations nationales liées au secteur automobile avaient reculé de près de 25% par rapport à la même période de 2019. Ce recul a concerné les produits finis comme l'assemblage (-36%), les semi-produits comme le câblage (-26%) et enfin les produits d'intérieur du véhicule et sièges (13%). «A fin mai, l'atonie du secteur automobile s'est davantage concrétisée et la baisse des exportations est passée à près de 40%, de manière plus prononcée pour les produits intermédiaires (…). Si le secteur clôture l'exercice 2020 sur la même contre-performance, le manque à gagner pour le secteur automobile franchirait les 33 milliards de dirhams, ou l'équivalent de 3% du PIB», estime Policy Center for the New South. Selon ce document, à première vue, la balance commerciale et le compte courant de manière générale devraient subir un choc majeur et faire face à une perte conséquente des recettes à l'exportation, d'autant plus que le secteur automobile s'est érigé depuis ces 6 dernières années en une locomotive de croissance des exportations et est également le premier des secteurs exportateurs, devant les activités classiques d'agro-industrie et de phosphates et dérivés. Pour autant, l'effet net de la contre-performance du secteur sur les équilibres externes est à relativiser et peut être moins prononcé, pour deux raisons principales, estime le think tank. La première est relative au positionnement du Maroc en haut de la chaîne de production, faisant de lui un importateur de produits intermédiaires, surtout pour les activités d'assemblage. Ainsi, tout ajustement à la baisse du chiffre d'affaires à l'exportation se traduirait par une réduction proportionnelle des intrants importés. La deuxième raison, poursuit le document, est liée à la prépondérance du capital étranger dans l'écosystème de l'industrie automobile. Ce qui fait que l'atonie de l'activité à l'exportation ne manquerait pas d'affecter la rentabilité des entreprises et, in fine, leur capacité à rapatrier leurs bénéfices. Forte dépendance des intrants importés Le secteur automobile est à la tête des secteurs exportateurs les plus dépendants des intrants importés, puisque plus de 58% de la valeur à l'exportation du secteur automobile comportent en réalité une valeur ajoutée étrangère contenue, soit plus du double des proportions observées dans les autres secteurs de l'économie, note le document. «Autrement dit, plus de 58% des exportations du secteur automobile ne sont en fait que des produits initialement importés. De plus, 93% des produits intermédiaires destinés au secteur automobile sont automatiquement réexportés et seuls 7% sont destinés à alimenter la production orientée vers le marché domestique», précise la même source. Ce qui a une incidence sur la contribution nette du secteur à la rentrée de devises dans ce contexte. De ce fait, «sur les 13,9 milliards de dirhams de contraction des recettes à l'exportation recensés sur les 5 premiers mois de l'année 2020, seuls 5,8 milliards sont à retenir effectivement comme un manque à gagner net pour l'économie marocaine en matière de rentrées de devises. Le reste représente en fait des économies d'importations», note le document. En définitive, Policy Center for the New South souligne l'intérêt de prendre en considération la dimension de l'actionnariat étranger pour l'analyse de la performance nette des secteurs à l'exportation. Car, les données de plus en plus abondantes du commerce en valeur ajoutée fournissent une compréhension plus affinée de l'intégration des économies dans les chaînes de valeurs. «Pour le cas national, ce nouveau dispositif statistique a permis d'apporter une première réponse à la contribution des nouveaux métiers du Maroc aux échanges commerciaux et à l'intensité des relations en amont et en aval qu'entretiennent ces secteurs avec le reste de l'économie», souligne la même source. De fait, poursuit-elle, «la forte présence du capital étranger dans l'industrie automobile par exemple nous interpelle également quant à la nécessité de prendre en considération cette dimension pour évaluer, entre autres, la contribution nette de ces secteurs aux entrées de devises, compte tenu du poids croissant de la composante des revenus sur investissements». En 2019, elle a représenté plus de 1,6% du PIB. Ainsi, «l'effet net de la chute des exportations du secteur sur le compte courant est moindre, en raison du contenu important en importations des exportations du secteur et du retour sur investissement rapatrié partiellement ou totalement», précise le document.
Le Maroc, premier marché de la région MENA Bien que la pandémie du coronavirus l'ait impactée, l'industrie automobile nationale garde toujours ses atouts. En effet, grâce à de «solides perspectives de croissance de la production», de faibles coûts de main-d'œuvre et une politique industrielle active, le Maroc est le «premier marché de la région MoyenOrient et Afrique du Nord (MENA) dans l'indice de risque/récompense de la production automobile», souligne Fitch Solutions dans un classement publié récemment. La croissance de la production des véhicules, la capacité de leur fabrication, le risque logistique et la force de sa politique industrielle sont autant de facteurs qui font de l'industrie automobile au Maroc le marché le plus attractif au niveau de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. La notation finale du Maroc dans le classement de Fitch est de 44,7% sur 100. Dans le détail, le Royaume a obtenu un score de 83,9% sur 100 pour sa production de véhicules, soit le score le plus élevé, suivi de celui du coût de la main-d'œuvre (66,1%). La capacité du secteur manufacturier national obtient 35,7% et le risque logistique, en raison de sa faiblesse, a obtenu le score le plus bas, soit 32,1% sur 100, d'après Fitch Solutions.